Chapitre 1 : Le premier apparition

La pluie tombait dru sur les vitres de l'académie, comme si le ciel lui-même hésitait à accorder la paix à ce lieu d'élite.

Debout face à la porte d'entrée, Kaito Kisaragi laissa ses yeux se perdre un instant dans le reflet trouble de son propre visage. Il était arrivé en avance, comme toujours. Pas pour faire bonne impression — il détestait ça — mais pour éviter les regards.

Une silhouette mince, cheveux noirs en bataille, regard neutre et distant. Rien d'exceptionnel en apparence. Et c'était voulu.

L'Académie Kurozawa, réputée pour former les agents d'élite capables d'affronter le chaos moderne, n'acceptait que les meilleurs. Et pourtant, Kaito s'y était faufilé presque anonymement. Pas grâce à des relations. Pas même grâce à des notes exceptionnelles. Non. Il s'était simplement… glissé entre les mailles.

Comme une ombre.

— Tu n'as rien à prouver. Pas à eux. Juste à toi-même.

Ces mots tournaient dans sa tête, comme une vieille leçon que personne n'aurait prononcée à haute voix. Il inspira longuement, poussa la porte, et entra dans le hall.

Le bâtiment principal avait des allures de centre militaire : lignes épurées, murs blindés, caméras à chaque angle. Chaque pas résonnait avec une précision presque exagérée. Il marcha jusqu'à la salle 3B, où la première session d'orientation devait commencer.

Déjà quelques élèves s'étaient installés. Certains discutaient à voix basse, d'autres tentaient de paraître confiants, comme des lions en cage.

Kaito repéra une place au fond, à côté de la fenêtre. Parfait.

Il s'assit, silencieux, les mains croisées. Il pouvait déjà ressentir les vibrations du bâtiment. Chaque mouvement, chaque pas d'un surveillant. Sa perception était affûtée… trop, même. Il ferma un instant les yeux.

Ne laisse rien sortir.

Tout à coup, un bruit métallique vrilla ses tympans. Quelqu'un avait fait tomber un stylo.

Un simple objet. Mais l'impact, pour lui, sonnait comme une détonation.

— Désolé ! lança un garçon aux cheveux blonds ébouriffés. Il attrapa le stylo et sourit à la ronde, comme pour désamorcer la gêne.

— Pas grave, souffla Kaito sans vraiment le regarder.

— Hé, c'est toi le gars silencieux du test d'entrée, non ? Kisaragi, c'est ça ?

Kaito tourna légèrement la tête.

Le garçon s'installa à côté de lui, sans attendre une réponse.

— Moi c'est Renji. Renji Asakura. Je t'ai vu pendant les tests de réactivité. T'étais rapide. Très rapide.

— J'ai eu de la chance, répondit Kaito d'un ton neutre.

— C'est ça ouais… « de la chance ». On verra ça pendant les simulations.

Avant qu'il ne puisse répondre, la porte s'ouvrit brutalement. Un homme entra, suivi d'un silence immédiat.

— Debout, recrues !

Tous obéirent instinctivement. Le regard du superviseur balaya la pièce comme une lame.

— Je suis le capitaine Saegusa. Félicitations. Si vous êtes ici, c'est que vous avez survécu à la sélection. Ce n'est pas un exploit. Ce n'est que le début.

Il s'avança lentement, le pas lourd.

— À Kurozawa, vous serez testés, brisés, reconstruits. L'objectif n'est pas de faire de vous de bons agents. L'objectif est de vous rendre indispensables.

Son regard se posa sur Kaito un bref instant. Un infime froncement de sourcils. Puis il continua :

— Nous allons commencer par une épreuve d'observation en conditions réelles. Bâtiment D. Niveau Souterrain. Enfilez vos équipements, vous avez dix minutes.

La salle se vida dans un brouhaha nerveux. Renji lui lança un clin d'œil.

— Tu viens ?

Kaito ne répondit pas. Il fixait la tablette qu'on venait de lui remettre. Dessus : un plan. Une mission. Un objectif flou.

Simulation d'intervention. Menace inconnue. Objectif : extraire un civil sous surveillance.

Il fronça les sourcils. Quelque chose clochait.

Son instinct le savait. Sa perception aussi. Il ressentait déjà que cette mission ne serait pas une simple simulation.

---

Les couloirs du bâtiment D étaient plongés dans une lumière rouge d'alerte.

Une fumée artificielle s'échappait des bouches d'aération. L'équipe était divisée en escouades de trois.

Kaito fut assigné à une équipe au hasard. Deux recrues inconnues. Trop nerveuses.

— On entre par la gauche, souffla l'un.

Mais au moment d'ouvrir la porte, une explosion retentit à l'étage inférieur.

Un cri.

Un vrai cri.

— Ce n'est pas une simulation… murmura Kaito, déjà en mouvement.

Sans attendre ses coéquipiers, il s'élança dans les escaliers.

La chaleur, la fumée, les cris. Tout s'intensifiait.

Il sentit ses sens s'aiguiser.

Sa vision perçait la fumée.

Son ouïe filtrait les sons parasites.

Et son corps… bougeait sans effort.

Un homme en tenue noire gisait au sol, inconscient. Près de lui, une silhouette encapuchonnée levait un couteau sur une élève effrayée.

Kaito n'hésita pas.

Un souffle.

Une impulsion.

Et l'instant d'après, il était là, entre l'agresseur et la fille.

Le temps sembla ralentir.

Il saisit le poignet de l'assaillant, le tordit avec une précision chirurgicale, puis l'envoya contre le mur d'un seul coup de genou.

L'homme s'écrasa avec un bruit sec.

Silence.

L'élève le regardait, les yeux écarquillés.

— T-tu… comment t'as… ?

Mais Kaito avait déjà détourné le regard. Il se redressa, remis sa capuche, et tourna les talons.

— Appelle une équipe médicale, dit-il simplement.

Il disparut dans la fumée, sans laisser de trace.