Trois heures du matin.
L’une des rares heures où le quartier général était totalement calme, pas un bruit à l’horizon, un silence total.
Je me levais de mon lit presque machinalement, le réveil éteint dès la première note.
Rapidement je m’équipais puis me dirigeais vers le réfectoire.
Uniquement éclairée par la lueur des étoiles survolant la baie vitrée, je remplissais un gobelet de café avant de rejoindre le hall principal.
Je me trouvais un banc puis m’asseyais sur celui-ci, me tournant vers la sortie.
Nos deux véhicules se trouvaient déjà au niveau de la porte, déjà entièrement chargés et prêts à partir.
Les minutes défilaient, mes pensées aussi.
J’allais embarquer une civile sur le champ de bataille, encore…
Sarah s’en était sortie avec beaucoup de chance, était-ce un avertissement ? Un signal qui aurait dû la pousser à rester loin des combats ?
Non, c’est sa décision, elle est assez grande pour choisir, qui suis-je pour décider à sa place.
Mais pourquoi cet acharnement ? Pourquoi chacune des opérations auxquelles elle participait était remplie de variable inconnue ? Je détestais les surprises et les imprévus et cette mission en était remplie.
Alors que j’étais perdu dans mes pensées, une silhouette apparut au niveau de la porte.
Vêtues entièrement de noir et équipées d’un gilet pare-balle léger, les seules touches de couleur qui la composait étaient deux yeux bleus azur et le reflet des étoiles sur ses cheveux d’un blond platine coiffé en queue de cheval.
— Prêtes pour ta première opération en tant que membre officiel de l’unité Delta ?
Son air sûr la quitta l’espace d’un instant.
— Oui, parfaitement prête.
— Je vois, les autres ne devraient pas tarder.
Dans l’heure qui suivit, les autres nous avaient rejoints.
Dan était arrivé peu après Sarah, décontracté, arborant une confiance que seuls les Éveilés pouvaient se permettre. Il portait toujours une chemise entrouverte et un short en jeans, un autre privilège lorsque les balles ne vous atteignaient pas.
Bastien arriva peu après lui, puis ce fut le tour de l’unité Charlie, composée de quatre membres, et dirigée par un certain Eric, reconnaissable à ces cheveux blonds coiffés vers l’arrière avec une tonne de gel.
Un détail qui expliquait pourquoi il n’était jamais chargé de diriger une mission, son gel dégage une certaine odeur assez forte, pas désagréable, mais assez particulière pour être reconnaissable par n’importe qui y prêtant un peu attention.
Finalement c’est Élodie qui ferma la marche, en arrivant peu avant le début de l’opération.
Je présentais les membres de mon unité, puis Eric fit de même.
Son équipe était composée de deux hommes, Jean et Liam, et d’une femme, Léna.
Leur apparence et leurs gestuelles se rapprochaient plus de celle de Sarah que de celle de personne expérimentée, mais ils ont déjà terminé plusieurs missions avec succès, donc je leur laissais le bénéfice du doute.
Rapidement nos deux unités montèrent dans les véhicules qui leur étaient attribués et Dan monta dans le nôtre.
La nuit était encore bien présente et elle le serait pendant encore deux bonnes heures. Notre véhicule prit la tête du convoi pilotée par Bastien.
Rapidement, nous quittions la cité d’Eternalys afin de nous retrouver dans les plaines et les champs alentour.
Bien que les premières minutes une fois le mur d’enceinte franchi ressemble au chemin que j’avais emprunté pour me rendre au conseil, nous prenions rapidement une direction opposée.
Nos deux véhicules communiquaient régulièrement par radio, les routes autour d’Eternalys étaient plutôt désertes et sécurisées, notamment par le Dernier Cercle, mais on allait rapidement atteindre des zones avec des risques d’attaques.
Empruntant de petites routes de campagne, nous arrivions dans un petit village en fin d’après-midi.
Les rues étaient désertes, les carcasses de voitures enfoncées sur elle-même, des maisons en partie démolies, certaine par le temps d’autre par les flammes.
— On devrait s’arrêter ici pour la nuit. Proposai-je, radio à la main.
— Bien reçu, on vous suit de près.
Bastien ralentissait le rythme afin de nous laisser le temps d’observer un lieu potentiel où nous poser.
