L'arc de l'innocence - Une nouvelle insurmontable - Chapitre 1.2

Cela faisait maintenant depuis quelques jours, et Amélia n’était toujours pas là.

- Grand-père… Où est maman ? demanda Irielle d’un ton de voix transmettant son ennui.

Réticent, le vieillard regarda ailleurs, mais finit par répondre.

- Je crois qu’il est temps de vous dire ce qui se passe avec votre mère, les enfants, dit-il d’une voix sérieuse et rauque.

Kasper se rapprocha, curieux d’entendre ce que leur grand-paternel avait à dire. S’asseyant au sol, les regards étaient rivés sur le patriarche.

- Promettez-moi, une chose : écoutez jusqu’à la fin mes enfants. Je ne répéterai pas.

Les deux semblaient encore plus attentifs, la tête rivée sur l’immense homme.

- Votre mère va bien mieux, mais elle se trouve à l’hôpital en ce moment… Alors rassurez-vous, elle ne vous a pas laissés tomber, dit-il d’un ton encore plus solennel, mais prudent.

- Mais pourquoi elle reste si elle va mieux ? demanda le petit, devinant qu’on ne lui disait pas tout.

Réalisant cela, le grand-père prit son temps.

- Elle prend le temps de se reposer, les médecins ne savent pas encore ce qu’elle a, mais ils disent qu’elle devrait aller bien mieux, dit-il, tentant de ne pas faire pleurer les enfants.

Irielle semblait la plus inquiète, presque au bord des larmes.

- Ne t’inquiète pas ma petite—

Soudain, le téléphone de la maison sonna. Le vétéran se leva, tout en posant sa petite-fille au sol, se dirigeant d’un pas régulier vers le répondeur.

- Oui bonjour, à qui ai-je l’honneur ?

Il semblait écouter attentivement, puis son visage s’éclaircit.

- Les enfants, nous allons rendre visite à votre mère, elle va sortir de l’hôpital aujourd’hui ! dit-il, mettant momentanément sa conversation en pause.

Reprenant la conversation brièvement, il y mit un terme quelques instants plus tard avec ses remerciements et ses au revoir.

- Préparez-vous : sandales et chapeaux, nous allons dans la voiture de votre mère, direction l’hôpital ! dit-il aux gamins.

Se préparant comme convenu, les enfants prirent avec Juo la porte avant, se dirigeant vers la voiture. En y entrant, une odeur particulière envahit les narines, et la chaleur étouffantes les brûlait presque.

Leur grand-père, démarrant le moteur, prit un moment pour regarder si ses petits-enfants étaient bien attachés dans leur siège. Quelques secondes plus tard, la voiture avança et se mit en route sur le chemin de campagne jusqu’à la route pour se diriger vers la petite ville voisine.

Observant par leurs fenêtres le ciel couvert d’immenses nuages au loin et du ciel bleu, Kasper aperçut une personne qui volait dans le ciel, sans ailes.

- Regarde, Irielle ! Grand-papy, est-ce que c’est un héros ? demanda le mioche.

La personne volante se rapprocha quelque peu, mais pas trop, question de voir l’enfant qui le saluait de la main.

- On dirait bien que c’est un héros en patrouille. Il a un brassard blanc, dit le vieillard, après avoir jeté un bref coup d’oeil.

D’un sourire généreux, l’homme volant le salua aussi, puis prit les devants à des vitesses incroyables sur l’autoroute, ne constatant rien d’anormal.

Au loin, la silhouette disparut tel un éclair, laissant derrière lui une petite onde de choc qui secoua très légèrement les environs.

- Grand-papy, pourquoi les héros ont seulement le truc blanc sur leur bras pour les reconnaître ? Je ne comprends pas pourquoi, ils pourraient faire mieux pour se faire remarquer, non ? Tu n’es pas d’accord Irielle ?

- Je suis d’accord, c’est bizarre, dis-nous grand-père ! Pourquoi ? demanda la gamine.

D’un léger soupir, il se mit à expliquer pourquoi.

- Si les héros ne portent pas de costumes pour se distinguer, c’est parce qu’il y a des règles qui l’interdisent.

Insatisfaits par l’explication, les enfants posèrent une autre question.

- Mais quelles règles ? demanda le duo.

Quelques instants plus tard, il leur répondit, mais cette fois, son expression faciale laissait deviner quelque chose de plus grave, qu’il ne pouvait expliquer à des enfants de cinq ans.

- Je ne peux pas vous en parler à votre âge, mais attendez, et quand vous serez plus grands, alors là, je vous expliquerai… Mais sachez que ce sont de très bonnes raisons. dit-il, d’un ton averti.

Bien que Kasper n’en fût pas plus satisfait, Irielle raisonna son frère en lui disant que c’était peut-être mieux ainsi, si leur grand-père ne pouvait pas en parler.

- C’est quand même pas juste, je veux savoir moi, répliqua le jumeau avant de croiser les bras en boudant.

