Lyra courut entre les tentes. Elle trouva Eden, debout, bras croisés.
— T'as retrouvé ta petite protégée ?
— Elle est blessée. Donne-moi des bandages.
Eden ricana froidement.
— Encore debout, hein… comme quoi, la vermine, ça s'accroche.
Lyra la foudroya du regard, attrapa ce qu'elle pouvait, et repartit sans un mot.
Quand elle revint, Ash était toujours là, la tête contre le mur, le regard vide.
— J'ai failli croire que t'étais partie pour de bon, lança-t-elle d'un ton amer.
— C'est mal me connaître, répondit Lyra en s'accroupissant.
Elle ouvrit la trousse et sortit des compresses, du désinfectant et des bandages. Ash grimaça.
— Tu vas me torturer, hein ?
— Tu t'es arrachée une balle toute seule, j'pense que t'as vu pire.
— T'es pas drôle.
— J'suis pas là pour l'être.
Lyra coupa un pan du haut d'Ash pour dégager la plaie. Une grimace de douleur tordit le visage de la blessée, mais elle serra les dents.
— Tu vas devoir arrêter de foncer dans le tas comme une tête brûlée, Ash.
— J'ai jamais demandé à ce que tu t'inquiètes pour moi.
— C'est pas une question de choix. C'est fait. Trop tard.
Un silence.
— Pourquoi tu fais ça, Lyra ?
— Parce que t'as encore une foutue chance de changer les choses. T'es pas juste une gamine avec du sang sur les mains. Tu peux faire plus. Être plus.
Ash la fixa. Pour une fois, elle ne répondit rien.
Lyra termina le bandage, resserra doucement le nœud et resta là, un instant, les yeux dans ceux d'Ash.
— Tu peux te relever ?
— On va voir…
Ash tenta de bouger. Elle gémit, mais parvint à se mettre à genoux.
— Lève-toi doucement, dit Lyra en l'aidant. Allez, on rentre.
— Rentrer où ? Dans ce camp où tout le monde me déteste ?
— Rentre avec moi. Le reste, on s'en fout.
Ash la regarda longuement, puis hocha lentement la tête.
La nuit était tombée. Le camp, silencieux, ne respirait plus que par les râles de ceux qui souffraient et le crépitement d'un feu mourant.
Ash fixait les flammes, perdue dans ses pensées. Leurs danses lui rappelaient une autre lumière… bien plus brutale.
Le feu d'une ville qui brûle.
– 3 ans plus tôt
Les sirènes hurlaient. Les bâtiments s'effondraient. Le ciel était noir, non pas de nuit, mais de cendre.
Tout avait commencé avec une simple loi.
Une loi qui obligeait les pauvres à donner "contribution vitale" au gouvernement. En gros ? Les plus pauvres devaient offrir un membre de leur famille aux Forces de Contrôle. Celles qui protégeaient les riches, les hauts quartiers, les élites.
Une loi votée un jour de pluie, pendant que le peuple n'avait même plus d'électricité pour voir les infos.
Des familles déchirées. Des enfants arrachés.
Ash s'en souvenait.
Sa mère, tremblante, l'avait cachée dans un placard le jour où ils étaient venus pour elle.
Elle n'était jamais revenue.
Peu après, les premières rébellions avaient commencé. Isolées d'abord. Puis coordonnées. Grâce à un nom qui commença à circuler : Gaby Fae.
Il parlait de justice. De reconstruire. De briser les chaînes. Il avait les mots. Le charisme. Et une sœur : Eden Park, chef de l'unité la plus redoutée de l'époque. Une unité censée écraser les soulèvements. Mais elle avait déserté.
Beaucoup voyaient Gaby comme un sauveur.
Ils ne savaient pas encore qu'il préparait autre chose.
Une autre forme de domination. Une autre guerre.
La guerre pour la reconstruction… sur des ruines qu'il aurait lui-même provoquées.
Et quand les deux camps se sont entre-déchirés — les anciens protecteurs et les nouveaux justiciers — il n'y avait plus de place pour les innocents.
Tout le monde saignait.
Ash, au milieu, avait tout perdu. Et depuis ce jour, la guerre ne s'était plus arrêtée.
Elle revint à elle, les yeux secs, mais le cœur lourd.
Lyra s'était endormie, roulée dans une couverture près du feu.
Ash serra les dents.
— Je me vengerai de vous tous, souffla-t-elle. Ceux qui ont déclenché ce bordel. Et ceux qui se sont servis de nous pour avancer leurs pions.
Elle attrapa une pierre et la lança dans les braises.
La guerre n'était pas terminée.
Elle ne faisait que recommencer.