Conseil Royal – Palais d’Ignésia
Sous les voûtes dorées du grand palais d'Ignésia, la salle du Conseil était en ébullition.
La Reine Elena, drapée dans sa robe d'un bleu profond orné d'or, était assise sur son trône, entourée de ses plus fidèles conseillers. Les flammes dansaient dans les lourds chandeliers de bronze, jetant des ombres tourmentées sur les murs couverts de tapisseries.
Un homme vêtu d'une simple tunique sombre s'avança : c'était l'informateur de la cour, messager discret des vérités dissimulées.
Il s’inclina profondément et prit la parole :
— Majesté, après de longues recherches, nous avons déterminé que l'attaque récente des barbares n'avait pas pour cible principale le village de Falyrias...
Les murmures s'élevèrent dans l'assemblée. Falyrias. Le village d’Aki et de Hana.
L'informateur continua :
— En vérité, leur véritable objectif était la grande province de Rajas, plus au nord. Le village de Falyrias n'a été qu'une malheureuse victime sur leur passage.
Un frisson glacé parcourut la salle.
La Reine fronça les sourcils, son regard se durcissant :
— D’où viennent ces barbares ? Quels sont leurs objectifs ?
L'informateur répondit d’une voix grave :
— Selon nos sources, c’est le roi Arlon de Forgen qui a orchestré cette attaque. Il comptait détruire Rajas pour déstabiliser notre frontière nord. Une fois cette province affaiblie, il prévoyait un assaut immédiat pour envahir Ignésia par surprise.
Un tumulte de voix s’éleva soudain. Le conseiller Morris, un homme au regard enflammé, se leva d’un bond :
— C'est un affront ! Majesté, nous devons leur répondre par la guerre ! Leur roi a souillé nos terres, osé lever la main sur vos sujets !
— Oui ! clama une partie des conseillers.
Mais le conseiller Kern, plus âgé et plus réfléchi, leva une main tremblante :
— Majesté, je crains qu'une guerre ouverte ne soit pas la solution. Notre royaume traverse une période fragile. La guerre serait désastreuse pour notre peuple et notre économie.
Morris tapa du poing sur la table :
— Allons donc, Kern ! Nous avons 120 000 soldats ! Et nos mages sont les plus puissants du continent ! En une journée, nous écraserions Forgen !
Mais l’informateur intervint avec prudence :
— Sauf votre respect, Messire Morris, vos informations ne sont plus à jour.
Il sortit un rouleau et déroula une carte récente.
— Forgen compte aujourd'hui près de 105 000 soldats, grâce à l'alliance des barbares… et à l'annexion du Royaume de Vessel.
Un silence de plomb tomba sur la salle.
— Le Royaume de Vessel ? demanda la Reine Elena, stupéfaite.
— Oui, Majesté. Après l'échec de leur attaque ici, Arlon a utilisé la même stratégie contre Vessel. Cette fois, il est allé plus loin : il a pris possession du royaume en trois jours.
La reine serra les accoudoirs de son trône.
— Pourquoi ne nous en a-t-on pas informés plus tôt ?
— Majesté, les frontières de Vessel sont totalement scellées. Personne n'entre ni ne sort. Les nouvelles sont arrivées par d'anciens réfugiés.
La Reine inspira profondément.
— Le Roi Arlon… cherche donc à bâtir un empire. murmura-t-elle.
Puis, d’une voix forte :
— Très bien. Nous resterons sur nos gardes.
Tous retinrent leur souffle.
— Nous n'agirons pas sans réflexion. Je refuse d'envoyer nos soldats au massacre.
Nous attendrons le retour du général Vern. Seul lui pourra évaluer la situation et définir la meilleure stratégie.
Morris voulut protester mais se ravisa devant le regard froid de la Reine.
— D'ici là, renforcez les frontières, surveillez chaque entrée et sortie du royaume, formez nos jeunes de l’Académie, mais sans les forcer. Quiconque souhaitera servir Ignésia pourra le faire.
— À vos ordres, Majesté !
La séance fut levée.
La tension resta suspendue dans l'air, lourde comme une tempête à l'horizon.
Le feu couvait sous les cendres. Ignésia était sur le point de s'embraser.
Académie Impériale d'Ignésia – Journée des Sélections
Le ciel était limpide ce matin-là, mais dans la grande cour d’entraînement de l'Académie, la tension était palpable.
C’était la journée des sélections.
Chaque élève devait passer une série d’épreuves physiques et de maniement d'armes pour être évalué.
Aki se tenait parmi eux, vêtu d'une simple tunique blanche, l’épée d'entraînement accrochée à sa ceinture.
Les regards autour de lui étaient lourds de jugements :
Fils de personne. Réfugié. Campagnard.
— Tss, pourquoi il est là, lui ? murmura un noble au manteau brodé.
Mais Aki ne répondit rien. Son regard vert, glacé, fixait l’horizon.
