Calme avant la tempête

Tu as toujours veillé sur moi.

Tous ces sacrifices.

Tous ces choix.

Tu les as toujours faits sans jamais penser à toi.

Il n'y a nulle part où se cacher.

Nulle part où être en sécurité.

Nulle part où oublier.

Nulle part où pardonner.

Au bout du chemin une seule possibilité.

Le sang devra couler.

26 Juin 2024,

Je me trouvais au quatrième étage d'un appartement abandonné depuis maintenant plusieurs années, il était situé dans les quartiers extérieurs d'Eternalys.

Le papier peint recouvrant les murs et les fenêtres était à l'image de cette ville et de ce monde, moisi et brisé. 

 J'étais affalé sur ce qui restait d'un canapé, près de moi sur un fauteuil se trouvait Bastien, un mec dans la trentaine très costaud, il finissait de remonter nos armes qu'il venait de finir de nettoyer, c'était notre expert en armement et grâce à lui notre équipement ne nous a jamais fait défaut. 

Face à lui, sur la table basse, étaient déposés cinq fusils d'assaut, des M16, des reliques du passé pour certains mais elles étaient encore pleinement aptes à faire couler le sang.

Notre objectif était d'intercepter un convoi de True Human, une organisation militaire agissant pour le compte de notre cher gouvernement.

— Heh... Quelle putain d'ironie.

Je me levai difficilement, les jambes engourdies, puis me dirigeai vers la fenêtre.

D'après les messages interceptés par notre faction, ce convoi contiendrait des ressources militaires. 

De toute façon, qu'est-ce qu'ils pourraient bien transporter d'autre ?

Pour cette opération, plusieurs escouades avaient été déployées, je dirigeais l'escouade Delta et nous étions chargés de récupérer la marchandise. Pour nous épauler, nous avions quatre autres unités : Alpha était positionnée en amont sur des toits d'immeubles afin de nous avertir de l'arrivée du convoi. Bravo devait faire exploser un pont enjambant la route afin de mettre hors course les voitures de tête et deux autres unités devaient se cacher dans des immeubles de part et d'autre de la route afin de nous couvrir.

Pour mener à bien notre mission et faire exploser les portes blindées du fourgon, mon escouade accueillait une nouvelle membre, Sarah. Cela faisait maintenant quelque temps qu'elle s'occupait de notre branche technologique depuis le camp, mais pour les besoins de la mission, il avait été décidé qu'il serait préférable qu'elle nous rejoigne en opération.

Elle devait être un peu plus âgée que moi dans les vingt-cinq ans, elle était assise en tailleurs sur une vieille chaise en bois et trafiquait divers composants tout en rouspétant à voix haute.

— Non mais sérieusement, pourquoi a-t-il fallu que je sois présente, le terrain ce n'est pas mon truc, moi j'aime le calme de mon atelier au quartier général !

— On avait besoin de toi et de ton talent pour forcer la porte du fourgon, et puis tu n'as pas dit non ! Répondait Élodie.

Élodie était placée de l'autre côté de la table, c'est une femme de vingt-huit ans, de longs cheveux bruns descendant jusqu'au lombaire, des yeux violacés profonds, c'était l'ancienne chef de l'unité Delta qui, il y a quelques mois, avait décidé de me laisser sa place de leader.

Alors que Sarah soupirait, se balançant sur sa chaise, recoiffant ses cheveux platine en queue de cheval, la radio se mit à grésiller :

— Ici Alpha, le convoi ne devrait plus tarder à arriver, mettez-vous en position et tenez-vous prêt, terminé.

Je pris rapidement la radio, puis répondis.

— Ici Delta, bien reçu, terminé.

Sarah reposa les quatre pieds de la chaise au sol, prenant son sac à dos qui était posé à ses pieds sur ses genoux.

Elle essayait de le cacher depuis notre départ du quartier général mais je pense que tout le monde l'avait remarqué, l'opération la terrifiait et l'annonce de la radio n'arrangeait pas les choses.

Ces mains tremblaient, elle mordillait sa langue et devait probablement se répéter dans sa tête : "tout va bien se passer, tout va bien se passer!".

Élodie se levait de sa chaise et passait dans le dos de Sarah, posant ses mains sur ses épaules.

Sarah, au moment du contact, sursauta, tandis qu'Élodie se rapprochait de son oreille en lui murmurant quelques mots.

La présence de Sarah augmentait considérablement les chances de réussite de l'opération, mais cela valait-il le coup ?

Lui faire vivre la réalité du champ de bataille était-il une bonne idée ?

