Chapitre 1

Chapitre 1

Le vrombissement lointain des voitures et le chant des oiseaux filtraient à travers les rideaux blancs de la chambre d'Elena Moreau. Elle ouvrit lentement les yeux, l'esprit encore embrumé de sommeil. Une sensation étrange lui pesait sur la poitrine. Un mauvais pressentiment. Elle n'aurait su dire pourquoi, mais quelque chose ne tournait pas rond.

Elle se redressa dans son lit et passa une main dans ses cheveux bruns légèrement ondulés. Peut-être était-ce la fatigue accumulée ? Ces dernières semaines avaient été chargées, entre les contrats à négocier pour ses clients et les polémiques qui ne cessaient de secouer le monde du du Sport.

Elle jeta un coup d'œil à son réveil : 06h02. Comme chaque matin, elle s'extirpa du lit et enfila son ensemble de sport. Peu importe les angoisses ou les incertitudes, son jogging matinal était un rituel sacré.

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L'air frais du matin caressa sa peau alors qu'elle s'élançait sur le trottoir, ses baskets frappant le sol dans un rythme régulier. Son souffle se calait sur le mouvement de ses jambes, effaçant progressivement les tensions de la nuit.

Madrid était magnifique à cette heure. La ville s'éveillait lentement, les rues commençaient à s'animer, mais la foule et la chaleur accablante de la journée n'étaient pas encore au rendez-vous.

Alors qu'elle contournait le Parc du Retiro, son téléphone vibra dans la poche de sa veste de sport. Elle ralentit légèrement, sortit l'appareil et fronça les sourcils en voyant l'appel entrant.

« Real Madrid »

Elle s'arrêta net.

Son cabinet travaillait souvent avec le club, mais recevoir un appel si tôt le matin était inhabituel. Encore plus quand il venait directement du siège.

Elle hésita une seconde avant de décrocher.

Elena :

— Elena Moreau.

Une voix masculine, sèche et autoritaire, répondit immédiatement.

— Bonjour Maître Moreau. Le président du Real Madrid souhaite vous voir immédiatement. Pouvez-vous vous rendre au siège dans l'heure ?

Elena fronça les sourcils.

— De quoi s'agit-il ?

— Je ne peux pas vous en dire plus au téléphone. C'est une affaire urgente.

Elle échangea un regard perplexe avec son reflet dans une vitrine. Un litige contractuel ? Un problème juridique concernant un joueur ? Elle était habituée aux crises, mais cette approche directe était inhabituelle.

— J'arrive.

Elle raccrocha et reprit sa course, mais cette fois, son esprit tournait à plein régime.

De retour chez elle, elle fila directement sous la douche. L'eau chaude détendit ses muscles, mais son esprit restait en alerte.

Elle passa en revue les derniers événements liés au Real Madrid. Il y avait bien eu quelques polémiques récemment, mais rien qui justifie une convocation en urgence.

Sortant de la douche, elle enfila un tailleur noir parfaitement ajusté, sobre mais élégant. Son image était importante. Une avocate de renom se devait d'imposer le respect dès le premier regard.

Un dernier coup d'œil dans le miroir, et elle quitta son appartement, direction le Santiago Bernabéu.

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Elena gravit les marches menant au bureau du président avec assurance, mais une légère appréhension lui tordait l'estomac.

Elle avait déjà rencontré le président du Real Madrid à plusieurs reprises, mais cette fois, quelque chose lui disait que la situation était différente.

La porte s'ouvrit devant elle, et elle fut immédiatement accueillie par l'air grave du président du club, assis derrière son imposant bureau en bois massif.

À sa droite, son directeur juridique, et à sa gauche…

Alejandro Vasquez.

Elena s'arrêta net.

L'attaquant vedette du club était assis sur l'un des fauteuils en cuir, les bras croisés, un regard fermé sur le visage. Son charisme naturel était intact, malgré les cernes qui soulignaient ses yeux. Il était clair qu'il dormait mal ces derniers temps.

Elle connaissait son dossier. Tout le monde le connaissait.

Accusé de viol. Acquitté, mais pas innocenté aux yeux de l'opinion publique. Son image était en lambeaux, quelques sponsors voulaient le lâché, et même son club, pourtant loyal, semblait en pleine crise de gestion à son sujet.

Elle referma doucement la porte derrière elle et s'avança d'un pas mesuré.

— Monsieur le Président. Vous souhaitiez me voir en urgence ?

Le président lui fit signe de s'asseoir face à lui.

