Jeanne (1)

Jeanne leur souriait depuis son cheval. Puisqu'elle n'utilisait pas sa propre force pour se déplacer, cela rendait difficile pour Leonel d'obtenir une lecture de ses statistiques. Il avait presque l'impression que quelque chose dans son sourire disait qu'elle le faisait exprès.

D'un autre côté, Leonel avait l'impression qu'il s'enfonçait trop dans ses pensées. Dès qu'il vit Jeanne, en plus d'être frappé par sa beauté, il se rappela instantanément qu'il était censé tuer cette femme un jour.

Leonel soupira intérieurement. Peut-être était-il plus facile de la considérer comme une sorte de génie maléfique maintenant afin de faire ce qu'il fallait dans le futur.

Franchement, Leonel n'était pas sûr de comment le 'Boss' d'une Zone était déterminé. Étaient-ils toujours des mauvaises personnes ? Il n'en était pas certain. Il n'avait qu'un seul échantillon pour tirer ses conclusions.

Cependant, si l'on se base strictement sur la raison pour laquelle on entre dans des Zones — pour traiter des cas où des Dimensions supérieures touchent leur ligne temporelle avant de le faire — alors la réponse logique est non. Ils n'étaient pas toujours des mauvaises personnes...

Il était très possible que le seul crime de Jeanne soit d'avoir été en avance sur son époque, éveillant des pouvoirs avant qu'elle n'aurait dû… Dans un tel cas, Leonel se rendit compte qu'il avait plongé tête la première dans un autre dilemme.

"Pardonnez-moi de ne pas descendre de mon cheval pour vous saluer personnellement. J'ai pris une flèche dans la cuisse lors de ma bataille précédente et je suis actuellement incapable de marcher par moi-même."

À l'écoute de ces paroles, Leonel se sentit encore plus mal par rapport à ses pensées précédentes. L'Histoire parlait bien de Jeanne ayant été blessée à plusieurs reprises. Le fait qu'elle soit sortie pour les accueillir et même monté sur son cheval dans un tel état la rendait plus que digne de louanges.

Cela rendait les choses encore plus difficiles maintenant qu'il se rappelait que cette année-là, elle avait en réalité son âge… Elle avait repris Orléans à seulement 17 ans. À présent, elle aurait environ 18 ans.

"Nous ne prenons pas offense, Dame Jeanne. Veuillez excuser ma compagne, elle ne peut pas parler. Nous sommes humblement venus pour être votre aide."

"Ne peut pas parler Français ? Et s'il vous plaît, ne m'appelez pas Dame, je ne suis pas une noble." Jeanne éclata d'un rire léger et aérien.

"Je suis certain que vous l'êtes aux yeux de beaucoup." Leonel dit avec un sourire. "Ma compagne est muette depuis sa naissance. Notre famille croit que cela pourrait être le prix à payer en échange de nos capacités…"

Leonel parla de l'histoire, qu'il avait concoctée avec Aina. Bien sûr, il la décora un peu. Ajoutant une touche de superstition courante à cette époque. Bien sûr, cette histoire supposait qu'il et Aina étaient frère et sœur.

En vérité, en surface, ce n'était pas si facile à accepter. Leonel avait trop de traits hispaniques, tandis qu'Aina était plutôt nordique européenne. Cependant, Leonel savait que dans une telle situation, se sur-expliquer serait encore plus suspect.

Les gens avaient tendance à combler eux-mêmes les lacunes.

Comme prévu, Jeanne s'arrêta un instant, mais voyant que Leonel ne semblait pas vouloir expliquer, elle accepta sans difficulté.

"Je vois… J'espère qu'un jour votre sœur guérira alors. Je suis très intéressée par ces capacités dont vous parlez. Pouvez-vous m'en dire plus ?"

"Même nous n'en savons pas beaucoup." Leonel veilla à répondre sans aucune hésitation dans sa voix. Il voulait paraître comme s'il faisait entièrement confiance à Jeanne et n'avait aucune réserve à lui dire tout. "Nous savons seulement que nous sommes plus forts, plus rapides, et plus vifs que les autres de manière très significative. Nous ne pouvons qu'appeler cela un acte de Dieu. Lorsque nous avons entendu parler de vos exploits, nous avons senti que vous étiez la meilleure personne pouvant nous comprendre."

Leonel sentit que le regard de Jeanne s'adoucissait légèrement et que son sourire devenait plus sincère.

Ainsi, Leonel et Jeanne furent escortés dans le Château Royal de Blois. Ou plutôt, ils furent conduits à un bâtiment dans le château extérieur.

Les châteaux fonctionnaient comme des villes à l'intérieur des murs. Ils étaient divisés en plusieurs couches, chacune ayant ses propres murs pour se protéger, généralement décalées pour qu'il soit plus difficile de franchir leurs portes d'un seul coup.

C'était déjà un privilège que Leonel et Aina soient venus jusqu'ici. Mais, il semblait aussi qu'ils devraient rapidement prouver leur utilité, car même pas un jour après, une marche vers Patay fut annoncée.

'… Ainsi commence… Selon l'histoire, ce sera la dernière grande victoire de Jeanne. Après cela, Roi Charles sera couronné. Elle échouera ensuite dans la tentative de reprendre Paris, avant d'être finalement capturée lors de sa bataille pour Compiègne.'

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"Vous dites qu'il y a encore deux autres comme vous, Jeanne ?"

"Oui, mon Roi. Grâce à eux, nous pouvons avancer notre bataille pour Patay. Selon le Général Franck, ils ont pratiquement anéanti une armée de 20 000 hommes à eux seuls, les forçant à battre en retraite. Le frère en particulier a combattu seul pendant une demi-journée."

Jeanne s'agenouilla devant un trône, avec un bras croisé sur sa poitrine et l'autre serrant fermement une béquille en bois. Bien que Charles VII ne soit pas encore officiellement couronné, elle l'appelait tout de même Roi.

"Jeanne, n'ai-je pas dit que vous n'avez pas besoin de vous agenouiller devant moi lorsque nous sommes seuls ? J'ai également dit de m'appeler Charles dans de telles occasions."

Si Leonel était ici, il serait probablement une fois encore choqué. Selon l'histoire, c'était Charles qui avait refusé de donner l'ordre de sauver Jeanne lorsqu'elle fut capturée, menant à son exécution.

Mais, le Charles actuel semblait presque idolâtrer la beauté agenouillée. Il était complètement différent du Roi ingrat qui l'avait abandonnée après avoir obtenu ce qu'il voulait.