Retrouvaille solitaire

Je traversais le bâtiment accompagné de Pauline.

Nous prenions comme convenu la direction de l’infirmerie.

Après plusieurs minutes de marche nous arrivions au niveau de la salle d’attente.

Pauline s’arrêta au niveau de l’une des portes, marqua un temps d’arrêt puis appuya sur la poignée.

De l’autre coté se trouvaient deux rangées de plusieurs lits séparés par des rideaux.

Elle se mit sur le coté comme pour m’inviter a avancer.

Je traversais la pièce jusqu’à arriver au niveau d’un lit occupé.

C’était Sarah qui se trouvais dans ce lit.

Son corps frêle et sans défense. 

Inconsciente.

Tout était calme, seul le bip régulier des moniteurs cardiaques résonnait dans la pièce.

— Son état est plutôt stable, elle aura probablement du mal à marcher les prochains jours mais elle ne gardera aucune séquelle physique.

Pauline m’esquissa un léger sourire. Ne t’en fais pas tout va bien se passer. Voilà se que son regard voulait dire.

Mais pour moi ce n’était pas une réponse satisfaisante.

Je continuais à avancer jusqu’au prochain lit, Gabriel se trouvait dessus, le corps recouvert de bandage.

Sans détourner le regard, je demandais : 

— On m’a dit qu’il ne s’en est pas aussi bien sorti ?

— En effet, lorsque Bravo est tombée sur eux il était encastré dans le toit d’une voiture avec Sarah sur lui. La plupart de ses os ont été brisés à l’impact, pour le moment nous le maintenons dans un coma artificiel, cependant nos ressources ne nous permettent pas de le maintenir dans cet état indéfiniment. C’est pour cela que la faction a décidé de faire appel au Éveillés d’autres factions maîtrisant une magie de soin. Pour le moment la seule chose que l’on puisse faire, c’est attendre.

Pauline laissa échapper un léger souffle puis se tourna:

— Je te laisse avec eux, j’ai encore du travail, si tu as besoin de quelque chose tu sais où me trouver.

Elle ferma la porte derrière elle tandis que j’approchais une chaise que je plaçais entre les deux lits.

Je m’asseyais en silence face a eux.

La pièce autour de moi s’estompait, laissant place à l’obscurité.

Jusqu’au moment où les échos des explosions, des balles tirés retentissaient, des soldats de True Human tout autour de moi, massacrant des innocents pour une cause qui n’a aucun sens.

Je ne pouvais m’empêcher de repenser à la question de Sarah.

“Dis-moi Adrien, comment l’Homme peut-il en arriver là ?”

La peur avais-je répondu.

Putain, quelle connerie.

Je revoyais encore et encore ses sales fils de pute se satisfaire du carnage qu’ils engendraient.

J’écrasais le crâne du premier sur le bitume, une fois, deux fois, jusqu’à ce qu’il ne reste plus assez d’os pour que je puisse le maintenir dans ma main.

Puis j’enchaînais avec le second, puis encore un autre nageant dans une marée de chair, d’os et de sang.

J’hurlais ma rage au nez de ses déchets jusqu’à ne plus avoir la moindre force dans mes bras.

La peur avais-je répondu, si c’est la peur qui les motives alors qu’ils soient patients, car de la peur ils vont en avoir, je marquerai au fer rouge la peur sur le visage de chacun de ceux travaillant de près ou de loin avec le gouvernement, tous ceux complices, personne en réchappera, je vous en fais la promesse.

— Reposez-vous, vous l’avez bien mérité, je m’occupe du reste.

Les minutes défilèrent, peut être des heures, lorsque je rouvris les yeux, j’étais au sol, les chaises était renversées, les meubles retournés, des feuilles, des serviettes, tout était éparpillé sur le sol. 

Quelques traces de sang recouvraient le sol par ci par là, mais il ne me fallu pas longtemps avant d’en découvrir l’origine, mon poing était ensanglanté, une légère entaille traversant ma main.

Je me relevais, jetais un dernier coup d’œil puis sortie de l’infirmerie, sans un mot.

Alors que je passais la porte Pauline était derrière un bureau où seul sa tête dépassait.

Elle relevait la tête, elle savait, je savais…

Elle afficha un léger sourire au coin comme pour me remonter le moral ou comme pour me dire que tout va bien, elle gère. Ouais comparé a moi, elle gère…

Je sortis traînant presque des pieds quand soudain Pauline m’interrompit.

— Ah en fait j’irai prévenir Élodie pour la petite, toi va te reposer. Et c’est un ordre.

Sa voix était chaude, réconfortante, je lui fis un signe de la main sans me retourner puis je me dirigeai vers ma chambre.

Elle se trouvait dans l’un des couloirs du deuxième étage, une ancienne petite boutique dont le rideau métallique était presque entièrement baissé. Juste assez d’espace pour se glisser dessous, à condition de s’accroupir.

