Chapitre 1 — Lorsque le ciel s’est déchiré

Autrefois, le monde ne connaissait ni la magie, ni le mana.

Les gens vivaient, riaient, travaillaient… sous le soleil paisible d’un quotidien ordinaire.

Il y avait des guerres, des progrès technologiques, des découvertes scientifiques. Des villes en pleine expansion, des métros qui bourdonnaient à l’aube, des enfants courant dans les parcs les week-ends. Le monde avançait, tranquillement, vers demain.

Et puis un jour, le ciel s’est déchiré.

Ce fut soudain. Sans avertissement. Une faille. Immense. Béante. Comme si un couteau invisible avait entaillé le tissu de la réalité. De ce trou noir suspendu dans le ciel est sorti un hurlement, un cri si glaçant qu’il figea l’air dans les poumons de milliards de gens.

Puis ils sont venus.

Les monstres.

D’abord un, puis dix, puis des centaines. Des créatures grotesques, issues de cauchemars collectifs. Certaines avaient des crocs comme des lames, d’autres des tentacules, d’autres encore se déplaçaient comme des ombres, insaisissables, invisibles. Elles attaquèrent sans relâche, sans but, sans pitié. Les armes humaines n’avaient que peu d’effet. Les armées furent décimées. Les grandes villes réduites à l’état de ruines.

La panique fut mondiale. Les gouvernements s’effondrèrent. Le monde sombra dans le chaos.

Mais alors que tout semblait perdu… elle est apparue.

Une femme.

Seule.

Debout face aux monstres.

Son nom : Sylvia Valtara.

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Personne ne sut expliquer ce qu’il s’était passé. Un phénomène inconnu s’éveilla en elle : le mana. Une énergie pure, élémentaire, qui circulait dans ses veines comme du feu liquide. Sylvia devint la première Éveillée. Une humaine transformée. Dotée de pouvoirs dépassant l’entendement.

Ses mains invoquaient la lumière. Son souffle figeait l’air. D’un simple geste, elle détruisait des hordes entières de monstres. Là où elle passait, le silence et la sécurité revenaient.

On lui donna un nom.

Un rang.

SSS.

Un rang mythique. Celui que personne d’autre n’avait atteint.

Mais Sylvia ne se contenta pas de se battre.

Elle unifia. Elle enseigna. Elle guida.

D’autres s’éveillèrent. Moins puissants, mais animés du même feu. Elle les rassembla et créa la guilde n°1 : Vitalis, un nom signifiant "ceux qui portent la vie".

Avec Vitalis, Sylvia repoussa les portails.

Et pendant dix années… elle sauva le monde.

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Mais même les légendes ont une fin.

Et Sylvia, malgré son pouvoir, était humaine.

Elle connut l’amour. Puis la maternité.

Et c’est ainsi que naquit Elinor.

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Huit ans plus tard — Un jour de pluie

Le monde pleura.

Ce jour-là, une pluie fine tombait sans discontinuer sur les toits gris de la ville de Miralith. Le ciel était voilé, comme s’il refusait de montrer la lumière. Dans les rues, même les voitures semblaient rouler plus lentement.

Car ce jour-là, Sylvia était morte.

L’annonce de son décès avait secoué la planète. Aucun média n’osait en donner les détails. Certains parlaient d’un portail oublié. D’autres, d’une trahison. Personne ne savait vraiment.

Mais pour une enfant de huit ans, ces rumeurs ne comptaient pas.

Elinor fixait le cercueil fermé.

Trop petit pour contenir une femme aussi grande.

Trop froid pour celle qui l’avait tenue contre elle nuit après nuit.

Ses doigts agrippaient une vieille peluche usée. Un lion sans œil, que sa mère lui avait offert. Elle ne pleurait pas. Pas à voix haute. Mais la pluie se chargeait de masquer ce que son cœur criait.

Autour d’elle, les membres de Vitalis s’étaient réunis. Certains versaient des larmes, d’autres regardaient la petite fille avec une peine muette. Aucun d’eux ne s’approchait. Aucun n’osait.

Et son père…

Son père restait à l’écart.

Froid.

Raide.

Lointain.

Il n’avait jamais aimé Elinor. Il ne voulait pas d’elle. Elle le savait. Même à huit ans, elle l’avait compris. Il ne lui avait jamais parlé avec douceur, ne l’avait jamais prise dans ses bras. Et maintenant que Sylvia n’était plus là, il ne faisait plus semblant.

Lorsque le cercueil fut enterré, il tourna les talons.

> — « Rentre seule. »

Une phrase. Un ordre. Sans émotion.

Il partit.

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Elinor resta là.

Sous la pluie.

Sans parapluie.

Sans main à tenir.

Elle serra sa peluche plus fort. Son petit corps tremblait. Mais elle resta debout, droite. Comme sa mère lui avait appris.

> « Ne pleure pas, ma petite étoile. Même si le monde est sombre, sois ta propre lumière. »

Elle ne pleura pas.

Mais son cœur, lui, cria.

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La maison

Quand elle rentra enfin chez elle, les portes s’ouvrirent automatiquement grâce aux enchantements restants. Mais la chaleur… n’était plus là.

Les sorts de réconfort avaient disparu. Les murs semblaient gris, silencieux, vides.

La cuisine, autrefois remplie de senteurs sucrées et de rires, était froide.

Le salon, où sa mère lui racontait des histoires de dragons et d’étoiles, était désert.

Sa chambre, où des runes dansaient au plafond pour l’endormir, était plongée dans l’ombre.

Elinor monta les escaliers.

Pied après pied.

Chaque marche un adieu à ce qui avait été.

Elle ouvrit la porte de sa chambre, entra… et ferma doucement derrière elle.

Elle s’effondra contre le mur.

Sans bruit.

Sans larme.

Sa peluche dans les bras.

Ses lèvres contre son front.

Et dans le silence de la nuit, la seule chose qu’on entendait…

C’était la pluie.

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Mais le destin… n’avait pas fini avec elle.

Et quelque part, dans l’ombre, dix frères aux pouvoirs extraordinaires — les anciens piliers de Vitalis, les plus fidèles alliés de Sylvia — veillaient.

Et bientôt, chacun d’entre eux…

viendrait à elle.