— Merci d'être venue si vite, Maître Moreau. Nous avons une proposition très importante à vous faire.

Elle posa son sac sur ses genoux et croisa les jambes, lançant un regard rapide à Alejandro, qui la fixait silencieusement.

— Une proposition ?

Le président échangea un regard avec le directeur juridique avant de reprendre.

— Comme vous le savez, Alejandro Vasquez traverse une situation difficile. Son acquittement n'a pas suffi à calmer la tempête médiatique. Son image est ternie, et cela affecte directement le club.

Elena hocha la tête.

— Je suis au courant. Mais en quoi cela me concerne-t-il ?

Le président s'adossa à son fauteuil et laissa échapper un soupir.

— Nous avons besoin de redorer son image. Montrer qu'il est un homme stable, responsable. Et la meilleure façon d'y parvenir, c'est…

Il marqua une pause avant de prononcer les mots qui allaient bouleverser la vie d'Elena.

— … un mariage.

Un silence lourd s'abattit sur la pièce.

Elena cligna des yeux, pensant avoir mal entendu.

— … Pardon ?

— Nous voulons que vous épousiez Alejandro.

Elle éclata de rire, mais en voyant que personne ne plaisantait, son rire s'étrangla aussitôt.

— C'est une blague, n'est-ce pas ?

Alejandro, jusque-là silencieux, prit enfin la parole.

— Malheureusement pour vous, non, dit il sarcastiquement.

Elena tourna brusquement la tête vers lui, le foudroyant du regard.

— Vous attendez sérieusement de moi que j'épouse un homme que je ne connais même pas pour sauver son image ?

— Écoutez, nous savons que c'est une demande inhabituelle. Mais c'est un contrat . Vous seriez bien entendu rémunérée, et tout serait strictement encadré juridiquement, dit le président.

Elena serra les dents.

— Et si je refuse ?

Le président soupira avant de poser les mains sur la table.

— Vous travaillez avec le Real Madrid depuis deux ans maintenant. Nous sommes votre plus gros client. Je n'aimerais pas que cela change…

Elle sentit son estomac se nouer. Un ultimatum déguisé.

Alejandro la fixa avec un léger sourire en coin.

— On dirait bien que vous n'avez pas trop le choix, Maître Moreau.

Elena prit une profonde inspiration, son regard s'attachant à celui de l'attaquant.Elle venait de mettre les pieds dans un jeu bien plus dangereux que tout ce qu'elle avait connu jusqu'ici.

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Le silence dans la pièce était presque assourdissant après la déclaration du président.

— Un contrat d'un an, répéta-t-il avec calme, comme s'il annonçait un simple accord commercial. Vous jouez le rôle de son épouse, et en échange, vous seriez bien rémunéré et votre cabinet bénéficiera d'un contrat renforcé avec le club.

Elena fixa l'homme en face d'elle, cherchant une trace d'humour dans son expression. Rien. Il était parfaitement sérieux.

Elle sentit son estomac se nouer.

— Vous… vous attendez vraiment à ce que j'accepte ? lança-t-elle, abasourdie.

Le président du Real Madrid, un homme d'une soixante dixaine d'années à l'attitude posée mais ferme, ne broncha pas. À ses côtés, le directeur juridique gardait une expression impassible, comme si cette discussion était une simple formalité.

Mais c'était bien plus que cela.

— Nous savons que ce ne sera pas facile, admit le président. Mais regardez la situation d'un point de vue stratégique. Vous êtes une avocate brillante, respectée, sans scandale. Alejandro a besoin de cette stabilité à ses côtés. En retour, votre cabinet bénéficiera d'une influence considérable et d'une position privilégiée au sein du club.

Elena serra les dents.

— Donc, en d'autres termes, vous me mettez au pied du mur.

Alejandro laissa échapper un rire sarcastique.

— Bienvenue dans mon monde, murmura-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.

Elle tourna brusquement la tête vers lui.

— Ne me comparez pas à vous. Moi, je n'ai pas détruit ma propre image.

Ses mots claquèrent dans l'air comme un coup de fouet. Alejandro la fixa, ses yeux sombres s'embrasant d'un éclat furieux.

— Vous ne savez rien de ce que j'ai vécu, répliqua-t-il, sa voix tranchante.

— Et je ne tiens pas à le savoir, rétorqua-t-elle sèchement.

Le président leva une main pour les interrompre.

— Ce n'est pas une décision que nous vous demandons de prendre sur le champ. Mais réfléchissez bien, Maître Moreau. Cette opportunité pourrait changer votre carrière.

