Ejaz
Dimanche, 10 heures
La maison de mes parents était dans un état, on aurait dit une cacophonie.
Mes neveux étaient en train de pleurer, car Qasim ne voulait pas changer la chaîne de la télévision et Myriam criait sur Qasim par rapport à ça.
Naïla aidait ma mère avec les préparatifs du mariage.
Ma mère aidait la mère de Rayan avec l'organisation du mariage. On avait donc pas mal de gâteaux et cadeaux à la maison à offrir aux invités tout à l'heure.
J'avais appris par la même occasion que je serai celui qui les distribuerai durant la fête.
- Ejaz, s'il te plaît, dis à Qasim de mettre Gulli pour les p'tits. Il ne m'écoute pas moi !
Je m'exécutais et Qasim fini par retourner dans sa chambre.
La journée risquait d'être très longue.
14 heures
La cérémonie de la mairie venait de commencer.
Regarder mon cousin avec qui j'avais grandi et jouer tous les soirs au foot dans le quartier, qui était derrière moi à chaque match de boxe que je faisais, se marier aujourd'hui était une sensation bizarre.
Je savais qu'avant et après son mariage il y aurait un gap.
Ses dernières années, on se voyait de moins en moins mais à chaque fois qu'on se voyait rien ne changeait.
J'étais évidemment heureux pour lui, mais une part de moi était mélancolique. Penser à tout ce qu'on a vécu depuis petit m'a fait un petit pansement au cœur.
Avec Nour, j'avais eu la même sensation mais beaucoup plus forte. Après le mariage de ma soeur, il y'a eu comme un vide pendant quelques semaines. Je savais que ce vide je ne l'aurai pas avec Rayan puisqu'on ne vivait pas ensemble.
Je comparais souvent ce ressenti au blues.
Après ce genre d'événement, les gens commençaient un nouveau chapitre de leurs vies, qui allaient indirectement modifier le notre. De nouvelles personnes entraient dans nos vies par leur biais, des enfants, des partenaires de vie. Suite à cela, de nouvelles interactions et une nouvelle adaptation à la personne en face. Que nous l'apprécions ou pas nous devions faire des efforts pour intégrer cette nouvelle personne dans notre famille.
Le mariage me rappelle aussi où j'en étais dans ma vie.
La remarque qu'Ali m'a faite sur le fait d'avoir une copine m'étais resté en tête.
À vrai dire, lorsque j'avais atteint l'âge de m'intéresser à ça, j'avais commencé à être mal mentalement.
Alors je n'y avais jamais prêté attention.
Je n'ai jamais eu de copine pour l'instant et ça ne m'intéressais pas plus que ça.
J'avais compris avec l'expérience de mes potes et mes pensées de dépressifs, que ça ne servait strictement à rien de s'attacher à une personne avec qui il n'y avait aucune projection d'avenir ensemble. C'était qu'une perte de temps et de sentiments.
Dans ma culture, le mariage était super important et passait même avant d'avoir une copine. Si tu aimais une femme, tu la mariais. Il n'y avait pas trop de d'entre deux.
Personnellement, c'était une idéologie que j'avais intégré dans mes valeurs.
Si demain je devais avoir une copine, je la demanderai en mariage.
Je me demande ce que ça fait de trouver sa moitié ?
J'avais peut-être eu zéro copine du haut de mes 21 ans et je ne savais peut-être pas ce qu'était l'amour, mais j'avais l'impression que dès qu'il était trouvé, la vie était plus simple à vivre.
Quand je parlais d'amour, je parlais d'amour pure, l'amour qui ne faisait pas mal, l'amour qui n'était pas toxique, l'amour sain.
L'amour aujourd'hui avait pris tellement de tournures. Certaines personnes, s'attachaient à ce qu'elles croyaient être de l'amour mais sa vrai définition n'était pas synonyme de malheur.
C'était même tout le contraire.
Honnêtement, je ne sais pas si mes parents ont été pour moi un exemple d'amour. Je n'y avais jamais réellement porté attention, en plus de cela ils étaient très pudique avec les sentiments. Tout ce que je savais, c'est qu'avant d'être mari et femme ils étaient meilleurs amis.
Et ça je comptais bien le garder dans ma future relation.
« Oui, je le veux. »
Ces 4 mots ont scellé un chapitre de sa vie pour en ouvrir un nouveau.
Il était marié.
18 heures 32
J'étais dans le salon en train de re-regarder FMAB avec Qasim. On passait le temps jusqu'à la cérémonie de ce soir. Les filles se préparaient dans leurs chambres et papa était sorti mettre de l'essence dans la voiture.
- Tonton Ejaz on peut faire des coloriages ensemble s'il te plaît ?
- Des coloriages ? Tu sais ce qui est mieux que des coloriages ?
Tariq répondit par un signe de tête négatif.
- Un cadeau. J'attendais que Zyad dorme pour te l'offrir, parce que lui est trop petit pour ce genre de jeux. Viens avec moi !
Tout content, Tariq me suivait jusqu'à ma chambre que je partageais avec Qasim et sortit de mon sac son cadeau.
- Tiens champion!
- WAW, LE LEGO SPIDER - MAN ! T'ES LE MEILLEUR TONTON DU MONDE ! MERCI !
Il se Jetta dans mes bras et fini par me demander de le faire avec lui.
