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chapitre 2

Ejaz

Dimanche, 6 heures

Cela faisait bien 2 heures que je fixais le plafond. Le silence macabre dans lequel se trouvait ma chambre se mélangeait avec les centaines de pensées qui défilaient dans ma tête.

Ce début de matinée annonçait la fin de ma nuit d'insomnie, mais aussi le début d'une nouvelle journée sans énergie.

À 2 heures du matin, j'ai entendu du bruit dans l'appartement en face, sûrement mes voisins. Depuis mon arrivée, je ne les ai toujours pas croisés.

Bizarre ? Peut-être qu'au final c'était un appart hanté ? Il faudrait que j'aille me renseigner auprès du gardien de l'immeuble plus tard.

"Salut toi, bien dormi ?"

Pour réponse habituelle, mon chat miaula et s'étira les pattes.

J'allumais la télé sans trop d'espoir d'y trouver une émission intéressante à cette heure-ci. En défilant les chaînes, je finis par m'arrêter sur une chaîne d'information pilotée par les grands riches de la société où toute l'information qui s'y trouvait était tout le contraire de ce qu'elle présumait être. Je finis par souffler et mettre un documentaire Arte qui m'évitera d'écouter plus de conneries.

Le reste de la matinée se passa dans le même silence que celui dans lequel je me suis réveillé.

Il était à présent quatorze heures, et me voilà dans un café totalement bruyant pour réviser les partiels qui arrivaient plus vite qu'un snap.

L'environnement bruyant était l'environnement qui m'était le plus familier. Avoir grandi dans une famille nombreuse, c'était n'avoir connu le silence qu'à partir de mes 18 ans lorsque j'ai pris ma première chambre étudiante pour mes études. Mon corps et mon cerveau sont donc conditionnés à travailler dans le bruit.

Faire ses devoirs dans le salon devant la télé allumée, mon père au téléphone à parler avec le voisin du quartier et le bruit de la cocotte-minute qui résonnait dans toute la maison parce qu'elle ne fermait pas la porte de la cuisine lorsqu'elle cuisinait, voilà le quotidien que j'ai mené durant 17 ans.

Je me retrouvais aujourd'hui à faire ce qu'un étudiant lambda ferait normalement dans une bibliothèque.

Les feuilles de cours de physique appliquée défilaient sous mes yeux et les différents chapitres sur l'électromagnétisme me faisaient chauffer les neurones.

Une nouvelle gorgée de café coulait le long de mon œsophage. La caféine n'avait à présent quasiment plus aucun effet sur mon corps.

*Ding*

Nouveau message de Myri 👧🏽

« Maman veut te voir le week-end prochain au mariage de Rayan, et ne prend pas tes études comme excuse pour ne pas venir. Sinon tu sais ce qu'il t'attend.»

Super...

Moi qui voulais absolument esquiver ce genre d'évènement en ce moment. Où est-ce que je vais tirer mon énergie cette fois-ci ? Je suis clairement HS pour le moment.

Les événements festifs comme les fêtes d'anniversaire, mariage, nouveau-né et j'en passe étaient pour moi très difficile à vivre.

C'était pourtant le moment de se retrouver en famille revoir les cousins/cousines, les tantes et oncles. Pourtant, je ne me sentais pas à ma place autour d'eux lorsqu'ils étaient tous présents.

Le problème n'était pas ma famille en elle-même.

On dit souvent qu'on ne choisit pas sa famille, mais de mon côté pour rien au monde je n'échangerais mes parents ou encore mes frères et sœurs.

J'ai peut-être grandi dans un environnement bruyant mais je n'ai jamais manqué de rien que ce soit sur le plan émotionnel, physique ou encore matériel.

J'ai sûrement eu des phases de ma vie où je n'étais pas forcément en accord avec eux.

Mes paroles allaient sûrement sembler clichés, mais avec le recul et mon vécu, je comprenais leurs actes et décisions.

Mais alors, pourquoi aujourd'hui je me sentais si mal ?

Pourquoi je ne cessais de stresser pour un rien ?

Pourquoi j'avais la boule au ventre à chaque fois que quelqu'un que je ne connaissais pas s'adressait à moi, et pourquoi je l'avais aussi quand je devais m'adresser aux inconnus ?

Pourquoi je me passais en tête les pires scénarios qui pouvaient m'arriver lorsque j'essayais de sortir, ne serait-ce qu'un peu, de ma zone de confort ?

Pourquoi j'avais constamment l'impression qu'on me jugeait ? Qu'on se moquait de moi ?

