Chapitre Spécial I

Deux semaines. Deux semaines passées sous le soleil brûlant de Cancún, bercés par le bruit des vagues et la douceur du sable fin. Deux semaines à s'aimer sans retenue, à se redécouvrir loin de tout, où chaque matin commençait par des baisers échangés sous les draps et chaque nuit se terminait par des murmures rassurants sous la chaleur de leurs corps entremêlés. Loin de tout ce qui aurait pu troubler leur bulle de bonheur. Ils avaient vécu ces jours comme un rêve éveillé, savourant chaque instant. Entre les baignades sous la lune, les promenades au bord de l'eau, les dîners improvisés… Ezra, parfois, se surprenait à sourire sans raison, simplement parce qu'il était heureux. Et Kael, lui… il n'avait jamais été aussi sûr de quelque chose de toute sa vie.

Après ces jours passés dans l'excitation de leurs retrouvailles et de leurs fiançailles, Ezra et Kael décidèrent de rentrer chez eux.

Le retour à la réalité n'avait rien d'amer, au contraire. Cette fois, ils rentraient ensemble, plus unis que jamais. Ils avaient donc quitté Cancún pour revenir aux États-Unis.

Kael avait insisté pour qu'ils emménagent directement dans leur nouvelle maison. Plus grande, plus lumineuse, avec une chambre déjà prévue pour leur enfant et tout ce qu'il fallait. Ezra avait simplement hoché la tête et accepté, parce qu'il en avait envie autant que Kael.

Dès leur arrivée, ils s'étaient installés dans leur nouveau chez-eux. Ezra avait passé de longues minutes à explorer chaque pièce, tandis que Kael, les bras croisés, le regardait avec une satisfaction non dissimulée.

L'éclairage tamisé et chaleureux baignait l'intérieur dans une atmosphère apaisante. Le vaste salon s'étendait devant lui, dominé par un canapé blanc immaculé aux coussins soigneusement disposés. Une table basse en bois clair trônait au centre, ornée d'un bouquet de feuillage vert et de quelques livres empilés avec une précision presque artistique.

Son regard glissa vers l'élégante cuisine ouverte, où des lignes épurées et des matériaux nobles se mêlaient en parfaite harmonie. Le plan de travail beige s'accordait au bois des placards, et les étagères rétroéclairées illuminaient discrètement quelques bouteilles et accessoires soigneusement rangés.

L'escalier en verre et bois menait à la mezzanine, où leur chambre principale surplombait le salon. De l'autre côté du couloir, deux autres pièces attendaient : l'une servait de chambre d'amis, toujours impeccable, comme si elle n'attendait qu'un visiteur de passage. L'autre, quant à elle, dégageait une toute autre énergie.

Tout était déjà prêt.

Les murs étaient peints d'une teinte douce et apaisante, un équilibre subtil entre chaleur et sérénité. Un berceau en bois clair trônait près de la fenêtre, baigné par la lumière naturelle, tandis qu'une commode soigneusement ordonnée abritait les premières affaires de leur bébé. De petites touches de décoration trahissaient l'attention et l'amour mis dans chaque détail : une peluche posée sur une étagère, un mobile suspendu au-dessus du lit, des couvertures soigneusement pliées.

Ezra sentit son cœur se serrer. Cette pièce représentait leur avenir, un avenir qu'il touchait enfin du bout des doigts.

Un soupir lui échappa. Ici, tout respirait le calme et la douceur d'un foyer.

— Tu aimes ? avait demandé Kael.

Ezra s'était contenté de hocher la tête avant de se blottir contre lui.

— J'adore.

Kael voulait rattraper le temps perdu. Il ne voulait plus d'espace entre eux. Alors, même si le mariage n'avait pas encore eu lieu, il voulait qu'Ezra soit ici, avec lui, à chaque instant.

Et bien sûr, il n'avait pas fallu longtemps avant que la nouvelle fasse le tour des réseaux sociaux.

Kael Vesper, l'homme des fêtes, l'éternel séducteur, l'icône des podiums… engagé ? La nouvelle avait explosé comme une bombe sur Instagram.

Pourtant, il avait juste posté une simple photo : sous la lumière du coucher de soleil, il tenait la main d'Ezra et avait marqué en légende "Ma plus belle victoire".

Les commentaires étaient un mélange de félicitations sincères, de surprise totale et… de frustration évidente. Beaucoup refusaient d'y croire. L'idée que Kael Vesper, l'éternel joueur, le coureur de fêtes et de draps, puisse être sur le point de se marier… Certains fans étaient ravis, d'autres totalement désillusionnés, et certains carrément furieux.

— "Mon Dieu, il se case VRAIMENT ?"

— "Kael, non, dis-moi que c'est une blague !"

— "C'est qui ce Ezra ?!"

— "Je leur donne six mois, max."

Mais Kael ne s'en souciait pas. Il avait Ezra, et c'était tout ce qui comptait.

Si le monde extérieur était en ébullition, un autre événement bien plus important eut lieu en privé.

La mère de Kael était venue.