De l’autre côté, un vieux lit militaire, quelques vêtements épars, des chargeurs, de quoi boire et manger.

Accrochée au mur, juste au-dessus du lit, une seule et unique photo.

Celle qui, chaque matin, me rappelle pourquoi je suis encore en vie.

Je m’allongeai, le regard perdu sur le plafond.

Puis, finalement, la fatigue m’engloutit, m’entraînant dans un profond sommeil.

Lorsque je rouvris les yeux presque vingt quatre heure était passer.

La gorge sèche je tâtonnais le sol au pied du lit à la recherche d’une bouteille d’eau.

Une fois hydrater je me levais enfilais des vêtements propres puis sortie de ma chambre prenant la direction de l’extérieur. 

Comme a son habitude le quartier générale était assez mouvementé, plusieurs personnes parcouraient les différents couloirs vagabondant de service en service.

Je passais devant la chambre d’Élodie, la porte était entrouverte et aucun bruit n’en émanait laissant prétendre qu’elles étaient probablement à l’infirmerie.

Lorsque je sortie le soleil brûlant et aveuglant me frappa de plein fouet.

Je passais le poste de sécurité quand soudain l’un des gardes m’interpella: 

— Ah, Adrien ! Dis moi tu serais disponible pour une petite livraison ?

— Euh… de quel genre ?

Il tendait un sac en plastique rempli de sachet.

— C’est des graines pour les cultures, si tu pouvais leur livrer ça nous aiderait pas mal.

— Bon si ce n’est que ça.

Je prenais le sac puis me dirigeais vers la zone des cultures.

De toute façon je comptais me balader sans réelle objectif donc bon autant lier l’utile à l’agréable.

La zone se trouvait à une vingtaine de minute de marche dans un petit espace vert. C’était pas optimal mais c’était la zone où faire pousser quelques fruits et légumes était concevable. 

J’arrivais finalement sur les lieux où une dizaine de personnes travaillaient.

Certain travaillaient la terre tandis que d’autre désherbaient.

Mais ce qui animait la zone était la construction de nouveau bac de culture.

Je m’approchais de l’un des travailleurs.

— Je viens vous livrer de nouvelles graines !

Une femme qui s’occupait de désherber se tourna vers moi.

— Ah, en voilà une bonne nouvelle, laisser moi vous prendre ça.

Elle récupéra le sac rempli de graine d’un air ravie.

— Avec tout ça nous allons pouvoir produire encore plus de légumes, si on veut pouvoir tenir l’hiver ça ne sera pas de trop.

Je n’y avais pas prêté attention dès le départ mais un petit garçon se cachait derrière les jambes de la femme, probablement son fils. Il me scrutait de haut en bas et de bas en haut.

Alors que la femme le remarqua elle expliqua :

— Oh, ne le prenez pas mal, mon fils a tendance a être intrigué avec les étrangers, d’ailleurs c’est la première fois que je vous vois dans les environs, vous venez d’arriver ?

Je laissais échapper un léger ricanement incontrôlé.

— Non pas exactement, je dirige l’escouade Delta et aujourd’hui fait partie de mes rares jour de repos.

La femme marqua un temps de silence, troublée. Elle patienta quelques instants cherchant ses mots.

— Je suis désolé, j’ai eu vent que lors de la dernière opération de notre faction il y a eu des blessés graves.

Je laissais planer un long silence, luttant pour ne pas y repenser, lâchant juste un :

— Ouais, ils font partie de mon escouade.

Alors que ses mots sortaient seuls je me rendis compte presque instantanément du ton glacial de ma voix.

La femme troublée, se rendant compte de sa bourde, cherchait ses mots.

— Je suis terriblement navré, je vous prie d’excuser ma maladresse. Je, je… je ne sais pas si ça peut consoler votre peine ou au moins l’apaiser ne serais ce qu’un peu, mais je veux que vous sachiez qu’ici tout le monde admire votre travail et ce que vous faites pour nous. Et pour cela je tenais a vous remercier.

Ces mots étaient enveloppés de maladresse mais transpiraient de sincérité, et ça faisait chaud au cœur, je ne suis pas du genre a apprécier les compliments mais cette fois faisait partie des fois ou ils faisaient du bien.

Je quittais les cultures afin de retourner au niveau du quartier générale. Des gens comptaient sur nous et je ne pouvais pas continuer à me lamenter.

Je remontais une rue qui menait a notre quartier générale quand le vrombissement d’un moteur retentit au loin. 

Finalement au bout de quelque seconde un véhicule s’arrêta à mon niveau.

La porte passager s’ouvrit brusquement.

— Ah Adrien, tu tombes bien ! Monte, nous avons reçu un ordre du quartier générale, tous les chefs d’escouade doivent se rassembler !

Dans les secondes qui suivirent la porte arrière du véhicule s’ouvrit elle aussi et sans perdre un instant je grimpais à l’intérieur tandis que le véhicule fonça à toute allure vers le quartier générale.