Elena se redressa lentement, rassemblant ses affaires avec des gestes mesurés.

— Il n'y a rien à réfléchir, dit-elle froidement. Ma réponse est non.

Elle se leva et quitta la pièce sans un regard en arrière.

Alejandro la suivit du regard, un sourire en coin sur les lèvres.

— On parie combien qu'elle va changer d'avis ? murmura-t-il.

Le président ne répondit pas, mais un éclat de certitude traversa ses yeux.

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Elena avançait d'un pas rapide, les talons de ses escarpins claquant sur le sol immaculé du stade. Son cœur battait la chamade, non pas à cause du stress, mais de la colère qui bouillonnait en elle.

Comment osaient-ils ?

Elle, Elena Moreau, avocate de renom, sommée d'épouser un footballeur comme si elle n'était qu'un pion sur un échiquier médiatique ?

Elle serra les poings. Ils pouvaient bien aller au diable.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à quitter le bâtiment, une voix l'interpella.

— Maître Moreau ?

Elle se retourna et reconnut immédiatement l'homme qui l'appelait.

Julian Hernandez.

Un des sponsors les plus influents du Real Madrid. Il était également un de ses clients les plus importants. Un homme puissant, dont les connexions pouvaient faire ou défaire des carrières en un claquement de doigts.

— Julian, salua-t-elle avec une politesse contrôlée. Que puis-je faire pour vous ?

Il lui sourit d'un air affable, mais son regard perçant lui indiqua qu'il n'était pas là pour une simple discussion mondaine.

— J'ai entendu dire que le club vous avait fait une proposition… particulière, dit-il, croisant les bras sur sa poitrine.

Elena arqua un sourcil.

— Je vois que vous êtes toujours au courant de tout ce qui se passe, même les secrets les mieux gardés.

— Toujours.

Un silence s'installa.

— J'espère que vous avez conscience de l'importance de cette décision, ajouta-t-il d'un ton léger, mais chargé de sous-entendus.

Elena sentit une tension lui nouer la nuque.

— Je suis une avocate, Julian. Pas une actrice de télé-réalité.

Il eut un léger rire.

— Bien sûr. Mais vous êtes aussi une femme d'affaires, Elena. Vous savez comment fonctionne ce monde.

Elle pinça les lèvres.

— Vous essayez de me dire que refuser pourrait nuire à ma carrière ?

Julian lui adressa un sourire poli, mais glacial.

— Disons que le Real Madrid est une institution. Et qu'avoir son soutien est un privilège… que peu de personnes refusent sans conséquences.

Elena sentit son sang se glacer.

— C'est une menace ?

— Un conseil, répondit-il, avant d'ajouter avec un clin d'œil. Réfléchissez bien, Maître Moreau.

Il s'éloigna d'un pas tranquille, la laissant seule avec ses pensées tumultueuses.

Il était minuit et Elena n'arrivait pas à dormir.

Elena tournait en rond dans son salon, un verre de vin à la main.

Elle avait passé la journée à tenter d'oublier cette proposition absurde, mais les mots de Julian tournaient en boucle dans sa tête.

« Avoir le soutien du Real Madrid est un privilège… que peu de personnes refusent sans conséquences. »

Elle serra les dents. Elle ne voulait pas croire que son refus pouvait vraiment mettre en péril sa carrière et lui faire perdre aussi son plus gros client. Mais pouvait-elle vraiment prendre ce risque ?

Accepter signifiait compromettre son intégrité, jouer un rôle qu'elle méprisait. Mais refuser… c'était risquer de tout perdre.

Elle se laissa tomber sur son canapé, la tête entre les mains.

Alejandro Vasquez.

Rien que penser à lui lui donnait envie de crier. Son arrogance, son sourire suffisant, sa réputation désastreuse.

Et pourtant, une partie d'elle savait qu'elle n'avait peut-être pas d'autre choix.

Elle leva les yeux vers le plafond, laissant échapper un soupir.

Que diable allait-elle faire ?

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Suite présidentielle d'un hôtel de luxe – Madrid – 10h00

Elena s'arrêta devant la porte imposante de la suite, prenant une profonde inspiration. Elle avait accepté cette rencontre à contrecœur, sans présence tierce, uniquement pour évaluer la situation de ses propres yeux.

Mais elle savait déjà une chose : cet échange ne s'annonçait pas agréable.

Elle redressa les épaules et frappa trois coups secs.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit sur un Alejandro Vasquez vêtu d'un simple pantalon de jogging noir et d'un t-shirt moulant qui épousait ses muscles. Ses cheveux étaient légèrement humides, preuve qu'il venait de prendre une douche.