22 heures 04
Ça faisait bien une heure que nous étions arrivés. La salle était complète à une exception : les mariés. Ils n'avaient toujours pas pointé leur nez. Moi qui devait quitter dans deux heures j'étais mal barré.
Nous étions sur une table réservée à la famille. Qasim était assis à ma droite et Myriam à ma gauche, Naïla quant à elle était assise en face à côté de nos parents et de Nour.
- On va manger à une heure du matin à ce stade là...
- Qasim arrête de te plaindre et pose cette console.
Myriam avait raison, en plus si Tareq voyait la console il se disputerait avec Qasim pour l'avoir.
Il jouait à Zelda sur sa switch, enfin ma switch. D'ailleurs, il serait peut-être temps de récupérer ce qui m'appartenait.
- Allez hop, ça c'est à moi !
- Non, s'il te plaît Ejaz rends la moi. S'il te plaît je vais faire quoi maintenant.
Myriam pencha sa tête vers lui et mima un « Cheh » de sa tête.
- Toi, tu verras à la maison !
- Et elle verra quoi au juste ?
- Absolument rien, qu'il ose seulement me toucher. C'est pas 1m50 les bras levé qui me font peur.
Je lâchais un rire suite à la réponse que Myriam venait de me donner.
J'allais finir par prendre des cours de clash chez elle.
Ma mère avait fini par se lever pour discuter avec mes tantes et mon père était à présent sur le parking à parler avec les fumeurs.
Résultat des comptes, on était rester entre frères et sœurs à notre table.
- Qui veut jouer à Uno ?
- Uno ? Sérieux Ejaz ? C'est pas le moment !
Comme à son habitude Nour prenait son rôle de grand sœur trop au sérieux.
- Y'a quoi de mal à jouer en attendant les mariés ?
- T'aimerais bien qu'on fasse la même chose à ton mariage ?
- Bah si je sais que je ferais attendre mes invités 3 heures avant mon arrivé pourquoi pas ? Je mettrai moi même les jeux de cartes sur table.
- Non, c'est non. Ne me cherche même pas !
Voilà pourquoi on se disputait souvent avec Nour. Pour des broutilles.
- En plus c'est pas toi qui a enlevé la switch à Qasim 10 minutes plus tôt ?
- Oui mais c'est pas la même chose, il jouait tout seul, dans son coin, sans interagir avec nous. Là si on joue au Uno, tout le monde participerait et le temps passerait plus vite.
- Va plutôt danser avec tes cousins, tu pourras jouer au Uno toute ta vie mais tu vivras qu'une seule fois le mariage de Rayan.
Elle était vraiment bornée.
C'est dans ce genre de moments que je me demandais encore ce que je faisais ici.
Malheureusement, je broyait vite du noir quand j'étais dans une situation qui ne me plaisait pas.
Et grâce à ma chère sœur et à cette discussion qui n'avait même pas tenue 5 minutes, j'allais me remettre en question pendant un long moment.
C'est vrai ? Et si c'était encore moi le problème ?
Je ne pouvais m'empêcher de penser comme ça à chaque fois. Malgré tout les efforts que je fournissais je n'arrivais pas à être autre chose que pessimiste. Dans mon cerveau il n'y avait qu'une seule option de voir les choses et c'était celle ci.
Je commençais à stresser, c'était l'effet après dispute.
Mon angoisse prenait place petit à petit dans mon corps et envoyais de mauvais signaux à mon cerveau.
Dans ce type de situation j'ai deux choix :
1) Fuir
2) Souffrir en silence
Le contexte du mariage m'offrait uniquement la seconde option.
Si je sortais pour rentrer chez moi, quel image allais-je donner ?
Je ne voulais absolument pas être le centre de l'attention.
Le pire c'est que j'aimais mon cousin, c'est mon deuxième frère et je trouvais mon comportement tellement égoïste à son égard. Comment pouvais-je être si mal le jour de son mariage ? Un jour de fête ? Le jour qui pouvait être le plus beau de sa vie.
Tout ce que j'ai réussi à faire c'est d'être en froid avec ma sœur et plomber l'ambiance. L'impact de cette dispute ne dépassera pas notre table mais j'avais encore une fois merder.
À quoi cela servait-il de rester en vie si je n'apportais que du négatif dans leurs vies ?
Ils sont sûrement mieux loin de toi.
Pendant que j'avais toute ces pensées, mon cousin fit enfin son apparition accompagné de sa femme.
Tout le monde s'étaient regroupé pour les filmer et les accueillir et j'ai finis par rester assis sur ma chaise car je n'avais plus le mental de faire face à qui que ce soit.
Pourquoi, pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu dois toujours tout gâcher ?
Je ne savais plus quoi penser. Je voulais m'enfermer dans ma chambre et dormir avec Jiji dans les bras. Je n'avais plus de force. Ça me rendais malade de me rendre compte qu'une petite dispute ridicule pouvait avoir un si grand impact sur moi.
Je vis ma mère au loin s'approcher de moi. Arrivée à ma hauteur elle pris place sur la chaise de Qasim.
- Aaaaah, je suis fatiguée, ta maman se fait vieille mon fils. Toi aussi tu attends qu'il y ait moins de monde pour aller voir Rayan ? Là c'est trop tôt, on a encore le temps devant nous. Tu viendras le voir avec moi tout à l'heure pour les photos ?
J'hochais la tête pour acquiescer.
Merci maman.