L'Exode des Ombres
Les ténèbres tremblaient encore autour de lui, résidus d'un pouvoir ancien qui venait de s'éveiller.
Nour sentit son cœur battre dans ses tempes, ses muscles encore figés sous l'effet de l'adrénaline. Autour de lui, les créatures qu'il avait vu émerger des murs n'étaient plus que des cendres flottantes, emportées par un vent spectral.
Mais ce qui le terrifiait le plus, ce n'était pas ce qu'il venait d'affronter.
C'était la lumière dorée qui avait jailli de lui, brûlant ces abominations avant même qu'il ne comprenne ce qu'il faisait.
Une énergie encore vibrante pulsait dans son corps, comme une braise sous sa peau, résonnant dans ses veines avec une chaleur étrange.
— Tu es celui que nous attendions.
La voix de la femme résonna dans l'espace sacré, tranchant net la torpeur de Nour.
Elle se tenait toujours devant lui, son khépesh rengainé, mais son regard restait ancré dans le sien, plus intense que jamais.
— Attendaient ? répéta-t-il, sa voix plus rauque qu'il ne l'aurait voulu.
La femme l'observa quelques secondes avant d'incliner légèrement la tête.
— Marqué par la lumière. Capable d'éveiller les glyphes. Capable d'exister entre les mondes…
Elle avança d'un pas, lentement, comme si elle mesurait encore la situation.
— Tu es un Héritier.
Nour recula instinctivement, sentant son dos heurter la pierre froide du mur.
— Un… quoi ?
Elle ne répondit pas immédiatement.
Au lieu de cela, elle ferma brièvement les yeux et tendit une main vers l'un des symboles gravés sur la paroi.
Un souffle invisible traversa la pièce, et sous son toucher, le glyphe s'illumina d'une lumière d'un bleu spectral.
Nour sentit son estomac se nouer.
C'était la même lumière que celle qui était sortie de lui.
Elle rouvrit les yeux et le regarda d'un air grave.
— Je suis Layla Nefertari. Dernière descendante des Gardiens de l'Amenti.
Elle abaissa sa main, et la lumière du glyphe s'éteignit aussitôt.
— Et toi, Nour Anwar, que tu le veuilles ou non… tu es le dernier des Enfants de Thoth.
L'Héritier
Un silence pesant tomba entre eux.
Le sang de Nour battait contre ses tempes, mais son esprit refusait de comprendre ce qu'il venait d'entendre.
— Enfant de… Thoth ?
Il avait déjà entendu ce nom.
Thoth, le dieu égyptien de la sagesse, des écrits et de la magie.
Mais quelque chose, au fond de lui, lui disait que ce nom signifiait bien plus que ce que l'histoire humaine racontait.
Il leva les yeux vers Layla, cherchant à déceler un mensonge dans son regard.
Elle le fixait toujours, son expression impassible.
— Nous n'avons pas le temps pour les explications.
Elle pivota brusquement et commença à s'éloigner.
— Si tu veux vivre, suis-moi.
Nour resta figé une seconde.
Puis un bruit déchirant le fit sursauter.
Un hurlement lointain, grave et caverneux, s'éleva des profondeurs du temple.
Un son qui n'avait rien d'humain.
Layla jura entre ses dents.
— Ils sont déjà là.
Elle se retourna vivement vers lui.
— Bouge !
L'Invocation du Néant
Ils s'engouffrèrent dans les tunnels sous le Sphinx, Layla ouvrant la marche avec une aisance inquiétante.
Les couloirs semblaient changer autour d'eux, comme si le temple était un être vivant qui réagissait à leur présence.
Des bruits étranges résonnaient dans l'obscurité, des murmures indistincts, des frottements sur la pierre, des pas qui n'étaient pas les leurs.
Puis, ils débouchèrent dans une grande salle souterraine, un vaste espace dont le plafond disparaissait dans l'ombre.
Au centre, un cercle de pierre noire était incrusté dans le sol.
Et sur ce cercle…
Quelqu'un les attendait.
Un homme vêtu d'une longue robe de lin noir se tenait là, debout, immobile.
Il était grand, maigre, sa peau trop pâle sous la lumière des glyphes. Son crâne était rasé, et son visage marqué de tatouages anciens, semblant bouger imperceptiblement, comme s'ils étaient vivants.
Mais c'étaient ses yeux qui figèrent Nour sur place.
Deux abysses noirs. Sans pupilles. Sans âme.
Il leva lentement une main.
— Lumière du serpent, consume et régénère.
Les tatouages sur son corps s'illuminèrent d'un rouge sang.
Puis, l'air explosa autour de lui.
Des ombres jaillirent du sol, des silhouettes humanoïdes, distordues, faites de chair et de ténèbres, rampant sur le sol avec des mouvements trop rapides pour être naturels.
Nour eut un haut-le-cœur.
Ces choses n'avaient pas de visages.
Juste des bouches béantes, dégoulinantes, remplies de dents acérées comme du verre brisé.
Layla bondit en avant, dégainant son khépesh dans un mouvement fluide.
— Écarte-toi !
La lame trancha net une des créatures qui s'était élancée vers eux.
Mais au lieu de mourir… elle se reforma aussitôt.
Le rire du prêtre noir résonna dans la salle.
— Il est marqué… Il ne peut plus fuir.
Son regard noir se posa sur Nour.
— Offre-le-moi.
Layla siffla entre ses dents et se plaça devant lui.
— Va te faire voir.
Un frisson parcourut l'échine de Nour.
Son corps était paralysé, incapable de réagir.
Ce prêtre… Il ne savait pas pourquoi, mais il le connaissait.
Ou plutôt…
Son âme le connaissait.
Il sentit une douleur vriller son crâne.
Des fragments de souvenirs qui n'étaient pas les siens.
Une table d'obsidienne.
Des hommes agenouillés.
Un trône rouge.
Une voix chuchotant son nom dans l'obscurité…
— Réveille-toi, Héritier de Thoth.
Le prêtre tendit une main vers son cœur.
Une force invisible s'éleva, aspirant son énergie comme un gouffre noir.
Nour hurla.
La douleur était insoutenable.
L'ombre dévorait son être, cherchant à l'arracher de lui-même.
Layla se retourna, les yeux écarquillés.
— Nour ! Reste avec moi !
Elle tendit la main vers lui.
Mais à ce moment-là…
Une déflagration dorée explosa dans la salle.
La lumière jaillit du corps de Nour, un rayon brûlant foudroyant les créatures d'ombre.
Le prêtre recula, hurlant de rage.
Et pour la première fois…
Nour comprit qui il était vraiment.
Fin du Chapitre 3