Chapitre 7 À l’entrainement…encore

Ils sont maintenant les deux dans l’arène et sans donner aucun indice à Hilda, Monitor assène le premier coup qui fût facilement évité. « Sssanitas m’a dit que vous aviez sssupprimé vos réflexes, mais ne m’a pas dit la raison. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous avez fait ça ?

-Désolé, mais ce n’est ni le moment ni le lieu pour parler de ça. Maintenant, il faut que vous m’entrainiez. »

Hilda tourne autour de son entraineur. Après cinq tours pour déstabiliser son adversaire, elle se positionne derrière lui et vise sa jambe gauche comme lors de l’examen. Sauf que l’homme-lézard réussit à barrer l’attaque, prend Hilda par le col et la plaque au sol. « Ce n’était pas vraiment un choix que je vous donnais. Vous allez devoir m’expliquer pourquoi vous avez fait ça. Les réflexes peuvent nous sssauver la vie lors d’un combat.

-Je vous l’ai déjà dit, ce n’est ni l’endroit ni le moment pour parler de ça. Je n’ai pas dit que je n’allais pas vous en tenir au courant, je veux juste mettre mes priorités avant. »

Après cette discussion, les deux combattants continuent à s'entrainer corps et âme. Aucune goutte de sang ne coule, à la grande surprise du général. Il pensait qu’il pouvait faire minimum quelques entailles, mais Hilda ne se laisse pas faire. Elle bloque et riposte de sorte que son mentor soit déstabilisé. Il pensait que puisqu’elle n’avait pas de réflexes elle réagirait avec moins d’aisance, mais il s’aperçoit qu’il s’est trompé. Le corps de sa protégée réagit au moindre ordre donné par son cerveau sans aucune contrainte. Pour s’excuser de l’avoir jugé trop vite, Monitor fait la même posture que la princesse quelques jours plus tôt, il penche le haut de son corps pour faire un angle de 90 degrés. Le visage d’Hilda devient rouge et comme avec sa jumelle, elle se bat avec le général pour qu’il se redresse. Après cinq minutes, la jeune fille se lasse et laisse l’homme-varan, planté au milieu de l’arène à 90 degrés, pour aller dormir. C’était une grosse journée.

Ils ont continué comme ça pendant un mois et Monitor avait du mal à se maîtriser lorsqu’il affrontait son disciple. Elle est maintenant presque aussi fort que lui. Hilda retourne dans sa chambre toute seule maintenant qu’elle connait le château comme le fond de sa poche, comme elle a fait avec Varsovie. Quand elle y repense, il n’y avait qu’un seul moment qu’elle n’avait pas paniqué en voyant du sang et c’était lors de l’examen avec le général. Peut-être à grâce à l’adrénaline. Elle espère que ça va faire la même chose quand elle va être en plein cœur du champ de bataille.

C’est le lendemain, elle est maintenant en train de s’entrainer avec sa jumelle, qui maintenant a de petits cernes autour des yeux, dans une pièce gigantesque, on pourrait y mettre un géant et il y serait à ses aises sachant qu’un géant fait deux fois la taille d’un cyclope et qu’un cyclope fait dix fois la taille d’un humain régulier de deux mètres, au sous-sol du château qui est apparemment construit uniquement pour s’entrainer à la magie. La leçon du jour est comment invoquer deux esprits en même temps. Pour donner un exemple, Vespera invoque l’esprit de l’eau et l’esprit du feu. « Adversarios spiritus oro aquae et ignis, quaeso, ne densam nebulonem efficias ut in ea solus videre possim. » Un épais brouillard se forme. Il est tellement épais qu’il est impossible de voir à travers. Le brouillard se dissipe et Hilda ne voit plus sa jumelle et un instant plus tard, elle sent une pression sur sa gorge, pas trop serré pour qu’elle n’ait pas de mal à respirer, mais suffisamment pour que ce soit inconfortable. « Quand tu seras sur le champ de bataille, cette technique sera ton meilleur atout. Il n’y a que celui qui a invoqué le brouillard qui est capable de voir à travers, tu vas pouvoir te glisser derrière tes ennemies et leur asséner le coup de grâce.

-Entendu, mais est-ce qu’il y a des points faibles à cette technique ?

-Oui, les ogres ont un odorat surdéveloppé, donc ils pourraient te repérer juste avec ton odeur, c’est pour ça qu’il faut se montrer très prudent et ne pas se montrer arrogant, car ça pourrait te coûter la vie. »

Après cette conversation, c’est le tour à l’élue d’invoquer deux éléments simultanément et comme un enfant qui apprend à marcher, les premières tentatives sont des échecs. Elle persévère et à la fin de la journée, elle est capable de faire un brouillard gros comme un cheval. Elle est épuisée.

La terrienne retourne à sa chambre, se change et s’endort dès l’instant que sa tête touche son oreiller.

