Quelque chose ne va pas (1)

L'agilité d'Aina ne pouvait être égalée par ces soldats normaux. Un seul balayage de sa hache prenait au moins cinq vies, parfois jusqu'à dix.

Avec le soutien de Leonel à son dos, elle entra dans la mêlée sans hésitation. Elle était peut-être un peu trop imprudente. Leonel ne pouvait que regarder avec une sueur froide lui coulant le long du dos, lançant autant de lances qu'il le pouvait, aussi vite qu'il le pouvait.

En atteignant son baril, Leonel réalisa qu'il était à court. Il ne pouvait que courir en arrière et en attraper un autre, le transportant avec lui.

'Ce n'est pas bon. Le plan fonctionne presque trop bien…'

Leonel lança une autre lance, fauchant encore une autre vie.

Un problème frappant devenait évident pour lui. La première ligne des Anglais avait été si bien perturbée que même les plus avancés d'entre eux n'avaient pas encore franchi la troisième ligne de défense.

À cause de cela, Aina, qui avait déjà été leur cible dès le début, ne recevait pas le soutien des Français qui étaient là, éberlués, comme s'ils regardaient l'œuvre des dieux.

À cause des piques, charger en avant maintenant perturberait leur avantage. Il était préférable qu'ils attendent à la fin de la dernière ligne de défense pour commencer leur propre massacre. Mais comme le piège de Leonel et la prouesse d'Aina étaient trop écrasants, l'ennemi était loin de parvenir à cet objectif.

Cela pourrait sembler être une bonne chose, mais l'esprit calculateur de Leonel voyait que ça ne l'était définitivement pas. Telle que la situation évoluait maintenant, Aina subirait trop de pression. Il n'avait qu'un bras pour lancer, il lui était impossible de la couvrir parfaitement. Bien que sa haute coordination lui donnât une capacité ambidextre, il avait besoin de son bras gauche pour utiliser son bouclier.

'Merde.'

"ARCHERS, ABATTEZ CET HOMME!"

Désormais, les Anglais avaient remarqué l'impact de Leonel sur la bataille. Ils pouvaient à peine croire qu'un homme pouvait lancer une lance avec une telle précision, et des lances de si basse qualité en plus. Mais, ils ne pouvaient que se rendre à l'évidence.

Par leur nature même, les archers étaient situés près de l'arrière d'une armée. En tant que tels, ils étaient les moins affectés par le désordre à leur ligne de front.

Malheureusement pour les Anglais, essayer de crier par-dessus les bruits d'un champ de bataille en tant qu'humain normal était impossible. Les armées médiévales comptaient généralement sur une combinaison de signaux de cor et de drapeaux pour donner des ordres, mais avec leur général parti, c'était plus facile à dire qu'à faire.

Au moment où le second en commandement saisit enfin la situation et envoya les ordres pour le signal approprié, leur ligne de front entière était méconnaissable. Une scène effroyable de corps biseautés, de flaques de sang et d'organes, et d'hommes avec les larmes aux yeux dessinait un terrible enfer.

"Aina! Recule!"

Contrairement aux Anglais, le corps de Leonel n'était plus normal. Sa voix portait un poids que leurs voix ne pouvaient pas.

Mais, à la surprise de Leonel, Aina n'écouta pas.

Les lèvres de Leonel se crispèrent. Elle parlait toujours de son imprudence, mais qu'était-ce donc?

'Ces archers à longue distance ont une portée effective de 200 mètres au mieux. Il n'y a que 150 mètres entre moi et eux, cependant. Ils peuvent définitivement m'atteindre d'ici. Merde, Aina…'

Leonel dévala la tour de siège, attrapant un autre baril de lances et le hissant.

Juste à ce moment, une pluie de flèches tomba dans sa direction, mais il était déjà prêt.

Leonel avait remarqué avant que le jugement d'Aina était un peu erroné. La lance sur son dos était en fait de Classe D. Mais, ce petit bouclier était un trésor de catégorie C avec une seule capacité…

Leonel leva le bouclier attaché à son bras gauche au-dessus de sa tête. Un instant plus tard, sa taille augmenta de dix fois, formant un immense parapluie dans les cieux.

Le cliquetis des flèches métalliques ricocha sur le bouclier, ne laissant même pas la moindre entaille. Comment des armes du XVe siècle pouvaient-elles endommager un trésor de catégorie C?

L'esprit de Leonel tournait rapidement. À ce moment, avec chaque cliquetis d'une flèche qui rebondissait de son bouclier, il dessinait une image dans son esprit… Sa trajectoire, sa vitesse, son accélération…

Chaque flèche était projetée dans son esprit, traçant une ligne parfaite de son point de contact vers l'archer qui l'avait lâchée.

Leonel se verrouilla sur une cible. Deux doigts descendirent vers sa droite, délogeant une fléchette de son conteneur métallique.

Son bouclier toujours au-dessus de sa tête, il fit basculer ses doigts vers le haut, provoquant une rotation brève de la fléchette à son côté alors qu'il arrachait son atlatl de sa taille.

En parfaite synchronisation, la rotation de la fléchette fut stoppée par l'apparition de l'atlatl, se fixant à sa place comme trouvant son foyer parfait.

Le bras gauche de Leonel balaya sur le côté, écartant les dernières flèches avec son bouclier. Dans le même instant, son bras droit fouetta vers l'avant, utilisant l'élan du balancement de son bras gauche à son avantage pour envoyer une fléchette argentée traverser l'air à plus de 200 kilomètres à l'heure.

L'archer ciblé n'eut jamais une chance. Il était le meilleur de son escouade, Leonel pouvait le dire par la puissance derrière sa flèche. Mais en ce jour, il tomba.

Le schéma continua. Leonel alternait entre protéger le dos d'Aina avec des lances grossières et éliminer les archers avec son atlatl. Il savait qu'il n'avait pas assez de fléchettes pour éliminer tous les archers, mais il n'avait pas le choix.

'Allez… Recule… Recule déjà!' Leonel serra les dents.

Soudainement, il sentit la tour de siège sous lui se briser sous une autre pluie de flèches.

Leonel sauta avant qu'elle ne puisse s'incliner sur le côté. Il s'attendait déjà à ce que cela se produise. Il y avait seulement tant de volées de flèches qu'une structure qu'ils avaient bricolée pouvait supporter. Mais… C'est pourquoi Leonel en avait fait construire trois.

Leonel traversa le champ de bataille, se dirigeant vers l'emplacement de la prochaine tour de siège. Même alors qu'il utilisait une force inhumaine pour la soulever de son côté, les Français et les Anglais finirent par s'affronter.

Cependant, Leonel trouva difficile de calmer son cœur. Aina avait fait semblant de ne pas l'entendre et elle était encore plus profondément en territoire anglais maintenant. Si ce n'avait pas été pour qu'ils se concentrent sur lui avec leurs flèches, il ne savait pas s'il serait possible de la protéger.

Avec un dernier rugissement, Leonel redressa la tour de siège, tirant un des barils qu'il avait laissés à cet endroit avec lui.

'Merde, à quoi pense-t-elle?'

La bonne nouvelle était que même si les Anglais voulaient l'ignorer à partir de maintenant et cibler Aina, ils ne feraient que viser leurs propres hommes. La mauvaise nouvelle était que cela était seulement parce qu'Aina avait pénétré si profondément dans leurs rangs qu'elle était un petit point au milieu d'une mer d'infanterie.

Leonel fronça les sourcils. 'Quelque chose ne va pas…'