- Là-bas ! s’écriait Sarah, pointant du doigt un bâtiment au loin.
Un corps de ferme ?
Pourquoi pas, l’endroit avait de l’espace, était clôturé et juste à la sortie de la ville.
— Tu as raison, emmène-nous là-bas Bastien.
— Reçu.
Après une dizaine de minutes à se faufiler dans les ruelles du village, nous atteignons finalement le corps de ferme.
Entouré d’un mur de pierre de deux mètres de haut, un immense portail rougeâtre, mais dévoré par la rouille permettant au véhicule agricole d’aller et venir.
La nuit allait tomber, et nous n’avions pas tout notre temps, je sortis du véhicule, puis me dirigeais vers la grille, scrutant la cour à l’aide de ma lampe torche. Aucune âme qui vive.
M’y reprenant à trois bonnes fois, j’arrivais à dégripper le portail et à le faire coulisser juste assez pour laisser passer nos véhicules.
L’endroit était composé de trois grands bâtiments, mais a vu d’œil, on pouvait discerner se qui devait être la maison des anciens propriétaires, une grange et un bâtiment qui servait de garage pour les quelque véhicules agricoles encore présents, mais dans un état qui laissait présager qu’il n’avait pas été utiliser dernièrement.
— Unité Charlie, vous vous occupez de la grange, les autres avec moi, nous allons sécuriser la maison, si vous estimez que vous avez besoin de Dan, alors faites le savoir part la radio.
Eric valida la proposition d’un geste de la tête, puis rassemblait son équipe.
— Tu es sûr que je ne devrais pas aller avec eux, Adrien ? questionna Dan
— Non il y a très peu de chance qu’il y ait grande chose là-bas, c’est plus par sécurité.
— Entendu.
Nous nous approchions donc de la maison, en formation.
Accompagné de Bastien, je passais ma lampe torche au travers des fenêtres de la bâtisse sondant le moindre mouvement, mais rien. Et nous arrivions au même résultat une fois le tour de la maison effectué.
— RAS, on vérifie l’intérieur.
Décidant d’entrer par la porte de derrière, j’agrippais la poignée, mais rien ne bougea.
S’imposant au-devant de la porte, Bastien s’avança, puis d’un coup de pied brisa le bois rongé par l’humidité, nous ouvrant la voie.
Méthodiques, nous commencions à progresser dans le bâtiment, nos lampes torches rivées sur le moindre recoin.
La porte donnait sur une cuisine, les murs en partie carrelés, alternait des tons bleu clair et blanc, vestige d’une ancienne mode, les restes de quelque photo de famille encore accrocher sur le réfrigérateur, mais surtout une odeur nauséabonde remontante des canalisations.
Nous passions rapidement dans une grande salle à manger, où se trouvait une unique grande table rectangulaire en bois brut entouré à intervalle régulier d’une dizaine de chaises.
Déplaçant ces dernières dans un grincement strident, nous progressions jusqu’à un petit salon. Les étagères remplies de quelque bibelot et photo de famille ainsi qu’un canapé dont le tissu avait été dévoré peu à peu par la moisissure.
Cependant, alors que nous arrivions au niveau d’un vestibule et d’un grand escalier en bois menant à l’étage, un cri strident retentit depuis l’extérieur.
Tout le monde se retourna vers moi, attendant mes instructions.
— On court les rejoindre, mais restez en formation !
J’enfonçais la porte principale d’un coup de pied, puis longea la maison en direction de la grange, vérifiant par a coup le mur d’enceinte entourant les deux bâtiments je remarquais qu’il était effondré par endroit et n’était plus aussi impénétrable qu’il ne l’était par le passé.
Nous arrivions finalement au niveau de la porte principale, entrouverte par l’unité Charlie, faisant un signe à Dan de se tenir prêt à intervenir je rentrais dans le bâtiment, fusil en joue, cran de sûreté relever.
Face à moi Léna à genoux, entourée par les autres membres de l’unité Charlie, dont l’un, d’eux, vomissait ses tripes prenant appui sur une poutre en bois dur.
Alors que je balayais la pièce avec ma lampe torche demandant simultanément qu’est-ce qui se passait, je compris immédiatement.
Nous n’étions pas seuls.