Chapitre 4 : RiftWatch

Point de vue de KOMA WORLD

Je m’enlevai de leur chemin pour me mettre en sécurité sur l’épais trottoir et chercher un endroit où me rassasier. Toutes ces mésaventures, ça m’a creusé. Je ne connaissais pas l’endroit, il m’était impossible de me repérer.

C’est très différent de chez moi. Là-bas, les bâtiments ne dépassaient pas les 4 étages. L’environnement était vert, des arbres de partout, des pâtés de maisons, des champs, des rues commerçantes... Ça s’apparentait plus à la campagne. Contrairement à ici, avec tous ces grands immeubles d’une cinquantaine d’étages, les larges routes fendant la ville en plusieurs morceaux, et ces ponts suspendus au-dessus de nous servant également au transport.

C’était la deuxième fois que j’étais en milieu urbain. La première fois, c’était à la capitale de l’île, en sortie scolaire avec des gens nous surveillant. Là, je suis livré à moi-même, ne sachant pas où aller et à qui demander de l’aide.

Une chance que les gens d’ici parlent ma langue. Peut-être que j’ai été téléporté à la capitale ? Depuis le temps que je n’y suis pas allé, elle a eu le temps de changer. J’ai presque aucun souvenir d’à quoi elle ressemblait à l’époque, je ne peux donc pas me référer à ça.

Si je suis vraiment de retour chez moi, ça me rassure. Je dois en savoir un peu plus pour en être sûr. Les sons des sirènes de police résonnèrent au loin pendant que les klaxons des voitures se déchainèrent à la suite du bouchon que j’ai créé à moi seul. Car oui, même si j’ai quitté la route, j’avais stoppé le trafic assez longtemps pour que l’arrêt persiste après mon retirement.

Je tournai sur moi-même pour trouver un endroit où me restaurer quand je vis une grande boutique, une enseigne vert brillant avec une supposée “sirène” sur le logo. Une jeune femme en sorti, sachet main gauche, mug en carton main droite. Je savais bien que je sentais une odeur alléchante pas loin. Je parle de la boutique, pas de la femme, bande de détraqués.

Je m’approchai du magasin. Le nom de l’endroit m’était lisible désormais : Starbucks. Jamais entendu parler. Plus j’explore, plus ma crainte de ne pas être à la maison se renforce. Je réfléchirai une fois le ventre plein.

Une fois dedans, je me fis agresser par la puissance de la clim. Il ne faisait pas si chaud que ça dehors, mais la clim était à fond. Je me transformai en bonhomme de neige petit à petit. Je fermai mon manteau en allant voir à la caisse.

“Bonjour Madame, je ne suis pas du coin donc je connais pas trop l’enseigne. Qu’est-ce que c’est ?”, dis-je timidement.

“Vous ne connaissez pas Starbucks ? De quelle année vous venez ?”, rétorqua-t-elle en me prenant de haut. Elle veut jouer à ça ? On va voir.

“C’est quoi une année ?”, ai-je répondu d’un ton sarcastique. Elle prit le talkiewalkie sur sa hanche.

“J’ai un fou en face de moi les gars... Je ne sais pas d’où il vient mais il est pas net.”, dit-elle aux personnes au bout du fil, pendant que je lui faisais un faux gros sourire.

“Je viens de StartIsland. C’est dans une autre dimension, vous ne devez sûrement pas connaître.”, rétorquai-je.

“C’est définitivement le fou du bus ce mec-là... Appelez une brigade de dépistage au plus vite s’il vous plaît.”

“Surveille-le, ils arriveront d’une minute à l’autre.”, répondit un homme au talkie pendant que la caissière le reposa. Ce n’est pas pour autant qu’elle n’essaya pas de me vendre les produits. Elle ne perd pas le nord celle-là.

Elle se tourna, leva la tête et me fit signe de regarder l’écran au-dessus d’elle. “Bon, qu’est-ce que vous voulez prendre ?”, dit-elle, l’air saoulé.

