Dès que Feng Lin franchit le portail, une pression écrasante s'abattit sur lui.
Son corps entier se tendit sous l'impact, ses muscles se raidissant instinctivement. Ce n'était pas une simple oppression spirituelle comme celles qu'il avait affrontées auparavant. Cette fois, c'était comme si l'espace lui-même cherchait à l'écraser, à tester sa capacité à exister en son sein.
Ses os grincèrent légèrement sous la contrainte, et son Qi, pourtant fluide et puissant, eut un bref moment de stagnation avant de s'adapter. Même sa respiration devint plus laborieuse, comme si chaque inspiration demandait un effort supplémentaire.
Mais ce qui attira le plus son attention, c'était l'air.
Il était parfaitement pur. Trop pur.
Chaque respiration emplissait son corps d'une clarté nouvelle, lui donnant une sensation étrange de légèreté et de lucidité. Mais sous cette impression trompeuse se cachait une réalité bien plus rude. L'air lui-même contenait une force oppressive, une rigueur presque divine qui semblait refuser la présence des faibles.
Il comprenait. Ce monde ne tolérait que ceux capables de l'endurer.
Après quelques instants d'adaptation, il releva la tête et observa enfin son environnement.
Un monde vaste et sans fin.
Le sol s'étendait à perte de vue, brisé et déchiré par des failles béantes. Un paysage de désolation où la terre elle-même semblait avoir souffert d'innombrables guerres et catastrophes.
Les montagnes, autrefois majestueuses, n'étaient plus que des vestiges éventrés, leurs sommets arrachés comme si une force titanesque les avait balayées d'un revers de main. Partout, des fissures profondes striaient le sol, formant un réseau chaotique de cicatrices témoignant d'une destruction ancienne.
Il n'y avait ni végétation, ni eau, seulement un terrain morcelé, sec et figé dans un état d'effondrement perpétuel. De temps à autre, une brise invisible soulevait de fines particules de poussière, mais elles retombaient aussitôt, comme si le monde lui-même refusait d'être emporté ailleurs.
Tout dans cet endroit évoquait la fin d'une ère, un monde qui avait autrefois abrité quelque chose de grandiose avant de sombrer dans l'oubli.
Feng Lin avança d'un pas.
Sous ses pieds, la terre était dure, presque métallique au toucher, malgré son apparence rocheuse. Chaque pas était accompagné d'une sensation étrange, comme si le sol lui-même testait sa présence, jugeant s'il avait le droit de marcher ici.
C'est alors qu'il remarqua quelque chose d'étrange.
Un détail si subtil qu'il lui fallut un moment pour pleinement s'en rendre compte.
Il n'entendait rien.
Aucun bruit.
Feng Lin s'arrêta, plissa légèrement les yeux.
Son regard balaya l'horizon, cherchant un signe, une explication. Le silence était si absolu qu'il lui donnait une impression de vide surnaturel. Il fronça les sourcils et reprit un pas, cette fois en se concentrant sur le son de ses propres mouvements.
Mais… il n'y avait rien.
Aucun écho de ses pas sur le sol, aucun froissement de ses vêtements lorsqu'il bougeait. Même son souffle, qu'il percevait pourtant dans sa poitrine, restait muet.
Il claqua des doigts.
Rien.
Ses lèvres s'entrouvrirent légèrement, et un frisson lui parcourut l'échine.
Le son n'existait pas ici.
L'absence totale de bruit rendait l'atmosphère encore plus pesante. Son esprit, habitué à percevoir des sons en permanence, avait du mal à accepter ce vide anormal. C'était comme si un sens entier lui avait été arraché d'un coup.
Il tenta de parler.
Mais ses propres mots restèrent piégés dans sa gorge, comme avalés par le néant.
Le silence… n'était pas naturel. Il n'était pas seulement l'absence de bruit. C'était une loi imposée par ce monde.
Feng Lin inspira profondément et serra les poings.
Il comprenait maintenant.
C'était l'épreuve d'adaptation.
Ce monde n'allait pas seulement le tester physiquement. Il allait le forcer à évoluer, à ressentir d'une manière différente.
Feng Lin serra les dents et reprit sa marche.
Mais très vite, il se rendit compte que quelque chose n'allait pas.
Sans le son, ses pas lui semblaient… étrangers. D'ordinaire, il n'avait pas besoin d'y penser. Chaque mouvement était instinctif, naturel. Mais ici, sans le moindre repère auditif, son équilibre était perturbé. Ses gestes lui semblaient hésitants, mal assurés.
Il continua d'avancer, mais une désagréable impression grandissait en lui.
Le sol était stable. Pourtant, il avait l'impression de marcher sur du vide. Son corps ne répondait pas correctement. Ses appuis manquaient de précision, comme s'il était un enfant apprenant à marcher.
Une désorientation sournoise s'empara de lui.
Il s'arrêta, serra les poings. Son Qi circulait normalement, mais il ne ressentait plus son propre corps de la même manière. Comme si le lien entre son esprit et son physique était affaibli.
Ses sourcils se froncèrent.
Ce n'était pas seulement le silence. Ce monde lui arrachait peu à peu ses repères.
Il reprit un pas, concentré, tentant de se forcer à ignorer cette impression. Mais à chaque mouvement, le malaise grandissait. Il ne pouvait pas se fier à son ouïe. Il ne pouvait pas se fier à ses appuis.
Alors comment pouvait-il avancer ?
Un léger vertige le prit. Il s'arrêta net, respirant lentement. Il devait trouver un autre moyen. S'adapter.
Son regard s'abaissa vers le sol. Ses pieds étaient bien là. Ses jambes bougeaient comme il l'ordonnait. Alors pourquoi avait-il l'impression de flotter dans un espace inconnu ?
Il ferma les yeux un instant. Si le son ne pouvait pas lui servir… alors il devait se fier à autre chose.
Son regard.
Il les rouvrit, et cette fois, il se concentra pleinement sur ce qu'il voyait. Il fixa ses propres mouvements, analysa chaque déplacement de son corps avec une précision extrême.
Et là… quelque chose changea.
Le monde autour de lui devint plus clair.
Ses gestes, qui lui semblaient incertains quelques instants plus tôt, devinrent légèrement plus fluides.
Ce monde lui imposait un test bien plus vicieux qu'une simple privation sensorielle. Il le forçait à réapprendre à percevoir son propre corps.
Feng Lin comprit alors une chose :
S'il voulait survivre ici… il devait voir au-delà de ce qu'il croyait connaître.