chapitre 1

Hiba

Samedi, 20h20

- Alors, tu vas nous dire ce qu'il s'est passé ?

Après avoir retourné mon cerveau dans tous les sens, je ne comprenais toujours pas comment j'avais pu atterrir au poste de police.

Mais ce qui me tracassait encore plus, c'est la question suivante :

Pourquoi est-ce qu'on me fait passer un interrogatoire ?

- Excusez-moi, pouvez-vous juste me rappeler pourquoi je suis ici, s'il vous plaît ?

L'agent qui se situait en face de moi me fixa un moment, puis prit un ton plus grave.

- Dis-moi ma petite, tu ne comprends pas quoi lorsque je te parle ? T'as besoin d'un traducteur ?

Le ton et l'air hautain qu'il prit ont clairement pour but de m'intimider ou me faire peur, mais ça ne me faisait aucun effet.

Par contre, il venait de sous-entendre que je ne parlais pas sa langue parce que je ne lui ressemble pas physiquement, pour ça il allait m'entendre !

- Non. Figurez-vous que je comprends très bien la langue de Molière. Néanmoins, pour votre cas, j'observe qu'elle vous échappe un peu. Je mimais le peu de mes doigts pour accentuer mon cynisme. Tutoyer une personne que vous venez tout juste de rencontrer, n'est pas très poli.

Il souhaitait me couper la parole, mais je haussais un peu plus le ton pour m'imposer.

- Sachez, monsieur, que l'indication de votre grade sur votre uniforme ne vous permet pas de bannir le mot "respect" de votre vocabulaire.

J'ai été vue en train de voler un objet dans un magasin ?

C'est bien ce que vous m'avez annoncé il y a quelques minutes ?

Très bien. Où sont les preuves ?

Vos accusations sont bien belles, mais sur quoi vous appuyez-vous pour avancer ces faits ?

Je sentais qu'il était tendu.

Son collègue se trouvant à sa droite, avait l'air plus calme mais ne fit rien pour apaiser la situation.

Moi ? Voler un objet dans un magasin ? Oh bah oui, ça doit être dans mon ADN d'arabe ça aussi.

Le policier s'était penché pour m'intimider et m'expliquer une nouvelle fois pourquoi j'étais là.

Malheureusement, il était beaucoup trop proche de moi.

Tellement, que je pouvais sentir son haleine, qui dégageait une odeur de sardine et...

- Aaaaaaah p*t*n, elle m'a vomit dessus.

- Dé...désol...

Et c'était parti pour un second round.

Je crois que les lentilles de ce midi n'étaient pas très bien passées.

Par je ne sais quelle amabilité, ils m'avaient laissé aller aux toilettes pour enlever les restes de vomi qui avaient tâché mon haut.

Les mains menottées derrière le dos, j'avais bien du mal à faire quoi que ce soit avec.

La seule chose que je réussi à faire sans celles-ci, était d'ouvrir le robinet avec mon menton et de passer mon visage sous l'eau.

Je ressortais des toilettes la tête trempée, et la quantité de vomi sur mon pull inchangée.

On m'emmenait dans une nouvelle salle, sûrement car l'ancienne était repeinte de mes dégâts gastriques.

Je dois en finir au plus vite avec eux, sinon Mag va encore me faire travailler plus sans me payer.

La nouvelle salle était identique à l'ancienne et les agents, à mon plus grand bonheur, n'avaient pas changé.

Je finis par prendre une grande inspiration, essayant tant bien que mal de garder mon calme.

- Pouvez-vous me montrer ne serait-ce qu'une seule chose qui pourrait m'incriminer, s'il vous plaît ?

Car comme vous, j'ai un travail, et je dois m'y rendre dans moins d'une heure.

L'agent qui se trouvait à la droite de monsieur sardine laissa échapper un soupir.

- Une montre. De marque. Une édition limitée. Vous l'avez prise sans payer, et vous avez quitté le magasin.

Je fronçais les sourcils, décidément il y avait vraiment un problème de compréhension, et il n'était pas de mon côté.

- J'entends bien le fait que j'aurai potentiellement volé un produit, mais je vous demande là de me montrer une photo ou encore une vidéo, peu importe. Quelque chose qui montre que j'ai volé cet objet.

- La voici !

Il afficha un sourire vainqueur suite à sa réponse, et avança un écran devant moi tout en lançant une vidéo.

