Le chef des Recycleurs

Je passais la porte suivi du reste du groupe à l'exception de Gabriel qui restait à l'extérieur, cigarette à la bouche.

À l'intérieur, des plans des égouts placardés tout autour sur les murs avec quelques étagères remplies de livres et une table remplie de documents.

Derrière cette table se trouvais un homme aux cheveux grisonnant tiré vers l'arrière en une petite queue de cheval.

Il était assis dans un profond fauteuil, nous regardant fixement, tandis que notre guide s'installait sur une chaise en bois près de lui.

Je m'asseyais en face sur l'unique chaise tandis que le reste du groupe restait debout à quelques pas derrière moi.

— Bien, je me présente, Edgard, chef des Recycleurs, expliquez-moi donc votre situation.

— Ravis de vous rencontrer, je suis Adrien, chef d'unité pour la Lune Éveillée et je suis accompagné de mon escouade. Nous souhaitons traverser les égouts pour nous rendre au plus près du territoire des Sangs-Divins.

— Et si j'ai bien compris, le problème est que vous n'avez rien à offrir en échange, n'est-ce pas ? questionna-t-il, appuyant sa tête contre sa main, accoudé sur la chaise, esquissant un sourire au coin à peine dissimulé.

— Pour le moment, en effet. rétorquai-je presque instantanément.

Me retrouver face au chef des Recycleurs était ce que je craignais le plus. Sur le champ de bataille il ne valait rien mais autour d'une table de négociation, je faisais face au pire des prédateurs, prêt à bondir sur moindre occasions.

— Comme vous le savez, nous portons en haute estime le commerce, ici chez les Recycleurs, et nous ne sommes pas du genre à faire crédit. Cependant, notre relation commerciale ayant toujours été profitable, je pense pouvoir faire une exception.

Il se redressa tout en me fixant droit dans les yeux.

Ce vieux renard a clairement une idée derrière la tête et malgré son air arrangeant, j'ai bien l'impression qu'il attendait patiemment une telle opportunité.

— Nous vous en serons très reconnaissants et ferons en sorte de payer notre dette dans les délais les plus brefs.

L'homme se redressa sur son fauteuil, caressant sa longue barbe.

— Les délais ne seront pas un problème. En fait, je sais déjà comment vous payerez votre dette, mais avant tout cela, j'ai quelques questions à vous poser.

Tiens donc, quelle chance, il sait déjà comment on va pouvoir le rembourser. Je n'aimais vraiment pas la tournure que la discussion prenait.

— Dites-moi ? interrogeai-je, me redressant sur ma chaise, scrutant le moindre de ses rictus.

— Pourquoi souhaitez-vous vous rendre sur le territoire des Sangs-Divins ? Les conflits nuisent au business et il est plutôt étrange qu'une unité comme la vôtre souhaite se rendre sur leur territoire, de nuit et en passant par les égouts, et surtout accompagnée d'une drôle de compagne. questionna-t-il tout en fixant la jeune fille.

— Il se trouve que nous avons récupéré cette petite lors de l'attaque d'un convoi de True Human et nous souhaitons nous rendre sur le territoire des Sangs-Divins pour pouvoir contacter le reste de notre faction sans risquer une attaque de leurs part. Nous ne souhaitons en aucun cas déclencher un conflit avec eux, bien au contraire, s'ils ne devaient jamais avoir vent de notre visite, ce serait le plus profitable.

— Bien, vous jouer carte sur table et cela me conforte dans l'idée que notre relation est une relation de confiance. Un de mes hommes vous accompagnera à destination. Pour ce qui est de votre dette, nous aurons besoin du soutien de la Lune Éveillée pour une future opération. J'espère avoir votre aide au moment venu.

— Je vous en remercie, envoyez-nous ce dont vous avez besoin, une date et un lieu et la Lune Éveillée vous assistera du mieux qu'elle pourra.

L'homme se releva puis me tendit la main que je serrais "Marché conclu".

Une fois sortis, nous faisions un rapide résumé de la discussion à Gabriel tandis que nous empruntions une succession d'embrochements secondaires et de passages étroits guidés par des Recycleurs.

Au bout d'une heure de marche, le sommeil de la jeune fille semblait se troubler alors que ses doigts frêles se resserraient, agrippant fermement la veste d'Élodie et que sa respiration s'accélérait. Sarah se rapprochait de la petite, lui caressant la joue tout en lui chuchotant des mots doux pour la calmer.

Bien que cela puisse paraître étrange alors que Sarah devait être la plus stressée d'entre nous, elle calma la petite sans difficulté, faisant redescendre petit à petit le rythme de sa respiration.

C'était plutôt une bonne chose, surtout qu'apaiser la petite a permis à Sarah de s'apaiser elle-même sans s'en rendre compte.