“Je ne sais pas, qu’est-ce que vous me conseiller ?”

“Bah tout ce qu’il y a sur la carte, c’est le but.”

“D’accord, je prends tout alors.”

“Qu-quoi ? Vous êtes sûr ???”

“Dépêchez-vous, j’ai faim.”

“Votre prénom ?”

“Comment ça ?”

“Bah donnez-moi votre prénom pour qu’on vous appelle quand votre commande est prête.”

“Koma”

“Votre commande est en cours de préparation, veuillez patienter s’il vous plaît.”

J’allai m’assoir à une table en attendant. Le lieu était plutôt joli. Les décos semblaient neuves. Même si la couleur verte des murs ne laisse pas indifférent... Faute de goût je dirai. Mais la légère touche de bois présente rattrape le tout. Oui, j’ai été décorateur d’intérieur dans une autre vie.

Je vis les plateaux se charger un à un de nourriture. Ils s’activaient en cuisine visiblement.

On m’appelait au comptoir. “LA COMMANDE DE KOMA !”. Je m’y rendis, le ventre gargouillant.

“Ça vous fera 327.49$ s’il vous plaît.”, dit un employé.

“C’est gentil, mais je n’ai pas de quoi payé.”, dis-je en empilant les plateaux les uns sur les autres.

“Mais vous êtes obligé de payer monsieur...”, rétorqua-t-il, sidéré.

“Ah merde. Je verrai après alors, merci.”, dis-je, m’en allant. Je retournai à ma table, m’assis, et vis mon prénom sur un des gobelets : Coma.

“PUTAIN MAIS ÇA VOUS ÉCORCHERAIT D’ÉCRIRE CORRECTEMENT LES PRÉNOMS BANDE D’ENCU...”, je ne finis pas ma phrase. Non pas pour m’auto-censurer, mais parce que j’avais trop faim.

Je me jetai sur la bouffe. J’ingurgitai le tout en un temps record, Kirby n’a qu’à bien se tenir. Les gens m’observaient, sans voix. Je me levai, et me dirigeai vers les toilettes pour me laver les mains. J’étais très maniaque pour mon âge. Tout le monde me le disait. Je déteste être sale. Une fois propre, je retournai à ma place.

Il y avait une chose que je voulais faire : regarder ma nouvelle montre. Au premier coup d’œil, elle ne ressemble en rien à une montre. C’est un boitier rectangulaire, plutôt fin, en aluminium noir mat, avec un écran au centre, du côté droit quelque chose qui semble être une caméra et un bouton molette en dessous. Le tout est fixé sur un bracelet lui aussi noir mat faisant la longueur de l’appareil.

Je l’allumai, et celle-ci prit la parole : “Bienvenue sur la RiftWatch ! La montre qui vous permet d’analyser vos pouvoirs, et votre puissance ! Êtes-vous un hôte ? Ou portez-vous cette montre juste pour le style ?”. Sur l’écran y était inscrit les deux choix sur lesquels je pouvais cliquer. J’appuya donc sur [Je suis un hôte].

“Très bien, analyse en cours...”. Le son étant très fort, les autres clients m’entendaient et me fixaient.

“Bordel comment on fait pour baisser le son de ce truc ?”, dis-je en tournant la montre dans tous les sens.

“Analyse terminée. Veuillez confirmer que vous êtes bien un humain.”

“Confirmé que je suis bien un humain ? C’est quoi cette blague ?!”. Je fis ce test rapidement.

“Test négatif. Vous n’êtes pas un humain.”, me dit la montre.

“PARDON ?!”, criais-je alors que déjà tout le monde me regardait. Ils rigolèrent.

“J’aimerai vous voir le faire, ce test. Vous ne pouvez pas savoir à quel point c’est dur de différencier un vélo d’une bouche d’égout.”, réagissais-je à leur moquerie.

Je retentai le test, et celui-ci fit enfin concluant. “JE T’AI EU, TEST DE MERDE !”.

