Souhait (1)

Aina roula ses lèvres sur elles-mêmes. Dans un mouvement bien plus lent qu'elle ne voulait l'admettre, elle lava ses mains, essuya les portions qui étaient tombées sur Leonel et recouvrit son corps d'une couverture.

Même des heures après avoir terminé, son cœur battait encore sauvagement.

Des jours plus tard, Leonel se réveilla en sursaut, se trouvant dans un véhicule en mouvement. Cela lui prit un moment pour réaliser qu'il était allongé sur un lit fait de paille et que le 'véhicule' était une calèche tirée par des chevaux.

Leonel se redressa d'un bond, prenant des respirations rapides et profondes.

Comment pouvait-il laisser cela arriver ? Non seulement il s'était endormi, mais en plus il était complètement hors de lui. Il était dans une Zone, il n'était pas chez lui.

Il fallu plusieurs moments avant que Leonel ne remarque qu'Aina était assise sur un banc rembourré en face du sien, détournant son regard.

Leonel baissa les yeux sur lui-même et cligna des paupières, confus. Il pouvait dire qu'il était maintenant nu, mais au moins, sa moitié inférieure était couverte. Il n'y avait pas de véritable raison pour qu'elle détourne son regard ainsi. Mais, il ne posa pas trop de questions.

"Est-ce que ça va ?" demanda Leonel.

Aina finit par se tourner vers Leonel, semblant stupéfaite par sa question.

"... C'est à moi de te poser la question." dit-elle doucement.

"Moi ? Je vais bien." Leonel sourit, faisant une rotation de son bras comme pour prouver son point.

Il se sentait vraiment en pleine forme.

"Je suis désolé de m'être évanoui comme ça." Leonel dit avec un ton d'excuse. "Je ne pourrais pas me pardonner si quelque chose arrivait pendant que j'étais hors de moi."

Aina ouvrit la bouche pour répondre, mais elle sentit que si elle essayait de parler maintenant, elle ne pourrait pas contrôler ses larmes. Alors, elle ne dit rien.

Elle savait que Leonel ne pouvait pas contrôler ce qui s'était passé. Non seulement il s'était dépensé jusqu'à la toute fin pour elle, mais il avait éveillé un Facteur de Lignée dont il n'avait même pas conscience. En général, de tels éveils se produisaient dans un environnement contrôlé sous la protection de votre famille. Que cela se produise dans un endroit aussi dangereux était une issue presque désastreuse.

Cependant, Aina savait aussi autre chose. Plus longtemps on pouvait résister à l'éveil de son Facteur de Lignée, plus son potentiel serait grand à l'avenir. Si ses pensées vagues pendant qu'elle était inconsciente étaient correctes, Leonel était resté éveillé pendant plus de la moitié d'un Jour. Elle n'avait jamais entendu parler de quelqu'un qui avait duré plus de quelques heures au maximum.

En plus de cela, Leonel n'était pas en train de méditer et de grincer des dents comme ces gens-là l'avaient fait. Il avait combattu une bataille contre des milliers d'ennemis. Ce n'était pas exagéré de dire que son degré de difficulté était bien plus élevé et valait bien davantage.

La durée pendant laquelle on restait éveillé n'était pas exacte. Ce n'était qu'un vague indicateur du niveau de stimulation du Facteur de Lignée. Ainsi, si Leonel combattait pendant l'activation de ce dernier, il semblait logique que chaque seconde où il restait éveillé valait bien plus que la normale.

Aina ne pouvait même pas imaginer ce que cela signifiait. La seule personne qu'elle connaissait qui pouvait l'égaler, c'était elle… Mais la différence entre eux deux, c'est que lorsque son Facteur de Lignée s'activait, elle perdait le contrôle de son esprit. Donc, bien que sa performance ait été tout aussi impressionnante, ce n'était pas quelque chose dont elle était fière…

Ce Jour-là, elle avait failli tuer son père.

"... Arrête de t'excuser auprès de moi..." Aina parvint finalement à dire.

Leonel sourit. "Ce n'est pas ta faute."

"Je…"

"Est-ce que tu as mon pantalon ?" Leonel la coupa.

Aina le regarda un moment avant de hocher la tête. Elle avait même réussi à recoudre les déchirures un peu.

"... Ils sont un peu petits pour toi maintenant, cependant." dit-elle doucement. "Je pense que tu as grandi."

Le sourire de Leonel s'élargit. "Alors tu fais assez attention à moi pour le remarquer ?"

Aina rougit et se détourna, lançant son pantalon vers lui.

Leonel parvint à enfiler son pantalon avant de se lever et de s'étirer. Il était certain que cette calèche avait été construite récemment. Il devait probablement remercier les ingénieurs de siège.

"Tu n'as toujours pas répondu à ma question." Leonel se tourna de nouveau vers Aina. "Est-ce que ça va ?"

"..." Aina soupira. "Mets une chemise d'abord, et je pourrais envisager de répondre."

Voyant qu'un brin de malice était revenu chez Aina, le cœur de Leonel se sentit plus léger. Il s'exécuta volontiers et enfila son armure flexible avant de la recouvrir avec une chemise en lin blanc cassé, dont il ignorait l'origine.

"Contente ?"

Aina se détourna. Si on se concentrait sur sa moitié supérieure et non sur son piètre pantalon, Leonel avait vraiment fière allure. Heureusement, il n'avait pas réfléchi à pourquoi il avait été inconscient si longtemps, tout en restant propre.

"... Mon Facteur de Lignée a des effets négatifs sur mon état psychologique. Je perds parfois le contrôle, mais particulièrement quand je suis sur le point d'atteindre un nouveau palier. Ce n'est qu'en me stabilisant dans mon nouveau domaine que je pourrai de nouveau le maîtriser."

"Je l'avais déjà deviné." Leonel agita une main. "Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas ta faute. Je veux seulement savoir s'il y a des impacts durables sur ta santé."

"Non... À part la fatigue, il n'y a pas d'autres effets secondaires."

"C'est bien. Alors ne prends pas de risques imprudents quand tu es sur le point d'atteindre un nouveau palier. Tu aurais dû rester à mes côtés comme je te l'avais demandé." Leonel dit sévèrement.

"Mais tu…"

"Hm ?" Leonel essaya de sonder le reste de ses mots, mais Aina semblait ne pas vouloir en dire plus.

'Mais tu… ?' Leonel fronça les sourcils. Soudain, il se figea comme s'il avait été frappé par un éclair.

Il réalisa qu'il avait fait une erreur. Lui et Aina étaient partenaires, mais il avait décidé unilatéralement d'aider les Français. Se pourrait-il qu'Aina ait pris le risque en pleine conscience des conséquences possibles à cause de sa décision ?