L'Entrée Interdite
Les ruines de Gizeh étaient plongées dans une obscurité spectrale. La lueur verte aperçue depuis son appartement n'était plus visible, mais Nour sentait toujours son appel.
Le site était officiellement fermé à cette heure de la nuit. Quelques gardes patrouillaient autour du Sphinx et des pyramides, mais Nour connaissait les passages discrets utilisés par les pilleurs et les guides clandestins.
Une brise chaude souleva un voile de sable alors qu'il avançait prudemment entre les pierres millénaires. Son cœur battait à tout rompre, mais ce n'était pas de la peur.
C'était comme si son corps savait déjà ce qu'il faisait.
Comme s'il était déjà venu ici, sous une autre forme, une autre vie.
Puis, il vit l'ouverture.
Une brèche entre deux blocs de calcaire, à la base du Sphinx, à peine visible dans l'ombre.
"C'est là."
Une étrange énergie émanait de l'ouverture, une vibration qui résonnait dans ses os, l'attirant inexorablement.
Il hésita une seconde.
Puis il inspira profondément et s'y engouffra.
Les Couloirs de l'Oubli
L'intérieur était oppressant. L'air était épais, chargé d'une humidité ancienne, mêlée à une odeur de pierre et de poussière millénaire.
La galerie était étroite, mais pas totalement obscure. Des hiéroglyphes gravés dans les parois dégageaient une faible lueur phosphorescente, projetant des ombres mouvantes sur le sol inégal.
Nour passa sa main sur les gravures.
Elles étaient chaudes, vibrantes, comme si elles pulsaient au rythme d'un cœur invisible.
Il sentit un frisson remonter le long de son échine.
"Ce n'est pas normal…"
Ses doigts effleurèrent un glyphe plus grand que les autres.
Un choc électrique traversa son bras, foudroyant son esprit d'une vision fugace.
Une cité aux tours dorées, engloutie par des vagues déchaînées.
Un trône de lumière flottant au-dessus du néant.
Une porte scellée par des chaînes noires…
Puis, une douleur fulgurante lui transperça le crâne.
Il chancela, pris de vertige.
Et c'est alors qu'il l'entendit.
Un murmure, glissant le long des murs.
Quelque chose était réveillé.
L'Intruse
— Toi… Tu n'aurais jamais dû venir ici.
Nour se figea.
Une voix féminine, froide et tranchante comme une lame, résonna derrière lui.
Il se retourna d'un bond.
Une silhouette se tenait dans l'ombre, adossée à la paroi, à moitié dissimulée par un relief du mur.
Une femme, vêtue d'un long manteau noir, capuche abaissée sur ses épaules. Ses yeux dorés brillaient dans l'obscurité, perçant Nour de leur éclat inhumain.
D'un mouvement fluide, elle dégaina un khépesh, une épée incurvée d'apparence ancienne, mais dont la lame émettait une lueur bleutée.
— Qui es-tu ? demanda-t-elle.
Nour ouvrit la bouche, mais aucun mot ne vint.
Elle fronça les sourcils et raffermit sa prise sur son arme.
— Réponds.
Le ton n'admettait aucun mensonge.
— Je… Je ne sais pas…
— Mensonge.
D'un geste foudroyant, elle frappa.
Nour recula juste à temps, mais la lame mordit son sweat, laissant une entaille nette.
Son cœur explosa dans sa poitrine.
"Elle essaie vraiment de me tuer ?!"
— Personne n'entre ici par accident.
Elle se rua sur lui.
Cette fois, Nour ne put éviter l'attaque.
Un coup de pied dans l'abdomen le projeta en arrière, le faisant heurter violemment la paroi. Une douleur fulgurante lui coupa le souffle.
Il releva la tête, essoufflé.
La femme avançait lentement, ses yeux toujours fixés sur lui, analysant chacun de ses mouvements.
— Je vais poser la question une dernière fois…
Elle leva son khépesh, la lame brillant sous la faible lueur des hiéroglyphes.
— Qui t'a envoyé ici ?
L'Éveil
Un grondement résonna soudain à travers la salle.
Les hiéroglyphes sur les murs s'illuminèrent d'une teinte rouge sang.
Un souffle glacé parcourut la galerie.
Puis, derrière Nour, quelque chose bougea.
Un craquement sinistre résonna lorsque les ombres prirent forme, s'extirpant des parois comme un liquide visqueux.
Des silhouettes déformées, des corps tordus aux yeux vides, émergèrent lentement du mur, leur chair semblant fondre et se reconstituer en permanence.
Nour sentit une vague de terreur l'envahir.
Il ne pouvait pas bouger.
Les créatures le fixaient, leurs mâchoires s'ouvrant lentement sur des rangées de dents fines et acérées.
L'une d'elles bondit.
Et quelque chose se brisa en lui.
Un éclair doré déchira l'air.
Un symbole apparut sous les pieds de Nour, un glyphe circulaire gravé dans la pierre elle-même.
Les créatures hurlèrent lorsque la lumière les frappa, leur chair s'évaporant instantanément comme de la cendre au vent.
Nour resta figé, les yeux écarquillés.
Il n'avait rien fait.
Mais la lumière était sortie de lui.
La femme s'arrêta net, son regard rivé sur lui.
Puis, après un silence tendu, elle rangea son khépesh.
— Je comprends maintenant.
Nour inspira profondément, tentant de reprendre son souffle.
— Comprendre quoi ? balbutia-t-il.
Elle l'observa encore un instant, avant de lui tendre la main.
— Tu es celui que nous attendions.
Un battement sourd résonna dans ses tempes.
Il ne comprenait pas encore.
Mais au fond de lui, une partie de son âme venait de s'éveiller.
Et il savait qu'il n'y aurait plus de retour en arrière.
Fin du Chapitre 2