^Flashback^
— À quoi tu penses pour ne pas m'entendre te parler, Kael ? demanda Ezra, en agitant une glace sous son nez.
Kael sursauta légèrement, comme tiré d'un rêve. Il tourna la tête vers son ami, un sourire un peu distrait aux lèvres.
— Ah, désolé, je t'ai pas entendu arriver.Il attrapa la glace qu'Ezra lui tendait. T'as pris nos parfums habituels ?
— Évidemment. Ezra s'assit à côté de lui sur le banc, observant le parc animé. Alors, à quoi tu pensais pour être si plongé dans tes pensées ?
Kael détourna le regard vers l'horizon, un sourire en coin.
— Je regardais ce vieux couple là-bas, dit-il en désignant deux personnes âgées marchant lentement, main dans la main. Et je me demandais… est-ce qu'on sera comme eux quand on sera vieux ?
Ezra éclata de rire, manquant de faire tomber sa glace.
— Mais de quoi tu parles ? se moqua-t-il. Comment veux-tu qu'on soit comme un couple marié ? Déjà, on est deux mecs et, en plus, t'es mon meilleur ami.
Kael leva les yeux au ciel.
— Je le disais pas dans ce sens-là, pauvre con.
— Je sais, répondit Ezra en le taquinant, un sourire malicieux aux lèvres. Je voulais juste te faire réagir.
Kael le fixa un moment, puis baissa les yeux vers sa glace, l'air soudain plus sérieux.
— À ton avis, on sera toujours ensemble, pas vrai ?
Ezra haussa les épaules, prenant une bouchée de sa glace.
— Impossible, répondit-il, la bouche pleine, avant de grimacer en se brûlant la langue avec le froid. Tu seras forcément marié à une belle femme et tu vivras ta vie ailleurs… et peut-être que moi aussi, qui sait ?
Kael fronça les sourcils.
— Arrête de dire n'importe quoi. On s'est déjà promis d'être des meilleurs amis pour la vie.
Ezra le regarda en coin, puis ricana.
— Ouais, ouais. Pourquoi t'es si sérieux, d'un coup ? On dirait que t'as perdu ton sens de l'humour.
Kael ne répondit pas, son regard rivé sur le vieux couple. Ezra, toujours moqueur, lança :
— Alors, à ton avis, qu'est-ce qui pourrait briser notre amitié ?
Kael tourna lentement la tête vers lui.
— C'est quoi cette question ?
— Je sais pas, répondit Ezra en haussant les épaules. Je me dis juste… même les couples qui se marient ou ceux qui sortent ensemble finissent par se séparer. Alors, je me demande...
Kael secoua la tête.
— Rien. Rien ne pourra nous séparer. Et on ne sera pas dans ce genre de relation non plus. Alors notre amitié, ce sera pour la vie.
Ezra sourit, puis, avec un air faussement innocent :
— Ah ouais ? Pourtant, tu m'as déjà embrassé,sur la bouche en plus… Je pensais que t'étais déjà amoureux de moi.
Kael écarquilla les yeux, ses joues s'empourprant instantanément.
— La ferme, tu veux ! lança-t-il, visiblement gêné.
Il se leva brusquement, s'éloignant à grands pas. Ezra éclata de rire, le rattrapant.
— Hé, attends-moi ! Je te taquinais, c'est tout ! dit-il en le rejoignant. T'es trop facile à embêter, sérieux.
^Fin du Flashback^
Ezra sursauta en revenant à la réalité, assis par terre devant son lit. Ce souvenir… Pourquoi revenait-il maintenant ? Il fixa son téléphone, venant de laisser son énième message à Kael sans aucune réponse.
Il passa une main dans ses cheveux, ses boucles en bataille glissant entre ses doigts. Le geste, censé le calmer, ne fit qu'accentuer son agacement.
Elena l'avait appelé le soir suivant pour le rassurer, lui disant que Kael était chez elle. Elle lui avait conseillé de lui laisser du temps pour se calmer. Ezra avait suivi son conseil… mais voilà deux jours de plus qui venaient de s'écouler, et il n'en pouvait plus. C'était rare que Kael reste fâché aussi longtemps.