D'un autre côté, dans les temps actuels, elle sera sûrement amenée à vivre une situation similaire autant que sa première fois, soit avec nous et bien entourée. Dans ce monde pourri, le sang coule et surtout celui des faibles tétanisés par la peur.

Alors que j'étais perdu dans mes pensées fixant Élodie toujours en train de réconforter Sarah, Bastien me fit une tape dans le dos.

— Bon, je vais prévenir Gabriel, on vous rejoint en bas.

Bastien prenait son fusil d'assaut sur la table ainsi qu'un deuxième et se dirigeait vers la porte d'entrée de l'appartement.

Gabriel était le dernier membre de l'escouade, avec ses cheveux mi-longs grisonnants et sa longue barbe, il était clairement le plus âgé du groupe mais surtout le plus expérimenté. Il y a plusieurs années avant le grand éveil, il faisait partie de l'armée, c'était quelqu'un de méthodique et un très bon tireur. S'il ne détestait pas autant diriger une unité, ce serait lui le chef de l'escouade Delta.

Il se trouvait sur le toit de l'immeuble pour fumer une clope, c'était son petit rituel d'avant opération, un vieux réflexe disait-il.

Nous descendions au rez-de-chaussée, la cage d'escalier était à moitié effondrée. Alors que l'on passait au niveau du palier du premier étage, on pouvait entendre l'escouade Charlie se mettre en position dans les différents appartements pour nous couvrir.

Une fois le rez-de-chaussée atteint, nous empruntions la porte de derrière, elle donnait sur une petite cour que l'on empruntait pour atteindre une ruelle sombre donnant sur l'avenue.

Alors que j'étais contre le mur en position avec Sarah et Élodie derrière moi, Bastien ne tardait pas à nous rejoindre.

Avec elle, Gabriel, qui s'accroupissait en bout de file, remontant sa paire de lunettes rectangulaires, puis chuchotait :

— Eh bien, ils n'ont pas perdu de temps, c'est plutôt inhabituel de les voir en avance. On ferait mieux de rester sur nos gardes.

— Tu as bien raison, tout le monde doit rester sur ses gardes.

Alors que nous attendions tous en silence, Élodie posa sa main sur l'épaule de Sarah puis approcha son visage près du sien.

— Je sais que c'est ta première confrontation directe, mais fais-nous confiance, tout va bien se passer.

Sarah triturait sa queue de cheval. Plongeant son regard dans celui d'Élodie, sans un bruit.

— Ne t'inquiète pas, ça va passer, c'est… c'est juste qu'habituellement j'ai juste besoin de rester en retrait. Mais je vais me ressaisir !

Gabriel s'approcha de Sarah, posant une main ferme sur son épaule.

— Tout le monde est nerveux la première fois, dit-il doucement. Moi, j'étais tellement terrifié que j'ai vomi sur les jambes de mon chef d'escouade.

Il marqua une pause, son regard croisant celui de Sarah.

— Mais on a fait ce qu'on devait faire. Et on est tous revenus. Tous.

Pour la première fois, Sarah esquissa un sourire tremblant, ses mains se calmant légèrement sur son arme.

Bastien se retourna brusquement en direction de Gabriel, puis ricana :

— Attends, tu as vomi sur ton chef d'escouade !

— Tu veux qu'on discute de ta première grande opération avec nous ? Répliquai Gabriel.

Honnêtement, je doute fort que Gabriel aille vomir sur son chef d'escouade surtout qu'ils faisaient partie des forces spéciales, mais bon, au moins Sarah semblait y croire.

Mais alors que l'atmosphère se détendait et que Sarah semblait se calmer, la radio grésilla de nouveau.

 

— Ici Alpha, nous avons le convoi en visuel, il correspond aux données interceptées. Le fourgon blindé est escorté par deux véhicules blindés légers armés de mitrailleuses. L'une ouvre la marche tandis que l'autre la ferme. Deux SUV style Range Rover se trouvent entre le fourgon et les mitrailleuses. Il se déplace à vive allure et devrait arriver sur votre position d'ici à peine une dizaine de minutes, terminé.

— Ici Delta, message bien reçu, nous sommes en position.

Nous nous tenions les uns derrière les autres contre le mur, armes en main, tandis que le vrombissement des moteurs devenait de plus en plus clair et la tension montait de plus en plus. Mes mains devinrent moites et ma respiration commença à s'emballer jusqu'au moment où le véhicule ouvrant le convoi passe devant nous à toute vitesse.

Dans la seconde qui suivait, une explosion assourdissante retentit, l'opération Interception Explosive venait de débuter.