Le reste du trajet se déroulait dans un calme lourd, entrecoupé de temps à autre par les rapports provenant de la radio.
Cela faisait plus d’une heure que nous avions quitté la ville et nous approchions de la zone cible. Nous empruntions, comme convenu, un détour afin de ne pas nous rendre directement au lieu du rendez-vous.
Les grandes plaines agricoles laissaient place à un petit village de campagne, quelques maisons sans signe de vie encore debout surveillaient la route alors que notre convoi la traversait à pleine vitesse.
Nous empruntions une petite ruelle montant dans les hauteurs du petit village, donnant sur un bois.
Une fois traversée, la végétation donnait directement sur l’usine qui se trouvait en contrebas.
Le véhicule de tête se stationnait dans un petit chemin de terre en marche arrière, histoire d’être prêt à repartir dans le bon sens.
Tout le monde descendait, analysant les alentours.
Je me dirigeais avec Victor vers la descente menant à l’usine afin de profiter du point de vue.
Victor sortit des jumelles et commença à observer l’usine.
— Les portes du bâtiment principal sont grandes ouvertes et des véhicules sont déjà stationnés à l’intérieur, on n'est pas les premiers.
Alors que je me retournais tandis que les autres membres discutaient dans leur coin, Victor enchaîna :
— Il y a un homme sur le toit d’un autre bâtiment, il semble…
Victor marqua un temps d'arrêt
— Il semble ?
— Laissez tomber, c’est bien le Dernier Cercle, on peut descendre.
Victor quitta ses jumelles, se tournant vers le reste du groupe.
— Allez, on remonte dans les véhicules et on se dirige vers l’usine.
Tout le monde remontait dans les véhicules, seule Lumia interrogea :
— Ils nous ont remarqués ?
— Sur le toit d’un des bâtiments annexes se trouve une personne habillée d’une cape et d’une capuche cachant son visage. Impossible de voir le moindre détail de celui-ci, cependant, lorsqu’il s’est tourné dans ma direction, j’aurais juré que son regard me transperçait de part en part.
— Aucun doute, c’est le Dernier Cercle, ajouta Lumia. Vous avez entendu Victor, on se dirige vers l’usine.
— Oui, Chef ! répondaient en chœur tous les autres membres de nos unités.
Tout le monde prenait place dans les véhicules, rapidement les moteurs furent rallumés et nous nous dirigions en direction du portail de l’usine.
De l’autre côté se trouvait une personne, ses vêtements correspondaient parfaitement à la description de Victor, son visage totalement dissimulé par sa capuche, celui qui semblait être un homme par sa carrure poussa le portail débloquant l’accès pour nos véhicules.
Une fois le portail franchi, le véhicule d’Alpha s’arrêtait un peu plus loin afin de laisser la place aux deux véhicules qui suivaient.
Une fois celui-ci refermé, l’homme prenait les devants, nous indiquant le chemin.
Il nous emmenait au niveau du bâtiment central où une immense porte de garage était déjà ouverte, nous laissant apercevoir deux véhicules déjà stationnés.
L’immense pièce devait probablement être un lieu de stockage par le passé au vu des étagères montant jusqu’au plafond se trouvant à presque dix mètres de haut.
Une silhouette apparut soudainement sans un bruit à quelques mètres de nous alors que nous commencions à descendre des véhicules.
Des courbes féminines, elle portait exactement la même tenue que l’homme qui nous avait escortés jusqu’ici, à la différence près que de longs cheveux blonds dépassaient vers l’avant de sa capuche, descendant jusqu’au niveau de sa poitrine.
— Bienvenue au Conseil des Cinq Gardiens, je me prénomme Élénora et je suis chargée d’accueillir les participants.
— Les capuches, c’est normal, ça va être comme cela toute la journée ? rouspéta Dan
— Simple mesure de sécurité, les membres du Dernier Cercle ont pour obligation de dissimuler leur visage afin de préserver leur sécurité ainsi que celle de leur famille, cependant, rassurez-vous, notre chef et son assistant, qui seront autour de la table du conseil, le seront à visage découvert, c’est la moindre des choses.
Dan lâcha un soupir marmonnant dans sa barbe.
— Je suis navré de vous accueillir dans ces conditions. Pour tout vous dire, on ne s’attendait pas à voir une autre faction aussi tôt et nous terminons encore les préparatifs.
Lumia s’avançait d’un pas décidé, droite.
— Cela n’est pas un problème, nous avons préféré partir tôt afin d’éviter les ennuis sur la route ou de nous faire repérer. Et puis, si tout le monde partait en même temps, cela aurait fini par arriver aux oreilles du gouvernement.