“Voici ce que donne l’analyse.”, dit la montre.

“Alors... Voyons voir."

[Faille]

[Rareté : Violette.]

[Pouvoirs : Téléportation et voyages interdimensionnels.]

[Puissance de la faille : ∞.]

[Autre source de pouvoir trouvé en vous :]

[Rareté : ???. Pouvoirs : ???. Puissance : ??? ]

Est-ce que la montre se trompe ? L’analyse est fausse ?

Puissance infinie ? Et c’est quoi cet autre pouvoir ? Il n’y a aucune info là-dessus.”, dis-je sous le choc.

Je vis un autre onglet en haut à droit de l’écran : [Palier d’éveil]. Je cliquai dessus, quand un autre écran apparu juste au-dessus. La chose que je pensais être une caméra était en fait un projecteur d’hologramme.

“Mais c’est trop cool !”, dis-je, enthousiaste de ma découverte. Ce nouvel écran était beaucoup plus grand. Sa couleur violette n’était pas complétement opaque, on pouvait légèrement voir à travers.

Sur cette nouvelle page était inscrit :

[Augmentez la puissance de votre faille afin de débloquer d’autres pouvoirs et d’autres compétences. Vous saurez quels sont les pouvoirs de chaque palier une fois que vous les aurez acquit. Augmentez la puissance de votre faille augmentera aussi vos capacités physiques.]

“Je peux augmenter l’infini ?...”, dis-je toujours sous le choc. Ça me fait penser à ce qu’avait dit le vieux “Et si jamais un hôte tue un autre hôte possédant lui aussi une faille, la puissance de la faille de l’hôte mort s’accumulent avec celle de l’hôte qui l’a tué”.

“Si je veux m’améliorer, je dois tuer des gens ? C’est un peu rude comme méthode... Je dois m’entraîner pour maîtriser mes pouvoirs et devenir plus fort pour y arriver. Il me faut de l’équipement.”, continuai-je, tremblotant. Je serrai les poings.

“Je suis contraint de faire ça si je veux atteindre mon but. Et je l’assumerai coute que coute.”, dis-je en frappant la table. J’avais les sourcils froncés. Je m’énervais tout seul.

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Point de vue d’un CLIENT

Ce petit m’intrigue, mais qu’est-ce qu’il est bruyant sérieux... Depuis qu’il est entré, il gueule sans arrêt. Je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire de lui. Mais s’il a ça au poignet, c’est que c’est le destin.

Ses sourcils froncés nous montre qu’il est en conflit intérieur. Je ressens quelque chose venant de lui.

Pourquoi est-ce qu’il frappe la table ? Tape pas dans le mur gros... Tiens ? Ses yeux ont subitement changé de couleur, et une aura émane de son corps. Ce gamin est spécial. C’est sûr, il mérite de porter la création de mon frère.

C’est donc un hôte de 2ème classe. La couleur violette de son aura nous le prouve. Il a un grand avenir devant lui.

Pourtant, de visuel, on dirait un ado lambda. Il a des cheveux blonds courts, un visage assez rond, des lunettes aux bords arrondis cachant ses yeux bleus pétillants d’ambitions.

Il s’habillait plutôt bien pour un jeune : une tenue entièrement noire, il fallait oser. Des chaussures montantes noires, un pantalon noir, un pull en laine noir, et la touche finale, un long manteau noir. C’est classieux pour son âge.

C’est peut-être lui, celui qui nous sauvera tous. Je dois en avoir le cœur net. Je l’interpellai : “Eh, gamin”. Il se calma, et son aura diminua. Je me dirigeai vers lui, pour que notre discussion ne résonne pas dans la boutique. Je me tenais debout, devant sa table.

“T’es un hôte, pas vrai ?”, lui dis-je, d’un ton interrogateur.

“C’est pas comme ma montre le gueulait depuis tout à l’heure...”, rétorqua-t-il, sarcastiquement. Il a du cran, le p’tit, de parler comme ça à un adulte.