Ezra s'y attendait. Après tout, il savait à quel point la famille était importante, même lorsque les erreurs étaient irréparables.

Kael avait été catégorique au début : il ne voulait plus qu'elle approche Ezra. Il lui en voulait toujours pour ce qu'elle avait fait, pour les blessures qu'elle avait causées. Mais Ezra avait insisté, lui avait demandé de la laisser s'excuser. Et il avait fini par céder.

Elle lui avait donc présenté ses sincères excuses.

— Je t'ai toujours considéré comme mon fils, Ezra. Toujours. J'ai agi par peur, par protection, mais jamais parce que je ne t'aimais pas.

Ezra l'avait écoutée, en silence d'abord, puis avec des mots plus doux qu'elle ne l'aurait mérité. Il avait choisi de pardonner. Il savait ce que signifiait l'amour d'un parent. Il savait ce qu'on était prêt à faire pour protéger son enfant.

Kael, lui, n'était pas aussi indulgent. Il était resté silencieux, le regard dur, et même s'il ne l'avait pas repoussée, il n'avait rien dit.

Le quotidien à deux était une découverte permanente. Mais ce que Kael aimait le plus, c'était voir le ventre d'Ezra s'arrondir jour après jour.

Il ne ratait aucune occasion de rappeler à tout le monde qu'il allait être père. Aucune.

La première échographie l'avait fait pleurer. Voir leur fils pour la première fois, entendre les battements de son cœur… Kael n'avait pas pu retenir ses larmes. Lui, qui avait toujours eu cette image du gars invincible, du pilote audacieux qui ne reculait devant rien, avait fondu en larmes devant l'écran.

— C'est… c'est notre bébé.

Depuis, il ne se lassait jamais de poser une main sur le ventre d'Ezra, de murmurer à leur enfant des mots qu'il n'aurait jamais osé dire à voix haute avant.

Mais être un futur papa n'était pas aussi simple qu'il l'avait imaginé.

Les douleurs d'Ezra revenaient parfois avec une intensité effrayante. Il se sentait impuissant lorsqu'il le voyait se tordre de douleur, incapable d'apaiser sa souffrance. Le médecin lui expliquait encore et encore que les contractions prématurées n'étaient pas dangereuses tant qu'elles restaient irrégulières, que le corps d'un oméga en fin de grossesse réagissait parfois violemment à l'évolution hormonale et à la croissance rapide du bébé. À ce stade de la grossesse, l'utérus d'un oméga s'adaptait pour accueillir l'enfant en pleine croissance, et les contractions de Braxton Hicks étaient fréquentes. Elles étaient un entraînement pour le jour de l'accouchement.

Mais Kael détestait ne rien pouvoir faire et le voir souffrir.

Et avec ces complications, ils avaient dû repousser la date de leur mariage, puisque les douleurs d'Ezra se faisaient plus intenses, plus fréquentes, et plus difficiles à supporter. Entre les visites à l'hôpital et les périodes de repos forcé, il était impensable qu'il traverse cela en même temps que les préparatifs d'un mariage.

La seule chose qui semblait réellement aider, c'était sa présence, ses phéromones. Alors il ne le quittait plus, veillant sur lui avec une intensité presque excessive.

Et il y avait aussi… les envies soudaines.

— Kael, réveille-toi.

La voix d'Ezra l'avait tiré du sommeil en pleine nuit.

— Mmh… grogna-t-il, la tête encore lourde de fatigue. Puis il se redressa précipitamment, pensant qu'Ezra avait encore mal quelque part.

— Ça va ? Où est-ce que tu as mal ? fit-il, inquiet.

— J'ai envie de cheesecake à la mangue et… de nachos au fromage.

Kael ouvrit un œil, incrédule.

— Quoi ? Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait, mais il n'était toujours pas habitué.

— Il est trois heures du matin, Ez… fit-il en jetant un coup d'œil à la petite horloge.

— Et alors ?

— Ça ne peut pas attendre, mon cœur ?

— Non.

Sa réponse était catégorique et il était même prêt à se fâcher.

Kael l'avait regardé longuement, avant de soupirer et de se lever, direction la cuisine. Il n'y avait pas de cheesecake à la mangue sous la main, mais il trouverait bien quelque chose pour satisfaire son oméga capricieux.

Et bien sûr, ça ne s'arrêtait pas là.

Il y avait aussi… la jalousie.

Ezra était devenu extrêmement sensible, et parfois… irrationnellement jaloux.

— Pourquoi cette infirmière te regardait comme ça ? avait-il lancé un jour en sortant d'un rendez-vous médical.

Kael avait haussé un sourcil.

— Elle ne me regardait pas 'comme ça'.

— Si. J'ai vu son regard. Elle voulait te draguer.

Kael avait éclaté de rire avant de le tirer contre lui.

— Tu es adorable quand tu es jaloux.

Ezra l'avait frappé sur le torse avant d'enfouir son visage contre lui, marmonnant qu'il n'était pas jaloux du tout.

Kael savait qu'il mentait. Mais il adorait ça.

Parce que tout, absolument tout, lui rappelait qu'ils allaient être une famille.