- Les caméras vous montrent en train de sortir du magasin avec l'objet en main. Nous vous avons identifié, mademoiselle. Vous avez été vue en train de la prendre et de partir av...

Je secoue la tête, un peu désorientée.

Je demandais un replay, pour voir une fois de plus la scène qui se déroulait sous mes yeux et confirmer ce que je pensais.

- Attendez, vous blaguez, c'est ça ?

La personne portait exactement la même tenue que moi. Mais, en dehors de ça, rien ne pouvait indiquer que j'étais cette personne sur la vidéo.

Je reprenais mes esprits lorsque j'apercevais les chiffres en haut à gauche de l'écran.

- Eh bien, messieurs, sachez que, encore une fois, vos caméras confirment qu'il était bien 11 heures au moment des faits.

Et vous savez où j'étais à cette heure-ci ? À l'université ! Et je peux vous le p..

L'agent sardine se levait, et lançait un regard à son collègue avant de me couper.

- La vidéo est claire. Tu as pris la montre, et tu es sortie comme si de rien n'était.

- Mais puisque je vous dit que j'étais à l'université me.. Mince !

Il pointa son doigt devant lui, le balançant de gauche à droite exprimant son indifférence face à ce que je disais.

- Les caméras de surveillance sont formelles. Tu es entrée dans le magasin, tu as pris la montre, et tu es ressortie.

Cinq minutes sont passées, et l'agent avec qui j'échangeais faisait toujours le sourd d'oreille.

L'agent de droite fit une pause, puis semblait réaliser quelque chose. Il était désormais pensif.

Il fit signe à son collègue, qui s'éloignait jusqu'à sortir de la pièce.

En attendant, j'inspire profondément, en espérant que tout cela va enfin s'éclaircir.

Tant qu'à faire je vais faire une sieste.

Quelques minutes plus tard, une policière me réveilla avec un sourire un peu gêné en m'annonçant la fin de ce périple et qu'ils avaient retrouvé la vraie voleuse.

J'aurai tellement aimé revoir Sardine pour voir sa grosse tête et lui faire fermer son clapet.

Avec toutes les galères que j'ai pu avoir, et le boulet que j'étais, j'ai réussi à visiter plus de fois le commissariat de ma ville que le fleuriste du coin.

Ce qui venait de se passer illustre bien une journée typique de mon quotidien.

- En espérant qu'aujourd'hui soit la bonne Hiba !

C'était Philibert a.k.a Phil, l'homme aux multiples métiers, aujourd'hui il tenait l'accueil du commissariat.

Je pense que c'est la personne que je vois le plus après mon reflet dans le miroir.

- On croise les doigts !

- Si tu reviens avant la fin de la semaine prochaine, tu me dois 10 euros!

Je levais ma main pour lui faire signe qu'il pouvait toujours attendre et quittait ce cauchemar.

21 heures 30

À peine avoir mis un pied dans le café, je me faisais réprimander.

- Toujours en retard ? C'est quoi ton excuse aujourd'hui ?

Elle m'avait attendu devant l'entrée, debout. Ses mains étaient de part et d'autre de sa taille et elle avait les traits du visage tendus.

- Tu ne vas pas me croire si je te le dis, mais je me suis fait arrêter par les flics.

- Mais oui bien sûr, et moi, j'ai pris un thé avec Elizabeth II cet aprem. Prends-moi ce bâton, et va récurer les chiottes, à 22 heures t'es au bar !

Je vous présente Magalie, ma manager.

Si je devais la comparer à quelqu'un, ça serait sans doute la belle-mère de Cendrillon.

Et du coup Cendrillon, bah, je pense que je n'ai même pas besoin de vous le dire.

- « Prends-moi ce bâton et va récurer les chiottes »,gngngn, sorcière, pouffiasse, y'avait pas écrit ça sur l'offre à laquelle j'ai postulé.

Et me revoilà dans l'endroit le plus dégueulasse sur cette terre, j'ai nommé : les toilettes des hommes.

- Bah, alors Hiba, on arrive encore en retard ?

Je n'ai pas eu besoin de me retourner pour savoir qui était la personne qui s'adressait à moi appuyer sur la porte d'entrée des toilettes.

- La ferme Gil.