“Laisse tomber, c’est juste une idée stupide de l’auteur pour montrer que j’étais quelqu’un de spécial.”

“Je comprends mieux...”

“Sinon, c’est quoi ton prénom ?”

“Koma, et vous ?”

“John. Tutoie-moi, ça sera plus simple.”

“J’ai déjà vécu ça...”

Je le dévisageai. “Donc, d’où viens-tu, Koma World ?”

“Je ne t’ai pas donné mon nom de famille, ça devient flippant là.”, dit-il, inquiet.

Je montrai l’artefact à mon poignet. “Il n’y en a que deux dans ces infinités de monde. Tu as hérité de celle de mon frère. Et moi, j’ai la deuxième qui m’appartient. Nos montres sont liées, j’ai pu voir ton identité dessus.”

“Donc ton frère est...”

“Mort.”

“Non, je voulais dire qu’il était le vieux sur la vidéo...”

“Ah oui, aussi.”. C’était drôlement gênant comme discussion quand même, on a du mal à se comprendre. Ça va être compliqué...

“Toutes mes condoléances. Je suis sûr qu’il était quelqu’un de génial.”

“Donc pour toi, kidnapper, séquestrer et tuer des enfants pour des expériences c’est être génial ?”

“Tout sauf ça, bien évidement...”

“En dehors de ça, il n’était rien. Il n’avait rien de génial.”

“Elles doivent être sympa vos réunions de famille...”, conclut-il sur de l’humour.

C’est qu’il a de l’humour, le gamin. Quoi qu’il en soit, il est en mon devoir de l’entraîner. Je n’ai certes pas de pouvoir, mais j’ai des ressources.

“Et si tu venais me voir à mon travail ? Je t’ai entendu dire que tu voulais t’entraîner et maîtriser tes nouveaux pouvoirs. Passe me voir demain matin, je t’enverrai l’adresse sur ta montre.”, dis-je.

“J’y penserai.”, rétorqua-t-il.

“C’est quoi tes motivations ? Généralement, les possesseurs de faille voient ça comme une malédiction. Mais toi, j’ai l’impression que tu le vois comme une bénédiction.”, l’interrogeai-je.

“J’ai le pressentiment que je dois accomplir quelque chose. Si j’ai reçu ces pouvoirs, ce n’est pas un hasard. Je veux trouver les fragments de la faille noire.”

“Tu fais ça pour la gloire ? Ou pour le pouvoir, comme le Roi des Ombres ? ?”

“Aucun des deux je crois. Je veux seulement aider les gens.”

“C’est rare les gens comme ça, aujourd’hui.”

“Demain sera meilleur, comme on dit”.

J’acquiesçai. “Eh bien, à demain, Koma.”

Il me fit signe. Je me retournai, et sorti du magasin. Je marchai dans les rues mouvementées de la ville. L’odeur abondante de beuh m’agressait le nez. Pourquoi est-ce que tout est légal dans ce pays ?

Jeudi 7 décembre 2023. New York, États-Unis. 17h48. Je venais de rencontrer l’espoir de l’humanité. Celui dont j’entendais parler depuis toujours. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi barré... C’était un honneur, Koma. Je vais tout faire pour que tu deviennes celui que tu dois être. Compte sur moi, gamin.

Je suivais le chemin de la maison. Malgré le sentiment d’être en danger partout, la ville était agréable en hiver. La neige recouvrait le bitume. Les décorations de Noel illuminaient les alentours. On pouvait même entendre des chants d’hiver à chaque coin de rue. Ça contrastait drastiquement avec l’ambiance de base de la ville.

J’arrivai devant chez moi. Le capteur détecta ma présence, et alluma la lampe de dehors. J’ouvrai la porte, entrai, déposai mes affaires et me jeta sur mon lit. J’avais oublié un petit détail... “OÙ EST-CE QU’IL VA DORMIR LE GAMIN ???”.