Hiba
Lundi, 3 heures
*toc, toc, toc*
Je me retournais pour voir l'heure affichée sur l'horloge suspendu dans la cuisine, elle affichait 3 heures.
Non c'est impossible.
Mon rythme cardiaque commençait à s'accélérer, mon corps se figeait, je n'arrivais plus à respirer.
*toc, toc, toc*
Hiba tu t'es sûrement endormi, c'est un cauchemar réveille toi !
RÉVEILLE TOI !
Malheureusement les sueurs froides qui coulaient le long de mon dos, me confirmaient que j'étais bel et bien réveillée.
C'était plus fort que moi, je ne voulais pas y croire.
Mes jambes me lâchèrent et je finis par tomber sur le sol de la cuisine.
Il m'a retrouvé ?
Ma respiration était très saccadée, je n'arrivais plus à discerner les toquements de ma porte au bruit des aiguilles de l'horloge.
*ding*
L'écran de mon téléphone venait de s'allumer pour afficher un nouveau message.
De +33 XXXXXXXX
Salut, tu dors ? C'est un peu urgent...
Je lis le message mais la panique et le stress sur la situation actuelle prenaient le dessus. J'arrivais à peine à déverrouiller mon téléphone avec mes mains tremblantes.
Je ne prêtais même pas attention au +33, et encore moins pour deviner le destinataire.
*Ding*
De +33 XXXXXXXX
Sympa le vent, j'ai besoin que tu m'aides s'il te plaît. C'est Ejaz au passage, tqt c'est pas un scam ou une arnaque.
Toujours rien de mon côté. J'essayais de reprendre mes esprits.
Et si ce n'était pas lui derrière cette porte ?
*Ding*
De +33 XXXXXXXX
Mais ... que vois-je ? Une tornade en approche ???
Tu m'en dois une alors s'il te plaît arrête d'ignorer mes messages là parce que je vais finir par m'envoler à ce stade.
Non plus sérieusement c'est vraiment urgent et je te promets de plus te déranger après ça.
Mon rythme cardiaque reprenait petit à petit une cadence régulière.
Sûrement car je savais que Ejaz était lui aussi là, derrière cette porte et que je n'étais pas seule.
Mais qui te dit qu'il t'aidera ?
À +33 XXXXXXXX
Comment t'as eu mon numéro ?
De +33 XXXXXXXX
Bah c'est pas trop tôt !
Je te le dis, si tu m'aides.
Je marquais un temps avant de lui répondre pour m'assurer que ce n'était pas une blague.
À +33 XXXXXXXX
Ok, laisse moi 5 minutes.
Tu peux me confirmer qu'il n'y à personne devant chez moi ?
5 minutes était le temps qu'il me fallait pour reprendre mes esprits.
Je prenais beaucoup trop de précautions pour qu'il puisse me retrouver aussi facilement.
Impossible.
De +33 XXXXXXXX
Non j'suis puni, assis solo sur les escaliers...
Puni ? Mais qu'est-ce qu'il racontait encore celui-là ?
Je pris un verre d'eau avant de me diriger vers la porte et regarder dans le judas. Ejaz était effectivement seul assis sur les escaliers.
- Qu'est-ce que tu me veux ? Et comment t'as eu mon numéro ?
Il faisait très frais dans le couloir, plus que dans mon appart sans chauffage. Je le stoppais avec un signe de main avant d'entendre sa réponse.
-Non, en fait, attend deux minutes.
Je rentre et enfile un jogging pour couvrir mes jambes qui étaient à moitié découvertes. Quand je revins, je m'aperçus qu'il n'avait pas bougé d'un millimètre.
-T'as 3 minutes, je comptais dormir.
C'est faux, mais c'est à cause de lui que j'étais dans un état second un peu plus tôt.
Il m'avait fait peur, je l'avais pris pour quelqu'un d'autre.
- Franchement sym...
J'avais l'impression qu'il allait me répondre, mais il s'arrêta en plein milieu de sa phrase et me regarda quelques secondes pour me demander si j'avais une radio.
Une radio ? Qu'est-ce qu'il allait faire avec une radio ? À l'air du streaming et des nouvelles technologies plus personne ne possédait ça chez soi.
- Euh non, mais tu devrais essayer de demander à mamitraillette, c'est l'appartement juste en dessous du tien. Avec son âge elle a sûrement ce genre d'antiquités chez elle.
Son visage affichait un air confus
- Mais non pas une radio l'objet, une radiographie. J'ai accidentellement oublié mes clés sur la porte d'entrée de mon appartement et maintenant c'est bloqué... Et j'ai clairement pas 1000€ à mettre dans un serrurier parisien. Et puis pourquoi mamitraillette ?
