Les barrières du poste de sécurité étaient déjà grandes ouvertes.
Le véhicule fonça au niveau de la porte principale, s’arrêtant dans un dérapage à moitié contrôlé.
Je sortis du véhicule, puis, suivi du chef de l’escouade Charlie, je me dirigeai en courant en direction de la salle de réunion.
Il y avait pas mal de mouvements dans les couloirs, mais tout le monde se décalait rapidement afin de nous laisser passer.
Après quelques minutes, nous arrivions finalement devant la porte qui était entrouverte, un profond brouhaha s’en émanant.
Je rentrai en premier, ouvrant la porte en grand, à l’intérieur tous les autres chefs d’escouades étaient déjà présents.
Je me dirigeais vers mon siège, m’asseyant tout en balayant du regard la pièce afin de discerner ce qui pouvait créer toute cette agitation.
Rapidement Victor, qui était assis à côté de moi, se tourna dans ma direction.
— Tu es au courant de la nouvelle ?
— Non, j’étais de sortie aujourd’hui, pourquoi toute cette agitation ?
— Au vu des récents événements, le conseil des Cinq Gardiens va se rassembler.
— Ah, effectivement cela explique toute cette agitation.
— Oui mais ce n’est pas le plus surprenant, ce qui l’est le plus, c’est que la demande a été effectuée par le Dernier Cercle.
— Quoi ?! Criai-je, manquant de tomber ma chaise.
Après, cela expliquait ce vacarme dans la pièce, le Dernier Cercle est une faction très mystérieuse, la dernière à s’être créée, elle contient très peu de membres et n’a pas de territoire prédéfini. Cependant, on raconte qu’elle rassemble quelques éveillés de très haut niveau.
Si on parle de chiffre, la faction infligeant le plus de perte globale à True Human est sans discussion les Sangs-Divins. Cependant, le Dernier Cercle, qui ne doit comporter qu’une poignée de membres tout au plus, ne doit pas être très loin derrière.
Alors que je retrouvais mes esprits, Lumia entrait dans la salle avec une pile de documents sous le bras accompagné de son assistante.
Elles se dirigèrent toutes les deux au niveau du tableau blanc.
Lumia jeta sa pile de documents sur une table proche du tableau, provoquant un claquement sourd.
Tout le monde se tue immédiatement.
— Bien, je suis désolé pour le retard, j’avais une affaire à régler.
Alors qu’elle observait chacun d’entre nous d’un rapide coup d’œil, son regard s’arrêta vers moi.
Lâchant un léger soupir qui ressemblait plus à un soulagement qu’à de l’exaspération, elle reprit son discours.
— Je ne vous ne l'apprends sûrement pas mais un conseil des Cinq Gardiens va avoir lieu, il a été demandé par le Dernier Cercle, d’après quelques documents qui m’ont été transmis, le gouvernement préparerait quelque chose, quelque chose d’assez grand pour qu’il demande un conseil.
Victor leva spontanément la main.
— Vas-y Victor, une question ?
— Avons-nous communiqué sur notre découverte et avons-nous les premiers résultats provenant des analyses ?
— C’est une bonne question, pour le moment nous n’avons transmis aucune information aux autres factions, nous attendions les résultats, cependant je devrais recevoir les premières conclusions soit dans les prochaines heures, soit demain.
D’autres mains se levèrent en attente de poser leurs questions, mais Lumia soupira cette fois-ci d’une manière plus violente.
— Si vous le voulez bien, je répondrai aux questions à la fin. Si je vous ai demandé de vous rassembler ici, c’est parce que la date fixée du conseil est le trente juin.
Un silence s’installa, tout le monde se regardait dans les yeux quand finalement, après plusieurs longues secondes, je tentais d’ôter le doute que tout le monde partageait, à l’exception de Lumia et de son assistante.
— Euh, le trente juin, ce n'est pas demain ?
— En effet, le conseil se tiendra demain à la tombée de la nuit, nous appliquerons donc la procédure et nous mettrons le quartier général en état d’alerte élevée le temps que nous serons au rendez-vous. Alpha, Echo et une partie de l’unité du clair de lune m’accompagneront. Bravo, Charlie, Foxtrot et Golf, votre mission sera de protéger le quartier général en cas d’attaque pendant notre absence.
Alors qu’elle prit une pause dans son discours parcourant quelques documents que son assistante lui passait, les chefs d’escouades discutaient à voix basse des différents points à mettre en place pour la suite.
Cependant, alors que ceux choisis pour l’escorte discutaient des préparatifs et que ceux choisis pour la défense du quartier général discutaient de la meilleure manière de répartir nos effectifs, je me rendis compte que l’unité Delta n’avait pas été mentionnée.
Je levais la main, me raclant la gorge, cependant le bruit ambiant des discussions couvrait le bruit provoqué, je recommençais cette fois-ci en insistant lourdement sur ma gorge.
Lumia se tourna immédiatement dans ma direction, comme si, étonnamment, elle s’attendait à mon intervention.
— Ton unité n’est plus au complet, vous êtes hors jeu pour cette opération, restez ici vous reposer.
Sa voix était lourde, presque assommante, cependant avec le temps j’ai fini par bien la connaître, si elle avait prononcé ces mots sur ce ton c’était pour me dissuader d’insister de prendre part à l’opération, mais je ne comptais pas en rester là.
— Si je me permets…
Elle me coupa net, me regardant à peine du coin de l’oeil.
