Chapitre 38 - Journal Du Bibliothécaire 1

Un silence pesant s'installa. L'odeur de pourriture semblait s'intensifier, et l'air devint encore plus oppressant.

Feng Lin ramassa la torche en bois tombée sur le sol. Son poids était encore correct, ce qui signifiait qu'elle n'était pas complètement décomposée par le temps.

Feng Yue plissa les yeux.

— On ne peut pas avancer sans lumière.

Feng Lin fronça légèrement les sourcils. Il n'avait rien pour allumer cette torche. Pourtant, il savait qu'ils devaient descendre. L'héritage du clan se trouvait sûrement au fond de cet endroit.

Il serra inconsciemment l'œil ancien qu'il avait ramassé plus tôt. À cet instant, une faible lueur dorée pulsa en lui, comme une résonance.

Puis soudain, la torche s'embrasa d'une flamme pâle et instable.

Feng Yue recula d'un pas, stupéfaite.

— Comment… ?

Feng Lin fixa la torche, masquant son propre étonnement.

— Peut-être que cet endroit reconnaît l'œil…

Il tourna son regard vers les ténèbres qui les attendaient plus bas.

— Continuons.

Avec la torche désormais allumée, Feng Lin et Feng Yue purent voir l'état déplorable des murs qui les entouraient. L'humidité avait rongé la pierre, la rendant friable par endroits. Des fissures couraient le long des parois, et certaines sections semblaient prêtes à s'effondrer au moindre choc.

Malgré cela, Feng Lin continua à avancer, déterminé. Il pouvait sentir quelque chose d'important au bout de ce passage.

Après une descente qui leur parut interminable, ils atteignirent enfin le bas des escaliers.

Un vaste hall souterrain s'étendait devant eux. L'air y était encore plus vicié, chargé d'une odeur de mort et de pourriture ancienne. Des piliers brisés parsemaient la salle, témoignant d'un ancien édifice majestueux aujourd'hui en ruine.

Mais ce qui attira immédiatement leur attention fut l'énorme porte de bronze au fond de la pièce. Contrairement au reste des lieux, elle semblait presque intacte, ornée d'anciens symboles du clan Feng.

Feng Yue s'arrêta, troublée.

— C'est… une porte scellée.

Feng Lin s'approcha lentement, sa torche projetant des ombres mouvantes sur le métal poli.

— Alors, derrière elle se trouve sûrement l'héritage du clan.

Ses doigts effleurèrent la surface froide de la porte. Une faible vibration parcourut son bras.

L'œil doré sur son visage s'illumina de nouveau.

Au moment où l'œil de Feng Lin s'illumina, une réaction en chaîne se produisit.

Les torches accrochées aux murs s'allumèrent une à une, baignant la salle d'une lueur vacillante. L'éclat du feu révéla une scène cauchemardesque.

Des dizaines de cadavres jonchaient le sol, certains réduits à l'état de squelettes, d'autres encore partiellement momifiés. Les corps étaient de toutes sortes : des hommes, des femmes, des enfants… même des animaux. L'odeur de putréfaction, bien que vieille de plusieurs siècles, était toujours présente, rendant l'air lourd et suffocant.

Feng Yue recula instinctivement, le visage pâle.

— Qu'est-ce que…

Elle s'interrompit, incapable de finir sa phrase.

Feng Lin, lui, resta silencieux. Son regard balaya les corps, analysant la situation avec un calme froid.

Ce n'est pas une simple tombe… c'est un charnier.

Il s'agenouilla près d'un squelette et observa attentivement ses os. Des marques profondes y étaient gravées, comme si la personne avait été déchirée de l'intérieur.

Feng Yue, horrifiée, murmura :

— On dirait… qu'ils ont tous été piégés ici.

Feng Lin ne répondit pas immédiatement.

Son regard se posa sur la porte de bronze.

Feng Lin balaya la pièce du regard, cherchant quelque chose d'utile parmi les cadavres et les débris. Il se redressa lentement et tourna la tête vers Feng Yue.

— Regarde autour de toi. Est-ce que tu vois un carnet ou des notes bien conservées ?

Feng Yue sursauta légèrement à sa question, encore troublée par la scène macabre. Elle inspira profondément, tentant de reprendre son calme, puis hocha la tête et se mit à chercher.

