Chapitre 18 : L’Appel de la Bête Céleste

La lumière du jour déclinait lentement, peignant le ciel de teintes orangées et mauves. Des ombres longues s’étiraient entre les arbres massifs, et la forêt, qui bourdonnait de vie diurne quelques heures auparavant, devenait de plus en plus silencieuse. Seuls les bruissements d’ailes et les craquements des feuilles mortes rappelaient la présence d’êtres tapis dans l’obscurité.

Haoyu leva les yeux vers les nuages teintés d’écarlate.

« Le soleil va se coucher d’ici une heure, » dit-il, calmement. « Il vaut mieux qu’on trouve un abri pour la nuit. »

Yuren hocha la tête. « D’accord. On a assez de pierres spirituelles pour éviter les combats inutiles. Autant préserver notre énergie. »

Lanyue, les bras croisés, lança un regard inquiet à la forêt. « Je préfère dormir entre quatre murs. Si possible, sans serpents. »

Wen Jin sourit. « Une grotte alors. Ça nous isolera du vent, et des bêtes. »

Sans plus attendre, le groupe s’organisa. Yuren partit en éclaireur vers l’est, Wen Jin grimpa dans les arbres pour scruter les alentours, et Haoyu… ferma les yeux.

Il étendit lentement son sens spirituel, cherchant un espace clos, naturel, qui ferait office de refuge. Son Qi ondula doucement autour de lui, invisible à l’œil nu, mais sensible pour quiconque percevait les flux du monde.

Un point lumineux lui apparut, à quelques centaines de mètres, dissimulé derrière une épaisse végétation rocheuse.

« Là-bas, » dit-il en pointant du doigt. « Il y a une cavité. Bien dissimulée. Parfait pour une nuit de repos. »

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Ils mirent moins d’une demi-heure à l’atteindre. La grotte, presque invisible à l’œil nu, était enfouie derrière un mur de lianes, entre deux falaises étroites. On ne pouvait y accéder qu’en rampant sous un renfoncement rocheux, ce qui en faisait un abri idéal contre les prédateurs.

À l’intérieur, la cavité s’élargissait en une salle spacieuse, haute de plafond, dont les murs étaient recouverts de mousse douce et de cristaux luminescents faiblement brillants. Une petite source d’eau coulait lentement le long d’un mur, formant une flaque limpide dans un coin de la grotte.

« Cet endroit… » murmura Lanyue. « C’est presque trop parfait. »

Haoyu entra en dernier. Il s’arrêta net à l’entrée.

Son regard devint plus profond, plus attentif. Un flux de Qi très ancien flottait dans l’air. Discret, presque dissimulé, mais réel. Il semblait venir du sol, ou peut-être… des entrailles de la terre.

Puis, une voix douce, lointaine, résonna dans son esprit.

> « Enfant du Ciel… tu es enfin là… »

Haoyu ne réagit pas extérieurement, mais son cœur accéléra légèrement. Cette voix… elle n’était ni humaine, ni tout à fait bestiale. Elle avait la sagesse d’un millénaire, et une douleur contenue, étouffée depuis trop longtemps.

« Je vais sortir un moment, » déclara-t-il à ses compagnons.

Wen Jin releva la tête. « Tu vas où ? Il commence à faire sombre. »

Haoyu répondit sans détour : « Je sens… quelque chose. Une présence ancienne. Peut-être une bête spirituelle. Mais elle ne semble pas hostile. Je dois vérifier. »

Yuren fronça les sourcils. « Tu veux qu’on t’accompagne ? »

Haoyu secoua doucement la tête.

« Non. Je dois y aller seul. »

Il se détourna sans attendre de réponse et quitta la grotte, sa silhouette s’effaçant dans l’ombre du soir.

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Il marcha pendant plusieurs minutes, suivant un chemin invisible, guidé uniquement par cette voix murmurante dans son esprit. Le Qi devenait de plus en plus dense à mesure qu’il avançait, formant des filaments d’énergie pure qui ondulaient dans l’air comme des vagues sous-marines.

Puis il la vit.

Une claire-voie au milieu de la forêt. Un cercle de pierres anciennes, couvertes de glyphes oubliés. Au centre, une créature massive reposait sur un lit de racines.

Elle ressemblait à un léopard d’ombre, mais ses yeux étaient dorés, et son pelage changeait de couleur en fonction de la lumière, oscillant entre noir, bleu nuit et pourpre.

Mais ce n’était pas un simple animal.

C’était une bête céleste ancienne, une entité spirituelle qui n’existait que dans les chants anciens des cultivateurs primordiaux. Une légende vivante.

La bête ouvrit lentement les yeux. Son regard croisa celui de Haoyu.

> « Enfin… tu es là. »

Haoyu avança calmement. « Tu m’appelais ? »

> « Depuis longtemps. Depuis… des vies. Tu as changé. Mais ton essence… elle est intacte. Tu es celui que j’ai juré de servir. »

Haoyu plissa les yeux. « Tu me connais ? »

> « Non… mais l’ancien toi, oui. Celui qui portait la couronne d’étoiles. L’Empereur au sang scellé. »

Un frisson parcourut l’échine de Haoyu.

Cette bête… connaissait son passé. Son véritable passé.

> « Je suis Kurojin, Bête de l’Ombre Céleste. J’ai combattu à tes côtés lors de la treizième guerre divine. Tu m’as sauvé la vie. Et j’ai juré de veiller sur toi. De génération en génération. »

« Tu m’as retrouvé. »

> « Ton sang… ta signature spirituelle… je l’ai senti à ton éveil. Tu es encore incomplet. Mais la puissance sommeille. Et moi… je peux t’aider à la réveiller. »

Haoyu s’approcha lentement, sans peur.

« Que dois-je faire ? »

Kurojin se redressa. Son aura remplit la clairière, engloutissant les arbres alentour dans un océan d’ombres.

> « Lie ton âme à la mienne. Reçois ma mémoire. Et je te remettrai l’Orbe de Mémoire Céleste. Un fragment de ton ancienne conscience. »

Le jeune garçon tendit la main.

Et le pacte débuta.

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Pendant ce temps, dans la grotte, Yuren ruminait.

« Haoyu met du temps. »

Lanyue jouait avec de l’eau qu’elle faisait léviter. « Il est prudent. Il reviendra. »

Wen Jin sourit. « Il n’est pas du genre à mourir bêtement. »

Mais au fond de lui, chacun d’eux ressentait la même chose : leur camarade n’était pas simplement plus fort qu’eux.

Il était autre chose.

Quelque chose d’ancien, d’insondable… et peut-être de terrifiant.

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