— Très bien, je constate que les louanges de notre chef à votre égard sont fondées. La réunion aura lieu dans les souterrains. Cependant, vous pouvez attendre dans la salle du fond, il y a des fauteuils et des tables, histoire de passer le temps. Je crois même avoir entendu dire qu’il y avait une cible de fléchette.
— Entendu, cependant, ce n’est pas dans les habitudes de la Lune Éveillée de laisser un membre du conseil tout gérer seul, donc je compte déployer une unité autour de l’usine pour surveiller en amont les environs.
— Habituellement, on refuse toute aide extérieure, cependant, on m'a demandé de vous laisser carte blanche si vous souhaitiez nous assister, donc je m’en remets à vous.
— Formidable. Unité Écho, prenez votre véhicule et allez vous poster dans les hauteurs, si le moindre être vivant s’approche du périmètre, je veux être au courant.
La jeune femme, après une élégante révérence, se dirigea vers une autre pièce au loin, tandis qu’Écho retournait dans les hauteurs.
Je me dirigeais avec les autres vers la pièce mentionnée.
La porte donnait sur une salle de repos, et, comme l’avait dit Élénora, quelques fauteuils s’y trouvaient ainsi qu’une table et une cible avec des fléchettes.
Lumia se dirigeait directement vers l’un des fauteuils, appréciant l’idée de pouvoir souffler un peu loin des tumultes du quartier général. Certains membres d’Alpha et du Clair de Lune allaient chercher quelques provisions dans le coffre de la voiture afin de préparer un petit en-cas pour le déjeuner.
Victor lui tirait une chaise au niveau de la fenêtre, puis sortait son paquet de cigarettes.
— Ça vous dérange si je fume à la fenêtre, chef ?
Lumia, qui comptait bien profiter au maximum, gardait les yeux fermés, répondit d’une voix basse, inaudible pour quiconque se trouverait à plus d’un mètre :
— Tant que tu ouvres la fenêtre et que tu n'enfumes pas la pièce, tu fais comme tu veux.
Voyant tout le monde se trouver une occupation, je pris place sur un petit canapé, puis me reposais aussi de mon côté.
Les heures défilaient, le calme secoué par une partie de fléchette endiablée par-ci par-là. Écho était revenu faire une pause, laissant Alpha prendre le relais et Élénora était passée quelques fois s’assurant que tout allait bien.
La première faction à arriver était les Recycleurs dirigés par Edgar, et disons qu’ils sont arrivés à leur image.
À bord d’un véhicule rafistolé, aucune pièce ne semblait provenir du même véhicule, la carrosserie ressemblait plus à un amas de plaques de métal soudées entre elles, en fait, si je ne les avais pas vues arriver, je me serais même demandé si cette étrangeté pouvait réellement avancer.
Cependant, une chose était sûre, leur véhicule était prêt à faire face à toutes les éventualités.
Entre soulagement d’avoir pu se reposer quelques heures et regret de ne pas avoir pu dormir plus, Lumia se relevait, reprenant un air sérieux afin d’aller saluer les membres des Recycleurs.
Alors que je leur serrais la main un à un, je ne pus m’empêcher d’apercevoir une légère malice dans le regard d’Edgard lorsque son tour était venu.
C’est alors qu’une question me venait à l’esprit, avec toute cette agitation, avais-je pensé à prévenir Lumia de mon accord avec les Recycleurs.
Alors que les recycleurs partaient en direction d’une autre salle et que l’on retournait dans la nôtre, je repensais à toutes les réunions faites depuis mon retour et la réponse fut vite claire, non, j’avais totalement oublié.
Lumia, ravie de retrouver son fauteuil, essayait de retrouver sa position de laquelle elle s’était relevée tandis que j’informais rapidement :
— En fait… en voyant les Recycleurs, quelque chose m’est revenu à l’esprit, lorsque l’on est passé dans les égouts, nous avions obtenu l’aide des Recycleurs en échange de les aider sur l’une de leurs opérations.
Un silence s’installa, restant immobile pendant quelques secondes, elle répondit finalement.
— Ne t’en fais pas, je m’en occuperai quand il viendra m’en parler.
Presque deux heures s’étaient écoulées, le bâtiment était relativement calme, mais cela n’allait pas durer, alors que l’heure convenue pour le conseil approchait à grands pas, cinq véhicules déboulèrent en trombe dans la pièce de stockage réaménagée en immense garage.
L’air devenait lourd d’un seul coup, les portes des véhicules claquèrent presque à l’unisson tandis que des voix s’élevaient, résonnant jusque dans notre salle.
Je prenais la direction du garage improvisé juste derrière Lumia, assistant au loin à l’arrivée des derniers acteurs majeurs du conseil.
Les Sangs-Divins ainsi que Les Oubliées venaient d'arriver.