Le lendemain, alors que le soleil n’est pas encore levé, Hilda décide de commencer l’entrainement plus tôt pour qu’elle apprenne à faire un gigantesque brouillard comme l’a fait sa jumelle. Elle va à la pièce pour s’entrainer, elle est collée à la porte et entendit une explosion. Ça l’a surprise. Elle ouvre la porte et voit la princesse, essoufflée, avec les cheveux redresser sur sa tête. Hilda remarque quelques petits éclairs ici et là parcourir la salle. « Je prends note, il ne faut pas essayer d’invoquer les esprits de l’eau et de l’air simultanément, ça forme des éclairs et c’est très difficile de les contrôler. »

Elle parle avec un grand sourire, comme si c’est amusant. Hilda ne trouve pas ça amusant, elle a eu peur qu’un ennemi se soit infiltré dans le château comme l’a fait le dragonnet dans la bibliothèque. Vespera finit de parler et remarque que des larmes commencent à couler sur les joues de sa jumelle et elle sait pourquoi. « Désolé de t’avoir fait peur. Je ne voulais pas te faire croire qu’il y avait un autre ennemi.

-Est-ce que tu y repenses encore ?

-J’essaie le moins possible.

-Moi aussi.

-Tu venais pourquoi ?

-Je venais m’entrainer avant que notre journée commence, comme ça je vais apprendre à maîtriser le brouillard plus vite.

-C’est une très bonne idée, mais aujourd’hui nous n’allons pas nous entrainer comme tu le penses.

-Comment ça ?

-Nous n’allons pas nous entrainer à la magie aujourd’hui. Je veux que tu ailles voir Sanitas pour que tu n’aies plus peur du sang lorsque tu vas aller au champ de bataille. Je sais que tu n’as pas paniqué lors de l’examen avec Monitor, mais nous ne savons pas ce qui a cet état de transe.

-Je comprends, même si ça ne me réjouit pas vraiment. »

Elles s’entrainent une dizaine de minutes, ensuite Hilda va voir Sanitas qui est déjà au courant des plans de la princesse. « Premièrement, voyons votre réaction lorsque vous voyez du sang.

-Sommes-nous obligés de passer par ce chemin pour effacer ma peur ?

-J’en ai bien peur, je suis désolé de devoir vous infliger ça.

-Ce n’est pas grave, vous pouvez commencer. Plus vite on commence, plus vite on terminera. »

Le médecin prend une aiguille et la plante sur le bout de son doigt, une grosse goutte de sang en sort quand il retire l’aiguille. Tout de suite à la vue de la goutte, Hilda sent son cœur se crisper. Tous les souvenirs impliquant la mort de ses parents défilèrent dans sa tête. Elle commence à avoir une vision double comme si elle perd connaissance et puis plus rien. Elle se réveille. Elle est couchée dans son lit et Sanitas est à son chevet avec un pansement sur son doigt. Le médecin remarque qu’elle est de retour parmi les vivants et la dévisage avec un air triste. « Je suis désolé de vous avoir fait subir ça, dit-il en évitant le regard d’Hilda, comme s’il avait honte de lui-même.

-Ce n’est pas grave, je veux juste que vous me laisser le temps de récupérer avant de me remettre à l’épreuve, d’accord ?

-Bien sûr, je vais informer la princesse de ce qui s’est passé et…

-Vous n’en ferez rien, vous aller dire que tout s’est bien passé. Que j’ai eu un gros malaise au début, mais que je me suis calmé. Vous allez aussi dire que ça a pris toute ma concentration et qu’il faut attendre avant de recommencer est-ce que c’est correct avec vous ?

-C­’est vous qui décidez, mais j’espère que vous allez prendre la responsabilité si elle le découvre.

-Oui, c’est mon initiative après tout. »

Tout de suite après cette conversation, Sanitas se lève, mais avant qu’il quitte la chambre et laisse Hilda toute seule, dans son lit, elle l’interpelle. « Sanitas, avant que vous partiez, est-ce que je peux vous poser une dernière question ?

-Bien sûr, que voulez-vous savoir ?

-Est-ce que Vespera va bien ? J’ai remarqué qu’elle a l’air plus fatiguée de jour en jour. Je veux juste m’assurer qu’elle n’est pas malade. »

Sanitas se fige, Hilda remarque une certaine hésitation avant qu’il donne sa réponse. « Ce n’est rien dont vous devriez vous inquiéter pour le moment. »

Il quitte la chambre sans dire un mot de plus. Elle essaye de se changer les idées et puis repense à la prophétie que Vespera lui avait racontée la première fois qu’elles se sont rencontrées. Quand un dragon aux ailes noires viendra répandre la peur, celle qui aura vécu l’enfer sur Terre après la mort de ses parents viendra et causera la perte du dragon grâce à l’union des cinq esprits élémentaires. Elle comprend qu’elle doit vaincre ce maudit roi des dragons autoproclamé, mais qu’est-ce que veulent dire les cinq esprits élémentaires ? De ce qu’elle sait, il n’y a que le feu, l’eau, la terre et l’air. Les autres éléments sont créés à partir de ces quatre éléments.