Quelques kilomètres et minutes plus tard, ils arrivèrent dans la ville voisine, puis à l’hôpital.

Alors qu’il essayait de se trouver une place, le grand-père en trouva miraculeusement une où se stationner.

Juo remarqua que les voitures stationnées juste à côté de lui étaient très mal positionnées, au point de presque bloquer l’accès à toute autre voiture.

D’un soupir, accompagné de rapides tapements de pied, il ferma les yeux et prit une grande respiration avant de s’adresser aux jumeaux.

- Les enfants, restez à l’intérieur, je vais faire quelque chose, ça ne prendra que quelques instants tout au plus.

Sortant du véhicule, le vétéran se plaça devant l’une des deux voitures, se pencha, puis la souleva sans broncher pour la replacer parfaitement dans son allée. Il fit de même avec le SUV.

Les enfants, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte, restaient ébahis face à cette rare démonstration, là où même leur mère avait du mal à soulever une voiture entière.

Il n’était pas si rare de voir des personnes soulever d’énormes objets à eux seuls, mais toute une voiture, c’était autre chose.

Débarrassant ses mains de la poussière, le grand-père revint à ses petits-enfants. Ouvrant la porte passagère avant, il s’adressa à eux.

- Vous pouvez débarquer, les enfants, et vous éloigner de la voiture. Je vais la ranger, ça nous fera gagner du temps.

Sans discuter, les jumeaux débarquèrent, puis se placèrent derrière le SUV que leur grand-père venait de replacer.

Saisissant le monstre de métal complètement soulevé, il ne mit que quelques secondes pour stationner la voiture empruntée de manière convenable.

Cette fois, en marche vers le grand complexe, le vieux balèze prit les enfants par la main, les dirigeant vers l’entrée.

Une fois passées les portes automatiques, ils virent quelqu’un leur faire signe de la main depuis une vingtaine de mètres : c’était leur mère.

Sans attendre, les petits coururent vers elle, portant avec eux une joie contagieuse qui fit sourire Amélia et les gens autour, même le médecin qui l’accompagnait, assis à côté d’elle.

- Maman, est-ce que tu vas mieux ? demanda la gamine.

- Est-ce que le docteur t’a fait des piqûres ? Est-ce que ça t’a fait mal ? continua le jumeau.

- Je vais très bien, et comment vous allez mes petits monstres ? Qu’avez-vous fait ces derniers jours ? leur demanda-t-elle en passant sa main sur leur tête, esquissant un sourire chaleureux.

- On a regardé les étoiles et la galaxie, on a aussi vu les planètes ! s’exclama Kasper.

- Oui, et on a joué à des jeux avec grand-papy. Il nous a même fait écouter sa musique… Il me semble que ça faisait un truc comme Pfffssss… PF PF PF PF… Ensuite, ça faisait des gros bruits bizarres, on dansait et on sautait partout, dit Irielle en postillonnant ses bruits de bouche.

Les adultes éclatèrent de rire. Kasper, lui, les regardait comme s’ils se moquaient de sa soeur.

- Hey ! C’est pas drôle, Irielle est sérieuse ! s’exclama-t-il.

Après encore quelques minutes, le petit groupe se rassembla avec le médecin dans une pièce.

- Alors alors, prenons place ! s’exclama le médecin, tentant de rendre l’atmosphère plus accueillante pour les enfants.

S’asseyant, les jumeaux regardaient partout autour d’eux, leur curiosité attirant leur regard sur la moindre petite chose, comme pour comprendre à quoi servait tout ce qui se trouvait dans la pièce.

Le professionnel de la santé ouvrit son ordinateur et sortit des papiers sur son grand bureau en L.

- Aujourd’hui, j’ai de bonnes et… mauvaises nouvelles, dit-il, sur un ton se faisant sérieux, en tentant de garder la pièce dans un semblant de chaleur.

Le père d’Amélia déglutit. Il faisait, sans vraiment s’en rendre compte tourner ses pouces sans cesse, un tas de souvenirs refaisait surface comme un tsunami sur une plage.

Amélia semblait sereine en surface, comme son paternel, mais ce n’était qu’une façade pour ne pas effrayer les enfants.

- Je commence par les bonnes nouvelles : nous avons complètement exclu le cancer… Et nous savons exactement de quoi vous souffrez.

Les enfants écoutaient attentivement, leur regard rivé sur le médecin, annonçant les bonnes nouvelles.

- C’est quoi, le cancer ? Est-ce que ça fait mal ? demanda le petit curieux.

- Kasper, ne coupe pas la parole aux autres, c’est impoli, dit Juo, retenant presque son souffle tout en maintenant son autorité sur les enfants.

Alors que la mère se mordillait les ongles inconsciemment, l’homme reprit la parole.

- C’est le lupus, une grave maladie, qui, malheureusement… ne peut pas être guérie.