Chapitre 2

Le soleil commençait à peine à se lever lorsque Yui se réveilla dans le grand lit de leur chambre. Elle remarqua Sora, déjà vêtu d'un costume noir et d'une chemise bleu marine, debout devant le miroir de la coiffeuse, soignant ses cheveux ébouriffés et humides.

La rigueur qui le caractérisait exigeait qu'il soit toujours impeccable de la tête aux pieds, ne laissant rien au hasard. La moindre petite faille dans son look pouvait être perçue comme une insulte à son ego.

« Bonjour ! Je pensais que le rendez-vous était pour demain ? » dit Yui, confuse.

« Ah oui, parce qu'on a vraiment beaucoup mieux à faire aujourd'hui... » objecta Sora en réajustant son col de chemise. « Je pense qu'on devrait se pencher dès que possible sur l'objet de notre venue et déguerpir. Je ne me plais pas dans ce... pays. »

On sentait nettement qu'il avait fait un effort pour placer le mot "pays", comme si le Sénégal était indigne de cette appellation.

Yui, une fois de plus exaspérée par sa grossièreté, soupira et en resta là.

À ce moment-là, on frappa doucement à la porte. Sora ouvrit, laissant entrer un serveur en uniforme impeccable, poussant un chariot chargé d'un somptueux petit-déjeuner japonais. Des assiettes de riz vapeur, du poisson grillé, des tamagoyaki (omelette japonaise), des légumes marinés, et une soupe miso fumante étaient disposés avec soin aux côtés de thé vert et de petites coupes de natto.

« Bonjour, Monsieur, Madame. Voici votre petit-déjeuner typiquement japonais, comme vous l'aviez demandé. Où souhaitez-vous que je l'installe ? » demanda le serveur avec un sourire professionnel.

« Juste ici, merci », répondit Sora en désignant la petite table près de la baie vitrée.

Le serveur installa le tout avec une précision attentive, puis s'inclina légèrement avant de quitter la suite.

Sora se tourna vers Yui, adoucissant son expression. « Ne fais pas cette tête. Tu sais que je déteste te voir comme ça. »

Il se saisit d'un plat de tamagoyaki sur le chariot et vint auprès de sa chérie, à qui il donna affectueusement une bouchée d'omelette.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Yui pendant qu'elle mastiquait son morceau. « Merci, Sora. »

Ils partagèrent un moment de calme et de complicité en savourant leur repas, se remémorant des souvenirs heureux et riant de petites anecdotes.

Yui avait en quelque sorte retrouvé le Sora dont elle était tombée éperdument amoureuse.

« Tu te rappelles de notre première rencontre ? » demanda-t-elle en dégageant une mèche gênante derrière son oreille d'un geste plein de volupté, les yeux pétillants.

Flashback

Tokyo

Les lanternes scintillaient, illuminant doucement la rivière et ses environs. La fête de Toro Nagashi était à son plein essor, avec des couples et des familles profitant de l'atmosphère magique. Yui, vêtue de son yukata préféré, se promenait le long des rives, émerveillée par la beauté des lumières flottantes.

Elle s'arrêta pour déposer sa propre lanterne dans l'eau, murmurant des vœux silencieux, dont une invocation de l'âme sœur. Soudain, une légère bousculade la fit vaciller. Elle se retourna pour voir un jeune homme maladroitement désolé.

« Je suis vraiment désolé, je ne regardais pas où j'allais », dit-il avec un sourire gêné.

Yui rougit légèrement en voyant son sourire charmant. « Ce n'est rien. C'est un beau soir, n'est-ce pas ? »

« Oui, magnifique », répondit Sora, ses prunelles brillantes reflétant les lanternes flottantes. « Je m'appelle Sora. »

« Enchantée, Sora. Je suis Yui », répondit-elle en souriant.

Ils passèrent le reste de la soirée ensemble, marchant le long de la rivière, partageant des histoires et riant aux éclats.

Yui, qui avait toujours cru à la magie de ce cérémonial, était sûre que Sora ne pouvait être que le cadeau miraculeux que les vaillants esprits lui avaient envoyé en réponse à son souhait sincère...

Fin du flashback

« Je ne pourrai jamais oublier ce jour. Je m'en souviens comme si c'était hier. Yui, tu étais comme une tsuri au milieu du spectacle des lanternes scintillantes », dit Sora en souriant tendrement.

Yui rougit en baissant son regard. « Tu étais aussi très mignon. »

« Juste mignon ? » s'offusqua faussement Sora, prenant son air charmeur.

« ううん,Sora, あなたはただの可愛いじゃなくて,王子様のように美しいわ. » ("Non, Sora, tu n'es pas juste mignon, tu es beau comme un prince.")

« Ah, tu as enfin dit le mot magique ! » s'écria Sora tout en entourant Yui dans ses bras. « On est destinés, rien ni personne ne pourra nous séparer. Tu es à moi pour l'éternité. Ma Yui à moi. »

Au début, c'était agréable, mais ensuite Yui se sentit étouffée par l'étreinte de plus en plus pressante de Sora.

« Hum, je crois qu'il est temps que je prenne un bain et me prépare », dit-elle en se dégageant maladroitement.

Cela mit fin à leur étreinte.

Yui partit ainsi dans la salle de bain, plus perturbée que jamais par la bipolarité de son amoureux : tantôt doux et galant, tantôt possessif et inqualifiable.

Yui quitta son dressing, totalement transformée. Sora, assis sur le canapé, avait des étoiles dans les yeux en la voyant émerger. Elle était à la fois élégante et charmante dans son tailleur noir, avec un chemisier en soie blanche en dessous, des escarpins écarlates assortis à sa sacoche de marque Gucci. Son maquillage discret contrastait légèrement avec le rouge vermeil de ses lèvres fines. Pour sa coiffure, elle avait opté pour son style habituel : une frange accompagnée de deux mèches frisées détachées du reste de ses cheveux, compactes mais bouclées également.

« Tu es resplendissante ! » la complimenta son compagnon.

Elle rosit en s'avançant lentement vers Sora. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, il lui fit un baise-main, ce qui la fit tressaillir d'allégresse.

Ils restèrent un moment dans leur petite bulle, avant que le devoir ne les rappelle à l'ordre.

Sora se racla la gorge et retrouva son sérieux habituel.

« On y va ? » demanda-t-il.

Yui acquiesça et suivit Sora, bras dessus, bras dessous, jusqu'à la sortie de l'hôtel, où un taxi les attendait. Sora l'avait commandé un peu plus tôt : décidément, il prévoyait tout dans les moindres détails.

Yui sentait son cœur battre à la double vitesse du véhicule. Elle appréhendait leur rendez-vous anticipé avec le responsable de l'entreprise cible, un homme réputé pour son intransigeance concernant les horaires.

Elle se remémorait encore le ton strict du dernier courriel qu'il leur avait envoyé quelques jours avant leur voyage au Sénégal :

« (...) Mon emploi du temps est très chargé. Je vous prierai de vous en tenir à la date et à l'heure que j'ai fixées pour notre rencontre en présentiel au sujet des négociations, afin d'éviter tout problème ou imprévu... »

Yui avait l'impression d'être la seule à se soucier de ces consignes. Sora, fidèle à son orgueil, semblait ignorer les règles et principes des autres. Une attitude qui, Yui le pressentait, risquait de changer radicalement au contact de leur potentiel collaborateur : M. Isaac Ndecky.