Après une dernière heure de marche, nous arrivions finalement au niveau d'une échelle. D'après les recycleurs, elle mène non loin du centre du territoire des Sangs-Divins.

Tandis que nos guides faisaient demi-tour, Gabriel et moi montions sur l'échelle ensemble afin de soulever la plaque d'égout et la déplacer, nous étions suivis d'Élodie qui elle-même était suivie par Sarah et Bastien.

Les égouts donnaient sur une intersection, les rues plongées dans l'obscurité étaient éclairées par la lune qui nous surveillait bien haut dans le ciel, épaulée par un léger courant d'air frais déplaçant quelques emballages plastiques.

Tout autour de nous, des immeubles résidentiels rarement plus hauts que trois étages, éparpillés un peu partout, des carcasses rouillées de voitures dont la majorité ont été dépouillées de leurs pièces, mais un bâtiment attirait mon regard, ce qui s'apparentait à une école élémentaire faisait l'angle à quelques mètres de nous.

Sans un bruit, je me dirigeais vers le portail de l'école tout en faisant signe au reste du groupe de me suivre.

Le portail était fermé par une chaîne et un cadenas en métal rouillé, de l'autre côté des barreaux du portail se trouvait une petite cour et l'entrée principale du bâtiment.

— Bon, on rentre discrètement, on fouille les lieux et s'il n'y a personne, on passe la nuit ici.

— Reçu ! Répondait le groupe à l'unisson.

Nous faisions le tour du bâtiment à la recherche d'un moyen d'entrée, après une rapide analyse, le plus simple était d'escalader le mur d'enceinte depuis une ruelle.

Gabriel se mit en position dos au mur pour m'aider à monter, une fois au sommet je passais une jambe de l'autre côté afin de me stabiliser. Sarah était la suivante à monter et la première à redescendre de l'autre côté. 

Puis Élodie montait sur les épaules de Gabriel afin de me donner la petite que je passais à Sarah.

 Finalement Élodie passait de l'autre côté suivie de Bastien qui restait en haut afin de m'aider à tirer Gabriel.

Nous étions redescendus au niveau de la cour de récréation, elle était composée de plusieurs bancs sur les côtés, quelques jeux pour enfants étaient dessinés sur le sol à la craie, des courants d'air frais traversaient le feuillage des divers buissons.

Nous longions rapidement le mur d'enceinte pour arriver au niveau du bâtiment principal, au loin se trouvaient deux autres bâtiments dont l'un était très probablement un gymnase.

— Bastien, tu couvres notre flan, Gabriel et Sarah vous vérifiez que personne ne se cache dans les salles dont les fenêtres mènent sur la cour et Élodie, tu restes en arrière et tu avances uniquement lorsque la salle est visée.

— Reçu ! Chuchota l'équipe.

Je longeais le mur tout en m'accroupissant pour passer sous les fenêtres, puis rapidement je me penchais vers la fenêtre tandis que Gabriel et Sarah faisaient de même de l'autre côté.

Derrière elle, une salle de classe, tout était bien rangé : les tables droites, les chaises alignées.

Nous enchaînions la manœuvre fenêtre après fenêtre jusqu'à finalement arriver au niveau d'une porte vitrée.

J'appuyais délicatement sur la poignée, tirant lentement la porte vers moi.

— Et merde, verrouiller, chuchotais-je un peu trop fort. Quelqu'un peut m'éclairer ?

Je sortais de mon sac un crochet, puis m'agenouillais au niveau de la serrure. Près de moi Bastien m'éclairais avec sa lampe torche accrochée à son arme.

Au bout d'à peine quelques minutes, la porte s'ouvrit dans un léger grincement. 

 Je progressai dans le bâtiment, scrutant le moindre mouvement à travers les rangées de casiers.

Certains étaient encore entrouverts, d'autres verrouillés par des cadenas oxydés, des cahiers et des feuilles jonchaient le sol tandis que de légers grincements métalliques retentissaient.

Les rangers de casier donnaient sur le hall principal, une immense porte que l'on pouvait apercevoir depuis le portail extérieur nous faisait face, avec près d'elle une petite salle d'accueil séparée par une vitre semi-ouverte, laissant assez d'espace pour faire transiter des documents.

— Sarah avec moi au va s'occuper des salles du rez-de-chaussée, les autres vous vous occupez de l'étage.

— Il ne vaudrait pas mieux que l'un d'entre nous parte explorer les bâtiments à l'extérieur, au moins le réfectoire ? proposais Gabriel

— Je m'en occupe, toi reste avec la petite et Élodie et fouille l'étage. Proposa Bastien

— Entendu, bonne chance. Rétorquais Gabriel.

Sur un simple mouvement de tête, nous nous séparions comme convenu afin d'explorer le bâtiment.