Le lendemain matin, l'académie bourdonnait de rumeurs.
— Tu crois que c'était prévu dans la simulation ?
— T'as vu la vidéo floutée qui circule ? Ce gars-là, il a éclaté un type en deux secondes !
— C'est pas un étudiant, c'est un agent déguisé… c'est obligé.
Kaito, lui, marchait calmement dans le couloir, les mains dans les poches, un léger sourire aux lèvres. Il croisa quelques regards curieux, mais aucun ne s'attardait. Pour tous les autres, il n'était qu'un élève parmi tant d'autres. Sérieux. Discret. Poli. Rien d'étrange.
Personne n'avait remarqué qu'il était le fantôme de la veille.
Et il comptait bien que ça reste ainsi.
— Yo Kaito ! lança Renji en lui frappant l'épaule. T'as entendu ce qui s'est passé hier ? Y'avait un genre de justicier masqué dans la simulation ! Un vrai ninja.
— Ouais… j'ai entendu parler, dit Kaito avec un air intrigué. Une mise en scène, tu crois ?
— Bah, j'sais pas… Mais j'aimerais bien que ce gars soit dans notre équipe ! Il a réagi en trois secondes, t'as vu les mouvements ?
Kaito haussa les épaules.
— Peut-être que c'était un formateur qui testait nos réactions. Ou un robot. Ils en ont déjà utilisés, non ?
— Hmm… t'es peut-être pas si loin. En tout cas, y'a une enquête interne. Ils veulent savoir comment un "civil" a pu s'infiltrer. Officiellement.
Kaito savait que ce n'était pas une infiltration.
C'était un test. Pas pour les élèves… pour lui.
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Dans une salle de réunion aux vitres teintées, trois officiers en uniforme observaient les images de surveillance. Floues. Parasitées. L'instant clé où l'agresseur se fait neutraliser était presque illisible.
— C'est impossible… on ne voit rien.
— On a des témoins, mais aucun n'a vu son visage.
— Ce gosse a effacé ses traces comme un pro. C'est pas normal pour un élève de première année.
Le capitaine Saegusa garda le silence, les bras croisés. Son regard s'était durci.
Ce garçon… Kaito Kisaragi…
Il ne l'avait vu qu'un instant. Mais ce bref contact visuel avait suffi à éveiller un doute. Pas une certitude. Juste une intuition dérangeante.
Il n'allait rien dire. Pas encore.
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Pendant ce temps, l'ambiance dans les salles de cours était redevenue presque normale.
Kaito était assis au premier rang, concentré, prenant des notes avec une précision chirurgicale. Il ne montrait aucun signe de fatigue ou de tension.
Le professeur parlait de tactiques d'intervention en environnement urbain. Kaito écoutait. Il connaissait déjà la majorité du contenu. Pourtant, il jouait le jeu. Sérieux. Appliqué. Et amical quand on lui parlait.
Il n'avait pas besoin de s'isoler pour rester invisible. Il savait exactement comment paraître normal.
Mais sous cette apparente normalité, son esprit tournait à plein régime. Il analysait les mouvements, les visages, les trajectoires. Il voyait tout.
Et surtout, il sentait que ce n'était que le début.
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Plus tard, après les cours, une rumeur circulait dans le vestiaire :
— Apparemment, la prochaine épreuve va être en binôme. Des patrouilles en ville.
— Sérieux ? On va sortir ?
— Ouais, mais en uniforme et en pairs. Ça sera sous supervision, bien sûr.
Renji arriva en courant, une serviette autour du cou.
— Frérot ! On est ensemble ! J'ai vu la liste ! Toi et moi, patrouille demain dans le quartier Est. Trop stylé !
Kaito sourit doucement.
— Ça marche. On se prépare ce soir alors ?
— Ouais, on révise les procédures de contrôle. Mais je compte sur toi si ça dégénère hein ! Tu bouges bien pour un gars discret.
Kaito rit légèrement. Une expression parfaitement dosée.
— T'inquiète, j'serai là.
Mais si seulement tu savais… pensa-t-il.
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Cette nuit-là, il ne dormit pas tout de suite.
Il sortit discrètement du dortoir et monta sur le toit de l'académie.
Le vent fouettait les hauteurs. Les lumières de la ville au loin pulsaient comme des étoiles mortes. Il ferma les yeux.
Il se rappelait parfaitement pourquoi il était aussi fort.
Il n'avait pas acquis ces compétences ici. Ni grâce à un entraînement classique.
Il y avait eu quelque chose.
Un passé flou.
Une vérité cachée…
Et un pouvoir qu'il avait accepté, mais jamais révélé.
Pas encore.
Il ouvrit les yeux.
Le ciel nocturne n'était pas silencieux. Il entendait les murmures, les échos. Il ressentait la présence de ceux qui observaient.
Ils vont tester encore. Ils vont essayer de me forcer à me révéler.
Mais il ne le ferait que lorsqu'il n'aurait plus le choix.
Il tira sa capuche, et disparut dans l'obscurité, comme une ombre redevenue silence.