Chapitre 1

Le vrombissement des moteurs envahissait l'air tandis que le soleil déclinant peignait des ombres longues sur le bitume. Dans le garage de l'écurie Apex Lynx, Ezra était accroupi sous une voiture, les mains noircies de graisse, tandis que Kael, fidèle à lui-même, s'appuyait nonchalamment sur l'aile avant, son casque sous le bras. 

— Tu comptes passer la nuit là-dessous ou t'as fini de câliner ma bagnole ? demanda Kael avec un sourire narquois. 

— Si je ne m'occupais pas de cette pauvre bête, elle te lâcherait en pleine ligne droite. Alors un peu de respect, Vesper, rétorqua Ezra d'un ton sec. 

— Tu dis ça comme si j'étais pas capable de gérer une panne à 300 km/h. Tu manques de foi, Cruz. 

— Ce n'est pas toi qui me fais peur, c'est ton ego. Un jour, il va te faire exploser avant même que le moteur n'ait le temps de le faire, soupira Ezra en roulant sur le côté pour sortir de sous la voiture. 

Kael rit, un son léger et insouciant, mais Ezra le fixa, les sourcils froncés. 

— Sérieusement, Kael. Tu dois faire attention à toi. Ils t'ont collé des rivaux qui rêveraient de voir ton nom en bas du classement. Fais attention. 

— T'en fais pas, je gère. Et puis, avec toi dans ma team, qu'est-ce qui pourrait m'arriver ? répondit Kael en haussant les épaules. 

— Peut-être que tu ne t'en rends pas compte, mais tout, murmura Ezra à mi-voix. 

Ezra retourna à son travail, mais Kael l'observait, l'air pensif. Il avait toujours eu Ezra à ses côtés, une constante immuable dans sa vie chaotique. Mais ce regard sérieux, ces mots teintés de peur à chaque fois qu'il devait prendre le volant l'agaçaient un peu. Alors, comme toujours, il choisit l'humour pour masquer l'inconfort. 

— Hé, arrête de jouer au papa poule. Sinon, je te déclare officiellement mon Omega Ezra Thiago Cruz! lança Kael. 

— Garde ça pour tes groupies. Moi, je suis là pour la bagnole, éclata Ezra en riant. 

Ils échangèrent un sourire, mais Ezra détourna vite les yeux et continua son travail.

La nuit tombait doucement sur la ville, les lampadaires projetant une lumière tamisée sur les rues désertes. En garant sa voiture devant l'imposante demeure de Kael, Ezra coupa le moteur et jeta un coup d'œil vers son ami, toujours aussi détendu. 

— Alors, tu veux pas rester et passer la nuit ? C'est pas comme si j'avais pas de place, proposa Kael. 

— Ça ira, il n'est pas si tard, répondit Ezra sans même le regarder. 

Il sortit du véhicule avec une aisance familière, balança les clés à Kael avant de le suivre dans l'entrée. L'intérieur de la maison était à l'image de Kael : moderne, mais étrangement chaleureux. Les trophées alignés sur une étagère près du salon témoignaient de ses victoires passées. Ezra ne pouvait s'empêcher de les regarder chaque fois qu'il venait. C'était à la fois inspirant… et agaçant. 

— Tu sais, tu devrais faire une étagère juste pour ton ego. Ça prend autant de place que ces trucs, commenta Ezra en pointant un trophée du doigt. 

— T'es jaloux, avoue, rétorqua Kael en riant. 

— Jaloux ? De toi ? Dans tes rêves. 

Leur échange habituel, ponctué de petites piques, finit par s'estomper lorsqu'Ezra s'installa dans la cuisine. À peine avait-il ouvert le frigo que Kael apparut, l'air amusé. 

— Qu'est-ce que tu fais ? Je te rappelle que t'es ici en tant qu'invité, dit Kael. 

— Invité, hein ? Si je te laissais faire, tu finirais par commander des pizzas à deux heures du matin. Et vu que tu dois être au top demain, autant t'assurer un vrai repas, répliqua Ezra en sortant des œufs et du bacon. 

Kael haussa les épaules avant de s'installer sur un tabouret, observant Ezra s'activer aux fourneaux. Il y avait quelque chose d'apaisant dans cette scène. Ce n'était pas la première fois qu'Ezra lui cuisinait quelque chose, mais Kael se demandait toujours comment il avait autant de patience avec lui. 

Quelques minutes plus tard, un plat simple mais appétissant trônait sur la table. Kael ne se fit pas prier pour s'installer, attaquant son assiette avec enthousiasme. 

— Un jour, je vais devoir t'engager à plein temps. Mécano de jour, cuistot de nuit, plaisanta Kael entre deux bouchées. 

— Rêve toujours. J'ai déjà assez de boulot avec ta voiture, rétorqua Ezra. 

Le silence s'installa doucement, mais pas de ceux qui dérangent. C'était ce genre de silence qui ne nécessitait pas de mots. Kael finit son repas, poussa son assiette sur le côté, puis leva les yeux vers Ezra. 

— Sérieusement, reste ce soir. Je te connais, tu vas rouler à moitié endormi et c'est moi qui vais devoir gérer si tu te plantes quelque part, insista Kael. 

— Comme c'est gentil à toi de t'inquiéter pour moi, mais je suis un grand garçon et ma planque n'est pas si loin que ça, monsieur, répondit Ezra en se levant avec un sourire malicieux. 

— Essaie juste de ne pas mourir d'ennui sans moi, ajouta-t-il avant de sortir. 

Lorsque la porte claqua derrière Ezra, le calme de la maison sembla soudain plus oppressant. Il savait qu'Ezra s'inquiétait, bien qu'il ne le montrait qu'à travers ses petites piques et son acharnement à toujours être là pour lui. 

Une heure plus tard, Kael sortit de la douche. Une serviette enroulée autour de la taille, une autre frottant distraitement ses cheveux humides, il passa devant son lit où son téléphone vibrait. Le message venait d'Ezra : 

"T'as intérêt à te coucher à l'heure et à être en forme pour demain."

Un sourire étira les lèvres de Kael. Ezra était toujours comme ça, incapable de s'empêcher de jouer au grand frère responsable. Kael déposa son téléphone sur la table de nuit et s'étira avant de se jeter sur son lit. 

— Une petite course, rien de plus. Je l'ai déjà dans ma poche, murmura-t-il à lui-même. 

Mais quelque part, il savait que les paroles d'Ezra, même sous forme de blague, portaient toujours un fond de vérité. Et demain, sur la piste, il comptait bien prouver que sa confiance n'était pas mal placée.