Au travail, Ezra s'était dit que, puisque Kael devait le croiser, il finirait bien par lui parler. Mais non. Kael était arrivé avant lui, avait évité tout contact direct et était reparti avant même qu'Ezra ne s'en aperçoive.
Quand la troisième phase de la saison avait commencé, Kael n'était pas parti avec eux. Il avait prétexté que son frère et sa sœur y assisteraient et qu'il partirait avec eux. Ezra avait senti l'excuse bidon, mais il n'avait rien dit.
Travis, quant à lui, se sentait coupable.
— Je suis vraiment désolé, mec.
Ezra lui avait répondu avec un sourire fatigué :
— De toute façon, tôt ou tard, il devait le savoir.
Ils n'avaient pas partagé de chambre comme d'habitude. Et lorsqu'ils devaient absolument se parler en public, notamment pour des ajustements sur la voiture, Kael restait froid, bref, comme s'il ne parlait qu'à un simple collègue.
Et le pire ? Sur la piste, Kael n'était plus le même. Contrairement à son début de saison, il commettait plus d'erreurs. Les temps au tour s'allongeaient, les trajectoires étaient moins précises, et l'équipe n'avait pas manqué de le remarquer.
Kyle, en revanche, avait fait parler de lui. Il avait grimpé de deux rangs dans le classement général après des performances solides, se battant dans le peloton de tête avec des dépassements audacieux. Ses qualifications s'amélioraient, et il s'était même offert un podium inattendu lors de la dernière course.
^^
Pendant ce temps, dans la suite d'hôtel de ses parents, Kael était affalé sur le canapé, le regard vide. Elena et Adrian étaient là, mais il ne prêtait qu'une oreille distraite à leur conversation.
— C'est pas un peu lâche de ta part de te cacher ici juste pour éviter Ezra ? lança Elena, les bras croisés.
— Arrête de l'embêter, fit Adrian en soupirant.
— À cause de lui, je suis ici au lieu de faire une tournée avec mes copines ! bougonna-t-elle.
— Et n'est-ce pas lui qui t'a acheté ce tableau d'art que tu voulais tant, hein ? répondit Adrian, le sourcil levé. Une pièce unique, en plus.
Elena grogna, battue.
— Bon, OK, je me tais.
Kael ne réagit pas. Il fixait un point invisible, la mâchoire serrée. Puis, dans un souffle à peine audible :
— J'aurais pas dû…
Ses frères et sœurs s'approchèrent aussitôt. Elena s'assit à côté de lui, posant sa tête sur son épaule, ses doigts glissant dans ses cheveux comme elle le faisait quand il était petit.
Kael resta silencieux un moment, puis laissa enfin tomber les mots.
— Ce soir-là… je sais pas vraiment qui m'a pris. J'aurais dû simplement partir et ne pas lui causer d'ennui.
Sa voix se brisa sur la fin.
Adrian, assis sur l'accoudoir du canapé, échangea un regard inquiet avec Elena, mais aucun d'eux ne l'interrompit.
— Peut-être que si je l'avais fait… il ne me détesterait pas maintenant.
Elena releva la tête, ses yeux brillants de compassion.
— Hé, dis pas ça. Je suis sûre qu'il ne pensait pas tout ce qu'il a dit.
Adrian hocha la tête.
— Tu sais mieux que quiconque qu'il est impossible qu'Ezra te déteste.
Elena sourit doucement.
— Essaie juste de t'excuser. Il n'attend que ça, Kael. Tu vois bien les tonnes de messages et d'appels qu'il te laisse. S'il s'en fichait, il ne perdrait pas son temps.
Kael secoua la tête, les mâchoires contractées.
— Je… je sais pas comment m'excuser. Il serra les poings. Non, j'ai pas envie de m'excuser. Il inspira profondément. Je voulais pas qu'il soit avec quelqu'un d'autre. Je voulais qu'il soit là quand j'avais besoin de lui. Il… il m'appartient.
Ses mots résonnèrent dans le silence de la pièce, lourds de sens. Entre le ton de sa voix et l'intensité de ses phéromones qui saturaient l'air, ni Elena ni Adrian ne savaient ce qui les inquiétait le plus.
Mais une chose était claire : Kael n'était pas seulement en colère. Il était profondément attaché à Ezra. Et cette possessivité, qu'il refusait encore de reconnaître, risquait de tout faire basculer.