Ah. Encore une fois, j'ai l'impression de passer pour la débile de service avec lui.
La honte.
Il m'énerve.
-Tu le verras un jour ou l'autre par toi-même mais quand elle est énervée elle pointe vers toi sa canne et la secoue en criant. Son surnom m'est venu naturellement à force de la voir me crier dessus sans cesse.
- Ah okay, et sinon pour la radio ..?
-Je vais te chercher ça, j'arrive.
Je lui devais bien ça, récupérer un colis ne suffisait pas pour compenser son aide de l'autre jour.
Je reviens quelque minutes plus tard avec ce qu'il m'a demandé en mains et lui tend.
-Tiens, tu peux utiliser celle-là elle est trop vieille et j'allais la jeter.
- Merci beaucoup
Il sourit puis se dirigea avec une cage dans son autre main devant sa porte.
Le chat qui s'y trouvait se réveilla et commença à miauler.
- Chut, c'est pas le moment de se faire remarquer là, en plus ça résonne.
Malgré ses plusieurs avertissements, les miaulements continuèrent.
Il lui ouvrait sa cage pour le laisser sortir.
-Allez, sors et par pitié arrête de miauler. On est bientôt arrivé.
Son chat était tout noir et tellement beau. Ses yeux verts ressortaient très bien dans cette pénombre.
La seule lumière qui nous éclairait en dehors de celle de mon appartement était celle de la lune par la fenêtre du couloir.
Il s'étirait et commençait à s'approcher de moi doucement jusqu'à me coller les jambes.
Je m'abaissais à sa taille pour le caresser.
- Dis, il s'appelle comment ton chat ?
Trop concentré sur sa porte, il ne se retournait même pas pour me répondre.
-Jiji, c'est un mâle.
Jiji ?
C'est vrai qu'il lui ressemblait, est-ce que c'était une coïncidence ?
Il se glissait derrière moi pour accéder à l'entrée de chez moi.
- Il vient d'entrer chez moi, ça te dérange pas j'espère ?
- Euh...non, c'est plus à moi de te demander ça ?
-Non moi ça ne me dérange pas du tout, tu t'en sors ?
-Bah pas vraiment...
Je m'avançais vers Ejaz pour voir où ça en était.
Il regardait un tuto sur YouTube.
-Tu veux que je tienne la porte pendant que tu fais passer la radio ?
-WAH, tu m'as fait peur, je...
Coupé en plein élan, ma main atterrit la seconde qui suis sur sa bouche pour lui dire de se taire.
-Chuuuuut ! Si tu réveilles la vieille on est foutu !
Son regard jonglait entre mes yeux et ma main.
-Ok, pais du pweu enlover da main.
(Ok, mais tu peux enlever ta main)
Je m'écartais en réalisant qu'elle était toujours posée sur ses lèvres et m'excusais.
-Allez pousse-toi et laisse moi faire !
Il s'écarta et me laissa sa place. Concentrée sur la poignée de sa porte je ne remarquais pas la poussière sur le palier et me mis à éternuer
-Tu fais trop de bruit, laisse moi ma place.
-Hein ? Quel bruit ?
-Tes éternuements, à ce stade c'est toi qui va réveiller la centenaire.
- De toute façon même si elle se réveille c'est toi qui prendra tout dans la gueule, c'est ta porte qui est cassé pas la mienne.
Jiji revint vers moi et je décidai de le prendre dans mes bras en laissant ma place à Ejaz.
Si seulement je n'avais pas cette routine qui ne me laissait aucun répit, j'aurais aussi adopté une beauté pareille.
-Tu peux retourner chez toi si tu veux. Merci encore pour la radio au passage.
Chez moi ?
C'est vrai pourquoi je suis encore avec lui ?
Mais bizarrement je n'ai pas vraiment envie de partir.
Même si je ne portais pas forcément Ejaz dans mon cœur, je dois avouer qu'il n'était vraiment pas quelqu'un de détestable, c'est même le contraire à vrai dire. Je commençais à me faire de sa présence petit à petit.
Et puis la chaleur de Jiji sur mon corps me rassurait et m'apaisait.
Je me levais pour aller prendre le cadeau que je lui avais pris plutôt pour le remercier.
- Tiens, c'est pour toi.
- Un bouquet ? Si t'essayes de me draguer t'es en retard la saint Valentin c'était la semaine dernière.
- Je préfère encore qu'on m'enterre vivante. C'est juste un petit cadeau pour te remercier pour vendredi soir.
Je finis par m'asseoir contre le mur à côté de lui, toujours avec la boule de poils dans les bras. Il posa le bouquet de tulipes blanches sur le côté pour reprendre avec sa porte.
