Chapitre 19 – L’Éveil du Passé

La grotte était profonde, froide, et silencieuse, cachée entre des rochers aux formes anciennes. Le crépuscule tombait doucement à l’extérieur, mais ici, dans l’ombre, une autre lumière brillait : bleue, ancienne, vibrante.

Yi Haoyu s’avança sans bruit, poussé par une présence qu’il ne pouvait ignorer. Ses pas le menèrent jusqu’à une salle naturelle tapissée de mousse argentée. Là, au centre, la bête de Qi reposait, les yeux clos, mais chaque souffle qu’elle exhalait faisait trembler l’air, chargé d’un Qi dense et pur.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, ce fut comme si une galaxie s’était éveillée.

Haoyu s’approcha lentement.

« Pourquoi es-tu ici ? » demanda-t-il calmement.

La bête le fixa, sans hostilité.

> « Parce que j’ai atteint l’immortalité lors de ma treizième vie. »

Haoyu fronça les sourcils. Mais avant qu’il ne puisse parler, la bête rectifia :

> « Non… c’est faux. Je n’ai jamais connu la réincarnation. Moi, je suis né dans cette ère. J’ai vécu, grandi, éveillé mes pouvoirs, et transcendé la mort par mes propres moyens. »

> « J’ai vu les mondes changer, les continents se déplacer. Mais toi, je t’ai vu mourir. Encore et encore. »

Haoyu serra les poings. Son regard se durcit.

« Alors pourquoi ? Pourquoi toutes mes réincarnations ont échoué ? »

Un silence.

Puis, une voix résonna dans sa tête. Une voix douce, familière, mais d’une profondeur insondable.

> « Enfin, tu poses la vraie question. »

Le cœur de Haoyu bondit dans sa poitrine.

« C’est toi… » murmura-t-il.

> « Tu veux comprendre pourquoi, lorsque tu as touché la tablette en pierre ancienne, tous tes souvenirs de réincarnations ratées t’ont assailli, n’est-ce pas ? »

Haoyu ferma les yeux, revoyant la tablette couverte de manuscrits anciens, là où tout avait changé. Il l’avait effleurée, et des souvenirs flous, violents, tristes, l’avaient submergé : des morts précoces, des vies brisées, des échecs.

« Oui… pourquoi ai-je dû subir tout ça ? Pourquoi toutes ces vies ont-elles échoué ? Était-ce une punition ? Une malédiction ? »

> « Tu le sauras. En temps voulu. »

La réponse tomba, implacable, mais frustrante.

« Ce n’est pas une réponse, » grogna-t-il.

> « C’est la seule que tu es prêt à entendre aujourd’hui. Si tu savais tout maintenant, tu en serais écrasé. Chaque chose en son temps. »

Haoyu voulut répliquer, mais il se tut. Parce que, dans cette voix, il n’y avait ni moquerie, ni supériorité. Seulement une vérité froide, qui attendait.

La bête de Qi s’avança lentement. Ses pas faisaient vibrer le sol.

> « Je t’ai attendu. Pas parce que je suis lié à ton passé, mais parce que je crois en ton avenir. Lors de ma vie, j’ai appris à ressentir les échos de l’immortalité. Et les tiens… résonnaient à travers les ères. »

> « Quand tu renaîtras enfin, pleinement éveillé, le monde entier tremblera. »

Haoyu soupira. Son esprit tourbillonnait. Puis, soudain, une brume dorée envahit son esprit.

Et il vit.

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Le ciel était fendu par la lumière céleste.

Sur un trône sculpté dans l’or et l’obsidienne, un homme si majestueux qu’il en paraissait irréel dominait des centaines d’immortels prosternés.

Tian Xuan.

Lui. Dans sa première vie.

L’Empereur Céleste des Neuf Couronnes.

> « Le chaos approche, mon empereur. Les Douze Rois Déchus ont brisé le Sceau des Cendres. »

> « Que devons-nous faire ? »

Tian Xuan se leva, ses yeux semblables à deux soleils noirs.

> « Qu’ils viennent. Je suis le ciel. »

Sa voix fendit les étoiles.

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Le souvenir s’effaça brutalement.

Haoyu tomba à genoux, haletant, le front en sueur.

La bête de Qi posa doucement son front contre lui.

> « Ton âme s’éveille. Le sceau de l’oubli se fissure. »

Haoyu murmura, la voix pleine d’émotion :

« Je me souviens de son nom… mon vrai nom. Tian Xuan… »

> « Tu redeviendras ce que tu as été. Mais cette fois… tu ne seras pas seul. »

La voix intérieure reprit :

> « Tu as subi cent, deux cents, neuf cent quatre-vingt-dix-neuf vies de malchance, de complots, de pièges. Mais cette mille-et-unième réincarnation… c’est celle du destin. »

> « C’est celle que même les cieux ne pourront arrêter. »

Haoyu se releva lentement.

« Alors je marcherai. Même si je ne comprends pas encore tout. »

> « Bien. Car désormais, le monde s’apprête à te redécouvrir. »

La bête de Qi s’inclina.

> « Et moi, je resterai à tes côtés, Tian Xuan. Jusqu’à la fin des temps. »

Haoyu lui posa une main sur la tête, sans un mot.

Puis, dans le silence de la nuit, il tourna les talons, quittant la grotte.

Le ciel s’était obscurci.

Mais en lui, une lumière ancienne recommençait à briller.