Chapitre 42 - Petit Monde

Feng Lin ouvrit les yeux.

Il était toujours dans cette ruelle sombre, la pluie ruisselant sur les pavés sales.

L'enfant devant lui était recroquevillé contre le mur, tremblant de froid et de faim.

C'était lui.

Feng Lin s'approcha lentement.

— Tu comptes rester là ?

L'enfant ne répondit pas. Il resserra ses bras autour de ses genoux, le regard vide.

Feng Lin tendit la main.

— Lève-toi.

L'enfant leva lentement la tête. Son regard croisa celui de Feng Lin… puis tout bascula.

Feng Lin sentit une douleur fulgurante dans sa poitrine.

Il baissa les yeux.

Une dague ensanglantée était plantée en plein cœur.

Il chancela en arrière, le souffle court.

L'enfant devant lui le fixait avec un sourire froid.

— Tu ne comprends toujours pas, murmura-t-il.

Tout devint flou.

Et Feng Lin se retrouva de nouveau au début de l'illusion.

Encore.

Il rouvrit les yeux. La pluie tombait. L'enfant était là.

Il essaya une autre approche.

— La faiblesse, c'est la mort, dit-il doucement. Tu dois avancer.

L'enfant leva la tête…

Et planta la dague.

Encore.

La scène recommença.

Encore.

Chaque tentative se soldait par le même résultat.

À chaque fois, il essayait de convaincre l'enfant de se lever, de changer.

Mais à chaque fois, la lame transperçait son cœur.

Feng Lin comprit alors.

Il n'était pas là pour faire changer cet enfant.

Il était là pour s'en détacher.

Il était toujours enchaîné à ce passé, incapable de s'en libérer.

S'il voulait avancer… il devait mourir en tant que cet enfant.

Alors, cette fois-ci, il ne tendit pas la main vers l'enfant.

Il prit la dague de ses propres mains…

Et la planta dans sa propre poitrine.

Une douleur atroce l'envahit, mais il ne broncha pas.

L'enfant devant lui le regarda, surpris. Son expression se troubla, comme une illusion sur le point de se dissiper.

— Je ne suis plus toi, murmura Feng Lin.

La pluie s'arrêta.

L'illusion se brisa.

Et Feng Lin ouvrit les yeux… de retour dans le temple.

Feng Lin reprit brusquement son souffle en rouvrant les yeux.

Il était de retour dans le temple, la brume noire s'étant légèrement dissipée autour de lui. Son corps était trempé de sueur, et son cœur battait encore avec violence.

Il baissa les yeux vers sa poitrine, là où la dague s'était enfoncée dans l'illusion. Rien. Aucune blessure, mais la douleur persistait comme un souvenir brûlant.

Il inspira profondément pour calmer son esprit, puis tourna la tête.

Feng Yue était là, immobile.

Ses yeux étaient fermés, et son visage était crispé, comme si elle était plongée dans un cauchemar. De légers tremblements parcouraient son corps, et son souffle était irrégulier.

— Elle aussi… elle passe une épreuve ?

Feng Lin plissa les yeux et observa plus attentivement.

L'énergie qui l'entourait ressemblait étrangement à celle qui l'avait enfermé dans son propre passé. Une brume impalpable flottait autour d'elle, comme si elle était plongée dans une illusion.

Mais quelle épreuve subissait-elle ?

Feng Lin hésita un instant. Devait-il tenter de la réveiller ?

Il tendit la main vers son épaule… mais au moment où il allait la toucher, une force invisible le repoussa violemment.

— Tsk !

Il recula d'un pas, stabilisant son Qi. Cette épreuve ne pouvait être interrompue de l'extérieur.

Il fronça les sourcils.

— Soit elle réussit… soit elle échoue.

Il croisa les bras et attendit, observant Feng Yue d'un regard froid.

Elle n'avait pas d'autre choix que de survivre par elle-même.

Alors que Feng Lin s'apprêtait à avancer, une brume lumineuse, presque irréelle, s'éleva du sol. Elle ondulait doucement, comme animée d'une volonté propre.

Il plissa les yeux, en alerte.

La brume se mit lentement en mouvement, traçant une direction claire à suivre à travers l'immense pièce. Sans hésiter, Feng Lin la suivit, restant sur ses gardes.

La lumière le mena jusqu'à l'une des fontaines géantes qui parsemaient la salle. Contrairement aux autres, dont l'eau s'écoulait paisiblement, celle-ci commença soudainement à vibrer.

L'eau tourbillonna, s'élevant en une spirale ascendante avant de s'effondrer sur elle-même. Un instant plus tard, un cercle de lumière s'ouvrit dans son centre, dévoilant une sorte de passage indistinct, un vortex d'énergie pure.

Feng Lin écarquilla les yeux.

Il avança d'un pas, sentant une vague de pression spirituelle s'échapper de l'ouverture. C'était puissant, terriblement puissant.

Un portail comme celui-ci… dans le monde inférieur ?

C'était impossible.

Les portails intermondes étaient des phénomènes rarissimes, normalement réservés aux mondes supérieurs. Dans le monde inférieur, les lois naturelles limitaient leur apparition. Et pourtant, il en voyait un devant lui, stable et actif.

Cela signifiait une seule chose : cet clan n'avait jamais été un simple clan du monde inférieur . Il cachait quelque chose de bien plus grand.

Feng Lin serra les poings, l'excitation montant en lui.

Alors que Feng Lin s'approchait du portail, une lumière pâle s'intensifia devant lui. Une silhouette spectrale prit forme dans l'air, flottant légèrement au-dessus du sol.

Sans expression, le spectre ouvrit la bouche, et une voix ancienne résonna dans l'espace.

— Épreuve d'Adaptation.

Feng Lin resta impassible.

— Monde du Cœur Silencieux.

Aussitôt, la silhouette se dissipa en une brume lumineuse, comme si elle n'avait jamais existé.

Sans un mot, Feng Lin posa son regard sur le portail. Puis, sans la moindre hésitation, il avança et disparut dans la lumière.