— Bien, tu m'accompagneras en tant que garde du corps dans la salle de réunion.
…
J’étais comme devenu muet l’espace d’un instant, encore troublé par ce qu’il venait de se passer.
— Ne prends pas cet air si étonné, je commence à bien te connaître, j’ai juste choisi de gagner du temps, de toute façon on aurait fini au même point.
Je ne savais pas vraiment comment réagir, d’un côté j’étais content de pouvoir participer, d’un autre j’étais presque énervé qu’elle ait lue dans mon jeu si aisément, non depuis son regard au début de la réunion c’était moi qui étais dans son jeu.
Après avoir consulté ses documents qu’elle tria en deux piles, elle s’avança au niveau de la table de réunion pour y déposer l’une d’elles.
— Pour ceux qui s’occupent de protéger le quartier général, c’est le matériel à votre disposition, on ne sait jamais. Les autres dans mon bureau, on doit planifier notre itinéraire.
Je me levais en même temps que les chefs des sections concernées, nous nous dirigions tous vers le bureau qui se trouvait à quelques mètres.
Nous arrivions dans une pièce exiguë comprenant un seul grand bureau et quelques chaises, le reste de la pièce était parsemé de piles de documents, seule une tasse de café noir à moitié remplie ornait son bureau.
Lumia ouvrit un tiroir de celui-ci et étala une carte.
— Le rendez-vous aura lieu ici. Disait-elle tout en pointant un bâtiment se trouvant à l’extérieur de la ville.
— Aussi loin ? s’étonnait le chef de l’unité Écho
— Le Dernier Cercle insiste pour que la réunion se déroule le plus loin possible de la ville. D’après les informations qui nous ont été fournies, c’est une usine désaffectée.
Tout le monde scrutait la carte à la recherche du meilleur itinéraire. Puis chacun proposa quelque chose.
Finalement, après presque deux heures, l’itinéraire avait été défini. Nous partirons lors du lever du soleil avec trois véhicules, nous prendrons les axes secondaires le temps de rejoindre la bordure extérieure d’Eternalys, puis nous prendrons l’axe principal avant de passer par un détour une fois proche du point d’arrivée.
Tout le monde se félicita après validation du plan et se tourna vers la sortie, proposant quelques modalités pour le départ.
Alors que Lumia repliait la carte et que je m’apprêtais à sortir du bureau juste derrière les autres, elle m’interpella :
— Un instant Adrien, tu peux rester ici quelques minutes ?
Je me tournais puis me redirigeais vers ma chaise.
— Comme tu veux.
— Cécilia, tu peux partir aussi, j’en ai fini pour aujourd’hui.
L’assistante qui était restée dans un coin de la pièce sans un bruit toute la séance se dirigea vers la porte, puis salua respectueusement Lumia avant de fermer la porte derrière elle.
Lumia s’affalait dans son siège, soulagée.
— Enfin fini, dernièrement je n’ai pas une minute à moi et ça n’a pas l’air d’aller en s’arrangeant.
— Je veux bien te croire, ces derniers jours ont été très agités.
— Ma fille va bien ?
— Elle se porte plutôt bien, je comptais la voir ce matin mais elle était déjà avec Jasmine à l’infirmerie et je n’ai pas eu l’occasion de la recroiser avec cette réunion.
— Je vois, avec toute cette agitation, je n’ai pas pu la voir non plus et disons que depuis notre petite altercation je n’ai pas vraiment eu beaucoup d’occasion de lui parler.
— Je le sais que trop bien, c’est lors de votre “petite” altercation que je suis devenu chef de l’unité Delta.
— Mais c’était pour le mieux, Élodie n’est pas faite pour gérer une unité, si ça ne tenait qu’à moi, elle ne serait même pas sur le terrain.
— Elle a su se montrer utile, et plus d’une fois, à partir de là j’estime qu’elle a sa place sur le terrain.
— Et si quelque chose lui était arrivé lors de votre dernière opération, et si c’était elle qui rentrait sur un brancard au bord de la mort.
Un silence s’installa. Je ne pouvais croire ses mots, au fond de moi j’espérais les avoir mal compris.
— Et qu’est-ce que ça aurait changé ?
Se rendant compte de ce qu’elle venait de dire, son visage se décomposa.
— Cela aurait été moins supportable, moins supportable que de voir une putain de gamine sans expérience rentrer au bord de la mort pour votre super opération de merde lancée sans même savoir ce que le convoi contenait exactement.
Mon poing venait s’écraser violemment contre le bureau s’enfonçant de presque un centimètre dans le bois, je pus voir son regard, empli de regret.
— Vous m’avez demandé de veiller sur mon unité, j’ai juré que tout le monde rentrerait en un seul morceau, putain ! Je lui ai dit droit dans les yeux que tout allait bien se passer, bordel !
Cette fois-ci, elle prit le temps de bien réfléchir à chaque mot qu’elle allait prononcer, semblant relire sa phrase dans sa tête encore et encore afin d’éviter une autre réponse maladroite.
— Je… je suis désolé, ce n’est pas ce que je voulais dire, évidemment que de voir Sarah et Gabriel dans cet état m’attriste au plus haut point, mais ils sont vivants et en plus de cela nous avons récupéré Jasmine des griffes de True Human.
Je me redressais, le poing toujours serré, lacéré par endroit à cause du bois détruit, puis ouvris la porte de sortie.
— C’est bien pour cela que je me retiens de tout foutre en l’air.