Après le premier échec à reprendre Paris, les livres d'histoire écrivent que Jeanne insistait pour tenter à nouveau, tandis que Charles était opposé à l'idée après avoir sécurisé son trône. Il estimait qu'elle était devenue trop difficile à gérer, et en conséquence, ne fit aucun effort pour la récupérer des Anglais.
"Mon Roi, nous devons maintenir des frontières appropriées. Vous êtes mon suzerain, et je suis votre humble servante. Dieu m'a envoyée pour être votre protectrice, votre gardienne. Il m'est impossible d'être votre épouse. Dieu ne le permettra pas, pas plus que les nobles."
Que Dieu le permette ou non, Charles ne savait pas. Mais, il était certain qu'elle avait raison sur la seconde partie de ses paroles. Ils fermeraient les yeux s'il la prenait comme Maîtresse, mais Reine ? La France brûlerait avant qu'ils ne permettent à une roturière d'avoir un tel statut. Peu importait combien Jeanne avait accompli pour eux.
La mâchoire de Charles se serra un instant avant qu'il ne soupire.
"Prenez autant de chevaliers que vous en avez besoin. J'attendrai des nouvelles de votre victoire."
Jeanne se leva avec précaution et s'inclina une fois encore, jetant un coup d'œil vers un corridor sombre à l'arrière gauche du trône, et elle partit sans ajouter un mot.
Au moment où elle partait, une ombre sortit du corridor, s'avançant vers le côté du trône.
"Ne vous ai-je pas dit que lorsque je la rencontre, vous ne devez pas être à proximité ? Que signifie cette flagrante désobéissance à mes ordres, Pierre ?"
"Pardonnez-moi, mon suzerain. Mais, il m'est impossible de vous laisser seul avec une personne aussi dangereuse. Punissez-moi si vous le devez."
"Je suis bien conscient de ce que vous faites. Partez. Faites cela à nouveau et je vous ferai exécuter."
"Mon Roi, pardonnez-moi de le dire, mais vous ne pouvez pas prendre cette femme comme votre épouse. Vous pourriez penser que cette affaire ne concerne que sa lignée, mais ce n'est pas le cas. Si elle devenait votre épouse, lui permettriez-vous d'aller sur le champ de bataille ? Si elle portait votre semence, lui permettriez-vous de charger contre les hommes d'Angleterre ?
"Vous êtes destiné à être un Roi légendaire. Vous devez prendre des décisions pour le bien de la France."
"Et avoir un enfant qui porte son sang et sa force ne serait-il pas plus bénéfique que toute autre chose ? Et si chaque Roi de France, désormais, possédait son pouvoir ? Ne bâtirions-nous pas un empire plus grand que Rome ? Épargnez-moi."
"Mon Roi, vous savez déjà que vous avez été aveuglé. Ni les parents de Jeanne d'Arc, ni ses grands-parents n'avaient cette puissance. Il est impossible de dire que cela est héréditaire.
"Si mon suzerain souhaite la prendre comme compagne de lit, je n'aurai rien à dire. Si vous souhaitez aussi engendrer un bâtard pour tester votre théorie, je n'aurai également rien à dire. Mais entretenir des pensées d'amour, d'émotion et de partage d'une vie avec cette femme est tout simplement impossible, mon suzerain."
Charles resta silencieux longtemps, ne disant rien. Finalement, il ouvrit la bouche pour parler à nouveau.
"Laissez-moi."
Pierre s'inclina et obtempéra, se glissant de nouveau dans les ombres.
Il marchait le long du corridor, son expression froide et sombre. Il ressemblait à un homme fait d'obscurité, ses robes d'un noir profond, son nez ayant une arche exagérée, et son menton incroyablement étroit.
Après un instant, il disparut véritablement dans les ombres. Ce n'était ni une illusion, ni un ressenti, mais la réalité objective.
Son corps s'enfonça dans le sol, disparaissant.
Lorsqu'il réapparut, il était dans une pièce faiblement éclairée par des bougies qui suintaient de cire.
Trois hommes reposaient endormis sur des dalles de roche. À son apparition, ils s'agitèrent, se redressant presque mécaniquement.
"La Bataille de Patay est une victoire nécessaire pour Sa Majesté. Go."
"Oui."
Les trois hommes glissèrent inexplicablement dans les ombres eux aussi.
Pierre marcha lentement à travers la pièce après leur départ, se dirigeant vers un autel où reposait un livre noir fermé. Il caressa la couverture presque avec affection, mais ressentit simultanément une peur de l'ouvrir.
'L'Évêque nous conduira à la gloire. Nos noms traverseront l'histoire…'
Une lueur sombre s'échappa du livre.
**
Jeanne marchait sans expression, s'appuyant lourdement sur sa béquille dans les corridors du bastion principal. Son visage se muait parfois en un sourire lorsqu'elle rencontrait quelqu'un, mais le sourire s'effaçait tout aussi rapidement une fois qu'elle l'avait dépassé.
Cela prit longtemps, mais elle finit par atteindre les remparts extérieurs pour retrouver les dix mêmes chevaliers qui l'avaient suivie lors de sa rencontre avec Leonel et Aina.
"Préparez-vous." Dit-elle simplement. "Ce sera une bataille importante."
Son sourire était étrangement manquant. La voir ainsi donnait presque un intense sentiment de dissonance cognitive.
"Est-ce que ces bâtards t'ont encore mise en colère, Sœur ?"
Le chevalier qui parla reçut la poignée d'une épée contre l'arrière de sa tête, lui arrachant un cri de douleur.
"Est-ce déjà l'heure, Sœur ?"
"Non. Ce n'est pas encore le moment."
"Devons-nous vraiment continuer à remporter des batailles pour eux ?"
"Dieu a un plan, Michael. Crois en l'Évêque. Quand tout cela sera terminé, nos noms résonneront à travers l'histoire. Nous serons ceux qui rapprocheront cette Terre abandonnée de Dieu."
Jeanne attrapa son drapeau. Une lueur dorée s'échappa de son mât, rayonnant comme des rayons de soleil.
Elle utilisa sa seule jambe valide pour se hisser sur son destrier blanc, s'asseyant fièrement avec son sourire de retour une fois de plus sur son visage.