Prologue
Éliana n'avait que huit ans lorsqu'elle perdit ses parents. Une nuit, tout ce qu'elle
connaissait d'ordinaire disparut dans un tourbillon de feu et de cendres. Le
bruit des explosions résonnait encore dans ses oreilles, tandis que les flammes
engloutissaient sa maison, leur maison, celle qu'elle partageait avec ses
parents et les rêves d'une vie meilleure. Le souffle du vent transportait
l'odeur du chaos, et le ciel, qui auparavant avait abrité leurs rires et leurs
espoirs, s'était obscurci par les nuages d'une tragédie qu'aucune d'entre eux
n'avait pu anticiper.
Elle se souvint du visage de sa mère, celui qu'elle portait avant de disparaître
dans l'obscurité. Des souvenirs vagues de tendres sourires et de chuchotements
rassurants. Et son père, toujours prêt à la protéger, à lui enseigner la force
et la résilience dans un monde incertain. Mais tout cela était désormais un
lointain souvenir.
Après l'incendie, Éliana fut envoyée vivre avec sa tante à Cap-Henri. Sa tante, une
femme âgée et austère, n'était pas vraiment une figure maternelle, mais elle
lui offrait un toit et un semblant de sécurité. La maison dans laquelle elle
l'accueillit n'était pas grande. Elle était sombre, remplie d'une tristesse
palpable qui imprégnait chaque pièce. La chaleur humaine faisait défaut, mais
Éliana n'avait pas le choix. Les nuits étaient longues, souvent rythmées par le
bruit du vent soufflant à travers les fenêtres mal fermées, comme un cri
solitaire qui semblait partager la douleur de l'orpheline.
Elle passait ses journées à nettoyer, à s'occuper des tâches ménagères et à chercher
des opportunités de travailler pour subvenir à ses besoins et ceux de sa tante.
Le monde extérieur était dur, impitoyable parfois. Les autres enfants du
village la regardaient souvent de loin, la traitant comme une étrangère, mais
elle ne se laissait pas abattre. Elle s'accrochait à l'espoir que, quelque
part, il y avait encore un avenir pour elle. Une chance. Un rêve. Un jour, elle
espérait échapper à cette vie de pauvreté, trouver un peu de lumière au milieu
de l'obscurité qui avait envahi son existence.
L'un des rares moments où elle se sentait un peu plus vivante était lorsqu'elle se
rendait à la mer, un peu plus loin, quand la nuit tombait et que l'horizon se
fondait dans un camaïeu de bleus et d'orangés. La mer lui parlait d'un autre
monde, d'un ailleurs où ses rêves ne se heurteraient pas aux dures réalités du
quotidien. C'est là, en bordure de cette étendue infinie, qu'elle s'était
souvent juré de quitter Cap-Henri un jour, d'aller plus loin, de voir la
lumière au bout du tunnel.
Un jour, alors qu'elle se trouvait près du port, une rumeur courut sur l'arrivée
d'un messager royal. Ce dernier annonçait que le palais recherchait de
nouvelles servantes pour répondre à la demande croissante. Le destin semblait
frapper à sa porte.
Bien que l'idée de travailler au Palais Sans-Souci, symbole de puissance et de luxe,
paraissait irréelle pour une jeune fille comme elle, Éliana comprit rapidement
que c'était sa chance. La possibilité de quitter Cap-Henri. La possibilité de
s'échapper, même si cela signifiait travailler dans un endroit où la discipline
était de fer et où chaque mouvement était surveillé. Un espoir, aussi fragile
soit-il, brillait dans son cœur. Elle ne savait pas ce que l'avenir lui
réservait, mais elle était prête à tout affronter. Pour elle. Pour son avenir.
Pour la chance de reconstruire ce qui avait été détruit.
Ce fut avec des mains tremblantes qu'elle fit ses premiers pas vers ce destin
incertain, sans savoir que cette décision la conduirait à rencontrer l'homme
qui, bien malgré lui, changerait sa vie à jamais.