- Profite bien de ta soirée aux toilettes, tu auras peut-être la chance d'entendre mon concert d'où tu es.

- Pas besoin, je compte garder l'ouïe si ça ne te dérange pas.

Ce spécimen qui me faisait chier, c'était Gil ou Gilma pour les intimes. Si on reste sur le film Cendrillon, Gil correspondrait à Javotte.

- N'oublie pas que ma mère peut te mettre à la porte quand elle le souhaite, à ta place, je ferai beaucoup plus attention à mes propos.

Elle finit sur ces propos et s'en alla. Gil aussi travaillait au café avec moi, mais ce qui différait, c'est qu'elle avait l'avantage maman.

Elle est tout simplement la fille de Magalie qui est la gérante du magasin, mais aussi pour rappel, ma patronne.

Quand j'avais le droit à des corvées de nettoyage, Gil, elle, allait plutôt exécuter les tâches les moins chiantes ou encore comme elle le dit « des concerts ».

Il y avait une petite scène dans le café où elle se produisait de temps à autre. Des fois, il arrivait même que des amateurs chantent aussi.

Je dois admettre que sa voix n'était pas horrible, mais c'est encore loin d'être parfait et maîtrisé.

Mais sa beauté efface ses défauts.

C'est ce que les gens appellent le beauty privilège, enfin, je crois.

Oh super, de la merde, manquait plus que ça.

Je pense que je vais vomir une seconde fois et peut-être pas la dernière de cette journée.

Sortez-moi de ce nouveau cauchemar !

23 heures

Ça faisait bien une heure que je servais des cocktails et faisais avec toutes sortes de techniques de dragues d'êtres masculins qui venaient se bourrer la gueule au bar.

Passé 23 heures, Magalie quittait le café et me donnait le relais.

Il me restait encore 2 heures de service avant de partir.

Le vendredi, samedi et dimanche soir, je faisais des horaires de nuit et la semaine, je finissais plus tôt avec Gil parce qu'on a cours, c'est donc Mag et son mari qui géraient le reste.

2 heures interminables...

Si vous vous dites que j'aurais pu trouver mieux ailleurs et démissionner, eh bien, vous avez sûrement raison.

Seulement, je ne peux pas. J'ai déjà essayé et je n'ai pas trouvé de job qui me permettait de choisir plus ou moins mes horaires et de travailler le soir.

Deux jeunes hommes venaient de s'installer au bar, et j'ai à peine eu le temps de me retourner dans leur direction que Gil apparut dans mon champ de vision.

- Dis, il y a la table au fond à côté de la porte de sortie à débarrasser, tu peux y aller s'il te plaît ? Je m'occupe des commandes.

Sans même lui répondre, je me dirigeais vers la table indiquée.

Un pourboire y était laissé. En temps normal, les pourboires vont à Mag et ne sont pas pour nous, même si Gil pioche quand elle le souhaite. Il m'arrivait parfois de les garder pour moi quand j'étais toute seule.

Je jetais un coup d'œil derrière, Gil glousse avec les deux hommes de tout à l'heure.

C'est que vingt euros, ça ne leur fera pas de mal, pas vrai ?

Finalement monsieur sardine avait, dans un sens raison : je suis une voleuse.

En ramassant le dernier verre, je sentais un regard sur moi.

Je préférais ne pas me retourner, car ce travail m'avait bien appris une chose : ne jamais se retourner peu importe la situation. Je retournais derrière le plan de travail, ce que je faisais sans broncher.

Le reste de la soirée fut plutôt calme et je finis ma soirée épuisée pour ne pas changer.

1 heures 45

Arrivée devant mon palier, je remarquais que la lumière était allumée dans l'appartement d'en face. Après 2 mois sans voisins, quelqu'un venait d'emménager.

Deux options s'offrent à moi :

1) Je vais me présenter à eux demain matin en leur offrant quelque chose pour leur souhaiter la bienvenue.

2) Je garde mon argent et fais mon asociale comme à mon habitude.

L'option 2 était de loin la meilleure.

De toute façon, avec mon train de vie, ce n'est pas comme si on allait souvent se croiser.

Sur cette pensée, je m'endormais sur le canapé, n'ayant aucune force pour faire autre chose.

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Mon tout premier chapitre :)

N'hésitez pas à me donner des conseils en com ou à me dire ce que vous en avez pensé.

À bientôt !