Il la détailla rapidement, un sourcil haussé.

— Tu es en avance.

Elena serra la mâchoire.

— Et toi, tu es visiblement toujours aussi malpoli.

Un sourire narquois étira ses lèvres alors qu'il s'écarta pour la laisser entrer.

— Désolé, princesa, j'ai oublié de dérouler le tapis rouge.

Elle ignora la pique et pénétra dans la pièce. L'intérieur de la suite était spacieux, décoré avec une élégance minimaliste, et une large baie vitrée offrait une vue imprenable sur Madrid.

— On peut s'asseoir et discuter ? demanda-t-elle d'un ton professionnel.

Alejandro referma la porte derrière elle et se laissa tomber nonchalamment sur l'un des fauteuils en cuir noir.

— Discuter de quoi ? lança-t-il en croisant les bras sur sa poitrine. On sait tous les deux que cette mascarade n'a aucun sens.

Elena retint un soupir.

— Alors, tu es contre ce mariage, toi aussi ?

— Oh, absolument, répondit-il avec un faux enthousiasme. Mais il semblerait que nous n'ayons pas notre mot à dire.

Il planta son regard sombre dans le sien, défiant.

— On pourrait aussi tout envoyer balader et les laisser se débrouiller avec leurs conneries.

— Oui, et voir nos carrières respectives s'effondrer dans la foulée, répliqua-t-elle sèchement.

Alejandro haussa un sourcil.

— Tu tiens tant que ça à ta réputation ?

— Je tiens à ma liberté, nuance, corrigea-t-elle.

Un silence pesant s'installa.

Elena savait qu'ils étaient dans le même bateau, forcés à jouer un rôle qu'ils ne voulaient pas. Mais ça ne changeait rien à la réalité : cet homme l'agaçait au plus haut point.

— Tu veux qu'on joue aux amoureux parfaits ? ironisa-t-il soudainement, un sourire moqueur aux lèvres. Je te préviens, je ne suis pas du genre romantique.

Elena croisa les bras, impassible.

— Ça tombe bien, moi non plus.

Leur regard s'affronta, une tension électrique flottant entre eux.

Alejandro se pencha légèrement en avant, posant ses coudes sur ses genoux.

— D'accord, Moreau, murmura-t-il d'un ton bas et calculateur. On va devoir se supporter pendant un an, alors soyons clairs : je ne vais pas jouer les maris éperdus d'amour, et toi, tu n'as pas intérêt à me rendre la vie plus difficile que nécessaire.

— Ça tombe bien, Vasquez, je comptais te dire la même chose.

Un rictus étira ses lèvres.

— Ah oui ? Et comment comptes-tu gérer les interviews, les apparitions publiques, les dîners mondains ?

— Avec grâce et professionnalisme, répondit-elle sèchement. Contrairement à toi, je sais me tenir en société.

Alejandro éclata d'un rire bref, un brin provocateur.

— Tu veux dire que moi, je suis un animal sauvage incapable de jouer le jeu ?

— Si la chaussure te va…

Il secoua la tête, amusé.

— D'accord, Maître, je vois ton jeu. Tu veux imposer tes règles.

Elena ne détourna pas le regard.

— Et toi, tu veux jouer au rebelle.

— Peut-être parce que je le suis.

Elle soupira, déjà fatiguée de cet échange.

— Peu importe. Il faut établir des limites.

Alejandro haussa un sourcil.

— Des limites ?

— Oui.

Elle sortit un carnet de son sac et l'ouvrit à une page vierge.

— Premièrement, en public, nous devons être un couple crédible. Ça signifie des apparitions ensemble, des gestes affectueux, et éviter tout scandale.

— Je vais vomir.

— Deuxièmement, nous vivrons sous le même toit, mais nous établirons des règles claires.

— Pas besoin, je ne compte pas coucher avec toi.

— Dieu merci, et c'était pas au programme.

Il ricana.

— On devrait signer un contrat.

Elena lui jeta un regard perçant.

— C'est prévu.

Alejandro la regarda un instant, puis se leva, s'approchant lentement d'elle.

— Tu sais quoi, Moreau ? murmura-t-il, une lueur de défi dans le regard. Je crois qu'on va bien s'amuser.

Elle soutint son regard sans ciller.

— Moi, je crois que ça va être un enfer.

Et à cet instant, tous deux savaient qu'aucun ne céderait du terrain facilement.

Ce mariage allait être une guerre, émotionnellement et physiquement.