Elle y pense, encore et encore et a une hypothèse qu’elle doit tout de suite partagée avec sa jumelle. Elle se concentre et émet un signal pouvant être perçu comme l’instinct. Deux minutes plus tard, Vespera cogne à la porte et entre. Hilda sait que Sanitas lui a dit de ne pas s’inquiéter, mais les cernes sous les yeux de la princesse deviennent de plus en plus gros. Hilda décide tout de même de garder ses réflexions pour elle pour ne pas offusquer sa jumelle. « Tu voulais me parler ? demande Vespera.

-Oui, c’est au sujet du 5­e élément qui est annoncé par la prophétie.

-Tu as une hypothèse ?

-Oui, et si l’élément serait la glace ?

-Non, c’est impossible parce que la glace est de l’eau qui est gelée, nous avons juste à incanter qu’elle se fige et voilà.

-Tu ne m’as pas appris ça !

-Tu n’es pas encore prête.

-Dans ce cas, qu’est-ce que ça peut bien être ?

-Peut-être aussi que la femme qui a dit la prophétie était une folle. Il y a une rumeur qui dit que quelques jours après avoir écrit la prophétie, cette femme se serait ôté la vie.

-Ou peut-être qu’elle était plus intelligente que nous le pensons. »

Hilda a un éclair de génie, la femme était plus intelligente. Le fait qu’Hilda était capable de communiquer avec Vespera alors qu’elle était possédée par le dragonnet, le fait qu’elles puissent parler via la télépathie dans deux mondes différents, il y a un 5e élément… « C’est l’esprit de la conscience !

-L’esprit de la conscience, qu’est-ce que tu racontes ?

-C’est cet esprit qui nous permet de communiquer d’un monde à l’autre, c’est aussi cet esprit qui m’a permis de te parler quand tu étais possédée par le dragonnet. Il a aussi permis à la femme qui a écrit la prophétie d’avoir des connaissances du futur. Ça l’a tout son sens.

-D’accord, mais en quoi est-ce que ça peut nous être utile ?

-Tu plaisantes ?! Il nous permettra de connaître les plans de nos ennemis. Si on interroge, je peux le forcer à dire ce que l’on veut savoir. Peut-être même que je peux contrôler les consciences des ennemis pour qu’ils deviennent des alliés.

-Tu veux dire comme l’Own, mais pour le bien ?

-Exactement. On pourrait peut-être éviter de grandes batailles avec cet esprit et qui dit éviter de grandes batailles dit aussi éviter de grandes pertes. »

Après cette conversation, Vespera bâille comme si elle n’avait jamais bâillé avant et retourne se coucher en disant à Hilda qu’elles vont en reparler le lendemain. Hilda, si excitée de sa nouvelle découverte, ne remarque pas la disparition de Vespera. Elle essaye une chose avant qu’elle ne s’endorme pour de bon. « Animum conscientiae accepi, quaeso, ostende mihi quid videre nemo possit in spatio temporis. »

Elle finit son incantation pour l’esprit nouvellement découvert, Hilda commence à avoir des visions. Des visions d’une guerre prochaine sur un champ de bataille où la terre est meurtrie par les pas des soldats et les sabots de leurs montures, les nuages sont d’une couleur ténébreuse, prêts à déclencher un puissant orage à tout moment, la lisière de la forêt est à des kilomètres, elle ne peut pas les voir et puis elle voit quelqu’un qu’elle connaît très bien; elle-même. Elle porte une armure aveuglante tellement qu’elle est blanche. Celle qui a les visions remarque que celle qui est dans la vision fait les mêmes mouvements qu’elle a appris quelques jours avant.

Et puis, elle se retrouve au même endroit, mais pas dans le même temps, l’herbe envahit le sol, le ciel est d’un bleu qui n’est pas donné à tout le monde de voir, les arbres sont grands et majestueux. Il n’y a qu’une personne avec une capuche sur sa tête au centre de ce qui deviendra dans quelques centaines d’annos un champ de bataille. Tout semble normal avec cette personne, pense Hilda. La personne commence à émaner une aura violette qui grandit jusqu’à aller aussi haut que le sommet des arbres. Hilda se rend compte que ce n’est pas une personne, c’est l’esprit de la conscience lui-même. Dès qu’elle a découvert qui ou qu’est-ce que c’est, les quatre autres esprits élémentaires apparaissent l’un après l’autre ; l’esprit du feu est le premier suivi de l’esprit de l’eau, de la terre et de l’air. Les cinq éléments sont tous réunis autour de l’élue.