- En réalité je ne savais pas trop quoi t'offrir. Je voulais surtout m'excuser et repartir sur de bonnes bases avec toi, attention je dis pas qu'on sera les meilleurs amis du monde mais si tu veux bien qu'on recommence à zéro ?
Il laissa échapper un sourire sur le coin de ses lèvres.
- D'acc et j'accepte tes excuses. C'est drôle, c'est la première fois qu'on m'offre des fleurs, et encore plus drôle venant de la part d'une fille.
- Bah pourquoi pas ? Les fleurs ne sont pas réservées qu'aux filles. Tu trouves ça trop féminins peut-être ?
- Non du tout, en plus le choix des tulipes blanches me plaît, merci.
- Tu connais leur signification ?
- Autant que toi j'imagine.
Sa mâchoire de profil était super bien tracée, il avait un nez avec une petite bosse au début de celui-ci. Ses cheveux étaient plutôt bouclés et d'un blond foncé qui tournait au châtain et laissait penser que c'était sa couleur naturelle. Il avait une cicatrice au-dessus de son arcade sourcilière.
Et ses...
-Euh...est-ce que madame pourrait arrêter de me fixer, ça me gêne énormément...
-Madame ?
-Toi. Ça va faire une semaine qu'on se connaît maintenant mais je ne connais toujours pas ton prénom.
Je suis sûre que si on me tendait un miroir là, maintenant, tout de suite je serais toute rouge. Je ne savais pas ce qui me gênait le plus entre le fait qu'il m'avait surprise en train de le regarder, qu'il m'appelait madame ou qu'il ne connaissait toujours pas mon prénom alors que moi si.
-Euh... désolée c'est pas madame mais mademoiselle.
-T'es au courant qu'on utilise plus le terme mademoiselle depuis 2012 suite à la suppression de ce mot dans les formulaires administratifs ?
Il leva son sourcil, et me fixa à son tour pour entendre ma réponse. Il avait toujours un truc pour me contredire, c'est pas possible.
-Oui, je le sais déjà, merci pour le rappel.
Je laissais tomber, j'avais pas la force de lui répondre là, il était trois heures.
*Click*
-YES !
-Ne soit pas choquée si tu la vois débarquer dans quelques minutes vu ton cri.
-Mais non t'abuses.
-Si tu le dit.
J'appuyais ma réponse en haussant les épaules. Et devinez qui était sortie de chez elle pas même 2 minutes après le cri d'Ejaz, elle apparut à l'aide de sa canne.
« Vous avez de la chance que l'ascenseur soit cassé et que je ne puisse pas monter, sachez que demain je vais me plaindre au gardien et croyez moi ça va mal finir pour vous sales arabes »
Après sa tirade, elle referma sa porte d'entrée et s'en alla.
Je me retournais vers Ejaz complètement choqué, sûrement par les derniers propos qu'elle avait tenus.
-Ah oui, j'ai oublié de te préciser un p'tit truc. Mamitraillette est raciste.
Je ne connaissais pas les origines d'Ejaz mais j'arrive à en déduire par son physique mais aussi son nom qu'il y avait de fortes chances qu'on soit aussi voisins de pays d'origine.
C'était à son tour de se retourner vers moi et me faire face.
- Crois-moi le mieux c'est de l'ignorer. Elle est bientôt sur son lit de mort. Ça fera une raciste en moins. Au début, j'enregistrais tous ses propos raciste au cas où j'aurais besoin de preuves.
En plus le gardien ne fera rien, il sait très bien comment elle est et puis il est kabyle mais vu que physiquement il ne ressemble pas à un algérien elle pense qu'il est dans son camp.
J'aimerais tellement voir sa réaction lorsqu'elle apprendra que notre gardien n'est pas celui qu'elle pense être.
-Mouais, m'en fou un peu je comptais pas sympathisé avec les gens de l'immeuble.
Je me relevais, toujours avec Jiji dans les bras.
-Bien que j'aimerais le garder avec moi, je ne pense pas que cela soit possible. Tiens il s'est endormi.
-Merci, et j'imagine que je ne te la rend pas ?
Il me montrait la radio toute défigurée.
-Non et puis je te devais bien ça par rapport à l'autre soir. Maintenant qu'on est quitte, je te dis à jamais !
Je me retournais en direction de mon appart pour reprendre la nuit de sommeil que je m'apprêtais à faire avant d'être interrompu.
-Moi qui pensait qu'on était repartis sur de bonnes bases. À jamais c'est un peu rude, sachant qu'on risque de se croiser souvent.
J'étais sur le point de fermer ma porte mais je finis par lui répondre.
-Tu parles trop, bonne nuit Jiji !
-Bonne nuit m'dame !
Attends comment il a eu mon numéro déjà ?
J'étais tellement fatiguée que je m'endormis dans les minutes qui ont suivi ce périple.