Chapitre 60 - Invoqué

Pendant ce temps, dans une autre arène, un combattant se battait avec une ardeur farouche, une énergie presque irréelle l'animant. Son corps, recouvert de sang, semblait être une toile vivante de blessures ouvertes, mais malgré tout, il ne montrait aucun signe de souffrance. Ses yeux brillaient d'une détermination glaciale, totalement absorbé par le combat.

Les loups, furieux et sauvages, attaquaient par vagues, mais il se jetait dans la mêlée sans hésitation, frappant avec une précision mortelle, balayant tout sur son passage. Chaque coup semblait avoir pour seule finalité de repousser ses ennemis, et il ne se préoccupait pas de sa propre condition physique, se blessant au passage, mais continuant sans relâche.

Ce qui frappait encore plus, c'était son instinct protecteur. Plusieurs fois, alors qu'un autre candidat était sur le point de se faire attaquer, il se précipitait sans réfléchir, repoussant les loups avec un courage désespéré, mettant sa propre vie en jeu pour sauver les autres. Cela n'échappa pas aux observateurs. Beaucoup des autres candidats, habituellement concentrés sur leur propre survie, étaient sidérés par ce geste. Un murmure d'admiration commença à se répandre parmi eux, même s'ils étaient réticents à l'avouer. Ce combattant était différent, et cela marquait l'arène d'une nouvelle aura, celle de l'auto-sacrifice et de l'honneur, là où la plupart se contentaient de lutter pour leur propre peau.

Un candidat s'approcha de lui, essoufflé, couvert de sueur et d'égratignures.

— Pourquoi tu nous aides ? Tu sais bien que personne ne le ferait en général...

L'homme éclata de rire, un rire fort, presque dément, comme s'il venait d'entendre la meilleure blague du siècle.

— J'ai reçu une mission divine ! Je dois protéger l'existence humaine de la vie des monstres !

Le candidat fronça les sourcils, recula d'un pas. Il se demanda s'il avait affaire à un illuminé ou à un vrai fou furieux. Mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit d'autre, l'homme, qu'on appelait déjà le combattant fou, repartit dans la mêlée comme une tempête enragée.

Il s'appelait Yup Mo. Et même s'il avait l'air possédé, quelque chose chez lui forçait le respect. Peut-être cette façon de foncer, même quand c'était inutile. Peut-être cette foi absurde qu'il portait, comme si chaque vie comptait.

Peu à peu, à sa suite, d'autres candidats commencèrent à s'entraider, tentant de se coordonner, de survivre ensemble. Mais malgré leurs efforts, ils galéraient toujours. Les loups, plus nombreux, plus féroces, semblaient inépuisables.

Puis, soudain, Yup Mo sentit quelque chose éclabousser son visage. Il recula, cligna des yeux. Du sang. Pas le sien. Du sang humain.

Il tourna la tête.

Les loups avaient compris. Ils avaient identifié la menace. Ce n'était plus lui qu'ils attaquaient… mais les autres. Ils décimaient tout ce qui bougeait. Des têtes volaient dans les airs, des cris perçaient l'arène. C'était un véritable carnage.

Il y avait de tout parmi les victimes : des enfants, des femmes, des hommes, des vieillards. Aucun n'était épargné. Le sol était devenu un champ de ruines humaines, et dans ce chaos, Yup Mo hurlait, non pas de peur, mais de rage.

Et peut-être, quelque part, de douleur.

— Monstres des enfers, mourez ! — hurla Yup Mo, sa voix déchirant l'arène comme un coup de tonnerre.

Mais il ne parlait pas seulement des loups. Non. Son regard, brûlant de fureur, se tourna vers les gradins, vers ceux qui observaient en silence, haut perchés, intouchables : les examinateurs.

Il avait vu. Il avait compris.

Ils avaient laissé entrer des femmes, des enfants. Des vieillards. Des innocents, jetés en pâture sous prétexte de "sélection". Aucun filtre, aucune pitié. Un simple jeu pour ces spectateurs froids et calculateurs.

Yup Mo n'était pas juste un fou. Il était dogmatique, jusqu'à la moelle. Sa foi, sa mission divine — qu'elle vienne d'un dieu ou de sa propre démence — lui dictait une vérité simple : toute créature mettant en danger l'humanité devait être détruite. Qu'elle ait des crocs, une cravate, ou une chaise en hauteur.

— Vous êtes pires que les bêtes ! — vociféra-t-il en pointant un doigt ensanglanté vers les examinateurs.

Son corps tremblait, non pas de peur, mais de rage contenue. Les loups n'étaient qu'un symptôme. Le vrai mal, selon lui, était ailleurs. Plus haut. Planqué derrière des masques humains.

Et ce mal, il comptait bien l'arracher à mains nues.

Yup Mo n'était pas un fou. Ou du moins, pas que ça.

Il était... spécial. Pas né de ce monde, mais pas non plus un réincarné portant la sagesse d'une autre vie. Non, lui, c'était différent. Il faisait partie de ceux qu'on appelait communément les Invoqués.

Arraché à un autre plan d'existence, à un autre univers, probablement dans un moment où son destin avait basculé, il avait été projeté ici, sans avertissement, sans préparation. Une convocation forcée par un rituel oublié, exécuté par des mages avides ou désespérés. Peut-être même par erreur. Ou par caprice divin.

Mais peu importait le pourquoi.

Il s'était réveillé dans ce monde brutal avec une mission imprimée dans son esprit, comme gravée à l'encre brûlante sur son âme : protéger l'humanité des monstres. Tous les monstres.

Et cette humanité, même ici, même dans ce monde qui n'était pas le sien, restait la même pour lui. Qu'elle ait un visage d'enfant ou de guerrier, elle devait être défendue. Peu importe le prix.

Les autres l'avaient vite catalogué comme un illuminé, un fanatique… Mais ce qu'ils ne savaient pas, c'est qu'un Invoqué n'était jamais ordinaire. Son corps portait les marques de son monde d'origine. Sa force, ses réflexes, ses convictions — rien n'était "normal". Il avait des limites, oui, mais elles étaient... différentes. Ancrées dans une logique étrangère.

Et maintenant, il était là, debout au milieu du carnage, entouré de cadavres et de loups éventrés, son regard rivé sur les gradins.

Il ne se battait plus pour passer une épreuve. Il se battait pour sa propre guerre sainte. Et que ce monde le veuille ou non, il allait la mener jusqu'au bout.