Pourquoi je me détestais autant ?

Je ne sais pas quand tout cela à commencer ni comment. Je ne saurais même pas comment le nommer, mais j'en déduis bien que ça me pourrit le quotidien.

Par moment, je me demandais pourquoi je persistais autant ?

Pourquoi continuer ?

Je n'avais toujours pas trouvé toutes les réponses à ces questions, et quand j'y pense, ça me faisait plus de mal qu'autre chose.

Mais j'estime qu'une minime partie de moi tout au fond, garde espoir de guérir et redevenir celui que j'étais.

À Myri 👧🏽:

« Je viendrai à condition que tu me prépares ton fameux brownie stp, et dis à maman au passage que je rentrerai sûrement plus tôt pour réviser les partiels. Qu'elle s'y prépare déjà mentalement mdr »

Dans 6 jours, j'allais devoir subir un mariage et des rencontres forcées. Ma mère voudra montrer à tout le monde son fils futur ingénieur, mais surtout chercher ma future potentielle épouse, bien que ce ne soit pas pour tout de suite.

De Amare :

« Sdq my G' ? »

Amare était de loin mon plus vieux pote. Je crois que nous n'étions même pas en capacité de parler la première fois qu'on s'est rencontrés. Le souvenir le plus ancien que j'avais de lui était lorsqu'il m'avait tiré les cheveux à 4 ans parce que je lui avais dit qu'il ressemblait à Tchoupie. De là, est née une amitié qui s'éternise encore aujourd'hui.

À Amare :

« Je décale du café où je révise là, je rentre chez oim »

Il était aux alentours de 17 heures lorsque je lui ai répondu. Avec le temps hivernal, la nuit prend sa place beaucoup plus tôt que d'habitude.

Et il y a bien une chose que je ne supportais pas depuis que j'avais commencé à broyer du noir, c'était de rester dehors lorsque le soleil n'émettait plus aucun rayon.

C'est là où le monde possédait une seconde vie, dans laquelle je n'arrivais pas à me retrouver.

Et puis, je devais nourrir mon fils.

De Amare :

"Vas-y j'suis là dans 1 heure avec Gab, je viens d'acheter FC25"

Ça, d'après Amare, ça voulait dire : "On vient avec Gabriel pour jouer à Fifa que tu le veuilles ou non".

Disons qu'Amare est plutôt du genre à agir et après réfléchir.

Il me connaît tellement que je n'ai même pas besoin de parler avec lui. Il savait très bien que ça faisait quelques années que ça n'allait pas, et même si on en a parlé qu'une seule fois, il ne m'a jamais lâché. D'autres n'ont pas eu la même patience que lui et ont coupé court avec moi, me reprochant notamment le fait de ne jamais venir aux sorties.

J'avais beau essayer d'expliquer que je n'allais pas bien, mais je n'avais pas les retours que j'espérais. Personne ne me comprenait.

Ou plutôt, personne n'essaye de me comprendre.

Et pourtant, tout ce que j'attendais, c'était un "Ça va Ejaz ?"

Cette petite question aurait pu changer tellement de choses. Mais personne ne s'était demandé s'il n'y avait pas un problème chez moi, pour eux, c'était simplement moi le problème.

Malgré tous les signaux, aucun n'est arrivé à destination.

Aujourd'hui, avec le temps, j'essaie de voir le bon côté des choses. Me dire que ces personnes, avec qui j'étais proche, n'étaient finalement pas si proches que ça. À vrai dire, la période où j'ai eu le plus de mal avec ça, était le lycée, mais avec la maturité que j'ai pu acquérir cela ne m'impacte plus. J'en croisais encore quelques-uns de temps à autre, mais je ne ressentais plus rien à leur égard. Les années ont fait leur travail petit à petit.

Et comme mon père nous l'a répété un nombre incalculable de fois, les vrais amis se comptent sur les doigts d'une main.

J'eus à peine le temps de mettre un pied dans l'appart que la boule de poils noire venait se mettre entre mes jambes, prenant toute mon attention.

"Dis, je t'ai manqué ? Oh oui, ton papa t'a manqué, hein !"

Je ne pouvais vraiment pas vivre sans lui. Il faisait partie des choses qui me retenait dans ce monde.

J'ai fini ma soirée à jouer à FIFA, comme l'avait dit Amare.

Gabriel avait perdu, je m'en sortais bien et Amare nous prenait la tête pour commencer un nouveau jeu.

J'espère que demain sera un jour meilleur.