Les vieux parchemins et les morceaux de tissu moisis ne manquaient pas, mais la plupart étaient en trop mauvais état pour être lisibles. Elle s'approcha de ce qui semblait être le cadavre d'un ancien érudit ou d'un chef de clan, vu ses vêtements autrefois ornés.

Sous ses os brisés, un petit livre à la couverture de cuir était encore relativement intact, protégé par une pochette en soie usée. Feng Yue le ramassa avec précaution et souffla doucement dessus pour enlever la poussière accumulée.

— J'ai trouvé quelque chose.

Elle tendit le carnet à Feng Lin, qui le prit immédiatement. Ses doigts effleurèrent la couverture usée, et il l'ouvrit lentement.

À l'intérieur, l'écriture était ancienne mais encore lisible. Les premières lignes lui firent plisser les yeux.

[Premier jour]

«Cela fait maintenant quelques heures qu'une immense vague d'attaques a été perpétrée contre nous. La plupart de nos combattants étaient absents, partis en mission, nous laissant presque sans défense. Nous avons dû nous réfugier dans les différents bâtiments de sécurité pendant que le reste du clan se battait avec acharnement.

Après tout, je ne suis qu'un bibliothécaire, pas un expert en combat. On m'a confié la tâche de protéger les enfants et les femmes inaptes au combat. J'ai barricadé les portes du mieux que je pouvais avec l'aide de quelques anciens, mais nous savons tous que ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne nous trouvent.

Dehors, les cris et les explosions résonnent sans relâche. Par moments, j'entends des voix familières hurler… puis plus rien. J'ignore combien d'entre nous sont encore en vie.

Certains enfants pleurent, d'autres restent figés, terrorisés. Je tente de les rassurer, mais comment leur mentir alors que moi-même, je tremble en écrivant ces lignes ?

Nous sommes piégés. Et l'ennemi ne montre aucune pitié.»

Feng Lin continua sa lecture, ses yeux parcourant les lignes avec intensité. Feng Yue, debout à côté de lui, tentait de voir par-dessus son épaule.

[Deuxième jour]

«Nous avons tenu toute la nuit, mais la situation empire. Les bruits de combat ont cessé à l'aube, remplacés par un silence pesant, encore plus terrifiant que le chaos d'hier. À travers les interstices des barricades, j'ai aperçu l'ombre d'hommes armés fouillant les cadavres. Ils cherchent les survivants.

Les enfants sont trop faibles pour pleurer maintenant. Certains se sont endormis d'épuisement, d'autres restent blottis contre leur mère ou contre moi, le regard vide.

Nous n'avons presque plus d'eau.

J'ai entendu des bruits de pas lourds près de l'entrée. Ils savent que nous sommes ici.

Nous ne tiendrons plus très longtemps.»

Feng Yue sentit un frisson lui parcourir l'échine en lisant les premières lignes du carnet. Ses mains tremblaient légèrement.

— Alors… c'est comme ça que notre clan est tombé…

Elle avait grandi sans jamais connaître la véritable raison de la chute de leur lignée. Les anciens eux même ne savais pas, prétendant que ces secrets devaient rester enfouis.

Mais maintenant, elle lisait les mots d'un témoin direct.

Feng Lin, lui, garda son expression impassible. Il était bien plus intéressé par ce qui pourrait encore se cacher dans ces ruines que par l'histoire elle-même.

[Troisième jour]

«Le patriarche du clan, notre dernier espoir, est enfin venu à notre secours. Malgré ses blessures, malgré le désespoir qui pesait sur ses épaules, il a réussi à nous retrouver.

Mais le prix de notre salut fut terrible.

Pour nous offrir une chance de survie, il a sacrifié l'un de ses yeux. À l'instant où son regard s'est illuminé d'une lueur dorée, une porte que nous pensions condamnée depuis des siècles s'est ouverte devant nous. Un bunker, un sanctuaire oublié de notre clan… Un espoir fragile.

Nous nous y sommes précipités sans hésitation. Mais à peine avions-nous franchi l'entrée que la porte s'est refermée derrière nous. Nous étions enfermés. Prisonniers de notre propre refuge.

Le patriarche n'a pas eu le temps de nous léguer la clé de notre libération. Avant qu'il ne puisse nous révéler un moyen de sortir… il a été tué.

Nous sommes seuls. Coupés du monde extérieur.

Et nous ne savons pas combien de temps nous pourrons survivre ici…»