Dans sa poitrine, il sentait brûler un feu silencieux.
La première épreuve débuta : une course d’endurance à travers les terrains accidentés du domaine.
Dès le départ, Aki se plaça dans les premiers.
Ses jambes, habituées aux chemins escarpés de son village, semblaient voler sur la terre battue.
Sous les regards stupéfaits des maîtres d'armes, il termina quatrième sur une centaine d'élèves.
La deuxième épreuve fut le maniement de l'épée.
Face à une série de mannequins de bois, les candidats devaient porter des coups précis et rapides.
Aki s'avança, leva son arme…
BAM.
Son premier coup fracassa le torse du mannequin.
Avec une brutalité contrôlée, il enchaîna les attaques. Sa technique était brute, sauvage, mais diablement efficace.
Un murmure parcourut la foule.
Même les maîtres d'armes échangèrent des regards intéressés.
La troisième épreuve testait la réactivité : il fallait esquiver des projectiles en mouvement.
Ici aussi, Aki impressionna.
Il bougea comme le vent, se plia, tourna, bondit au dernier moment, esquivant pierres et flèches émoussées.
Il était rapide. Trop rapide pour un "simple réfugié".
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Duel officiel d'évaluation
Lorsque le maître d’armes annonça les duels officiels, Aki s’avança sans hésiter.
— Je souhaite me battre. déclara-t-il, la voix ferme.
Le maître d’armes hocha la tête.
Le destin choisit pour lui le même noble qui l'avait insulté quelques jours plus tôt.
Un duel inévitable.
Le jeune noble, arrogant, arborait un sourire méprisant.
— Je vais t’écraser, chien de paysan. souffla-t-il avant de se mettre en garde.
Le maître épéiste donna le signal :
— Commencez.
Dès le début, Aki prit l’avantage.
Il bougeait vite, esquivant les attaques du noble avec une aisance presque insultante.
Chaque fois que le noble attaquait, Aki déviait, évitait, et ripostait d’un coup précis qui aurait pu blesser s’ils avaient utilisé de vraies lames.
Le noble devint rouge de rage.
— Tiens-toi tranquille ! hurla-t-il en lançant une attaque désespérée.
Aki la para d'un mouvement souple, puis d'un balayage de jambe discret, fit tomber son adversaire dans la poussière.
Le noble, humilié, refusa d'abandonner.
Il se releva furieux et fonça à nouveau, frappant sans stratégie ni réflexion.
Aki esquiva encore. Il le tournait en ridicule.
Les spectateurs commencèrent à ricaner. Même certains maîtres d’armes souriaient.
Fou de colère, le noble tenta une attaque perfide, visant directement la gorge d'Aki.
Aki réagit, mais trop tard.
Sa parade détourna l’arme, mais laissa une entaille fine sur sa joue.
Un filet de sang coula.
Le regard d'Aki changea.
Froid. Tranchant.
Avec une explosion de puissance, Aki contre-attaqua.
Il frappa le noble d’un violent coup au dos qui fit tomber ce dernier à genoux… puis s’évanouir sous la douleur.
Un silence de plomb tomba sur la cour.
Le maître épéiste, qui avait tout observé sans un mot, s'approcha.
Il fixa Aki avec un regard dur mais fier.
Puis il déclara d'une voix grave :
— La sélection est terminée. Rendez-vous demain pour les résultats.
Aki rengaina son épée, les mains tremblantes non de fatigue… mais d’une rage froide.
Ce n’était que le début.
Pendant ce temps – Hana
De son côté, Hana poursuivait ses études.
Chaque soir, sous la lumière vacillante des lampes à huile, elle travaillait dur, relisait ses leçons, répétait à voix haute les mots difficiles.
Monsieur Lern était à ses côtés, patient, bienveillant.
Et ses efforts finirent par payer.
Un jour, alors qu’elle récitait un passage d’un vieux poème, un de ses professeurs — réputé sévère — s'arrêta soudain, surpris.
Il la regarda longuement, puis, d'une voix rare chez lui, déclara :
— Très bien, Hana. Tu progresses vite. Continue ainsi.
Hana sentit son cœur s'envoler.
Elle rougit de bonheur, serrant ses livres contre elle.
Petit à petit, elle prenait sa place dans ce nouveau monde.
Le soir, allongé dans son lit, Aki fixait le plafond.
Son cœur battait lentement, puissamment.
Il repensa à son village en flammes.
Au cri étouffé de sa mère.
Au froid insupportable de la fuite.
Il ferma les yeux.
Un jour, il deviendrait si fort que plus rien ne pourrait lui être arraché.
Ni sa sœur.
Ni ses amis.
Ni sa vie.
La sélection n’était que la première marche.
Et dans l’ombre de la nuit, il fit le serment silencieux :
> "Je deviendrai une épée.
Je brûlerai ceux qui menacent ce que j'aime.
Je deviendrai une flamme indomptable .