Point de vue de KOMA WORLD
Je ne me souviens d’absolument rien de ce qu’il s’est passé la nuit dernière. Je n’ai pas bu, rassurez-vous. L’âge minimum pour boire ici est de 21ans, quelle tristesse. Chez moi, il n’y avait pas d’âge. C’est peut-être pour ça qu’on est tous ravagés là-bas... Et je n’étais sûrement pas l’exception à la règle.
Quoi qu’il en soit, le sans-abri avec lequel j’ai visiblement dormi sur le banc vient de me réveiller pour me dire qu’il repartait errer dans les rues. Qu’est-ce que j’ai foutu ? Tout est flou, mise à part la course poursuite...
Remise dans le contexte : vous devez sûrement vous rappelez d’hier, vous. Ma rencontre avec John dans le café. Eh bien, juste après ça, je me suis enfui. La brigade de dépistage est arrivée j’ai pris mes jambes à mon cou. De plus, je n’avais pas payé l’addition, donc la sécurité de là-bas s’est jointe à l’équipe et m’ont coursé pendant plus de 40min... Heureusement que la faille améliore mes capacités physiques, je n’aurais jamais tenu la cadence sinon.
En parlant de John, ça me rappelle que je dois aller le rejoindre à son travail. Je regardai ma montre et vu l’heure : il n’était que 9h11. Je vis également que John m’avait envoyé l’adresse sur l’appareil. Je cliquai, et une flèche géante apparaissait devant mes yeux.
“Tournez à droite.”, me dit la montre. Pour être sûr que je ne sois pas devenu fou, je rappelai le sans-abri et lui demandai si lui aussi voyait l’énorme aiguille présente sur la route.
Ses gestes me firent comprendre qu’il ne la voyait pas, mais qu’il me prenait également pour un fou. Décidément...
Je me levai du banc, et suivis le guide sans réfléchir.
Je pressai le pas, par peur d’être en retard à mon rendez-vous. Même s’il ne m’a pas donné d’heure fixe, on n’est jamais trop prudent. Marcher dans ces rues, les découvrir pour la première fois avec cette ambiance, c’était juste incroyable. Je ne savais toujours pas où j’étais, mais je profitai des somptueux décors de la ville. La brise refroidissait mes joues.
Chez moi aussi, l’hiver était apprécié. L’air était agréable, et la neige recouvrait les forêts. Je n’eus jamais l’occasion de pouvoir faire des batailles de boules de neige. J’étais fils unique avec des parents constamment occupés et absents. Je m’occupais souvent seul. Je n’avais personne avec qui jouer, pas même des amis. Je n’en ai jamais eu, et je ne cherchais pas à en avoir.
Peut-être allez-vous me trouver bizarre, mais peu m’importe. J’ai vécu comme ça jusqu’à aujourd’hui. Et je me suis fait à l’idée de mourir comme ça aussi. Je n’étais pas doué en relation, quelles qu’elles soient. Pas de relation amicale, pas de relation amoureuse et je foirai celle avec mes parents. Je me suis toujours dit qu’ils me détestaient, qu’ils me regrettaient parce qu’ils me trouvaient bizarre.
Et je l’étais. Je le suis encore. Et je le serai toujours. Pour moi, personne ne change réellement. On veut nous faire croire que c’est possible, mais ça ne l’était pas. Le changement ne sera que temporaire, vous redeviendrez le même après.
Un conseil, ne changez pas. Encore moins pour les autres. Restez comme vous êtes. Faites les choses pour vous et vous seul.
Le temps passe vite, quand on réfléchit. J’étais déjà arrivé à destination. Le bâtiment, que dis-je, la tour était gi-gan-tesque. Je levai la tête pour en voir le bout, mais le soleil me brûla la rétine. J’ai seulement pu voir le logo vivant sur le devant de la tour. C’était des planètes tournant en rond.
Quand j’entrai dans le hall, celui-ci m’émerveilla : tout était moderne et futuriste. Les murs, le sol et le plafond étaient en marbre blanc, recouverts de mobiliers en bois de chêne. En plein milieu de la pièce était placée une belle et grande fontaine en pierre, surplombée elle aussi de planètes tournoyantes.
Une voix artificielle m’accueilli :
“Bienvenue dans la tour “Sciences”, la tour la plus scientifiquement et technologiquement avancée du monde. De ce monde-là, du moins. Rendez-vous à l’accueil pour plus de renseignement.”
“Ça promet dit donc !”, dis-je en avançant vers l’accueil, tournant doucement sur moi-même pour regarder les moindres détails décoratifs. J’étais réellement fasciné par le lieu. C’est mon âme scientifique qui prend le dessus ici.
“Bonjour jeune homme ! C’est pour ?”, me dit la femme de l’accueil.
“Je cherche un certain John, il m’a donné rendez-vous ici.”, rétorquai-je.
“Vous avez un mot écrit ou quelque chose qui prouve cela ?”
J’eus à peine le temps de retrousser ma manche que celle-ci continua. “C’est bon, je vous crois. Vous avez la même montre que M.John. Tenez, prenez le badge. Scannez le dans l’ascenseur, il vous emmènera directement au bon étage.”
Je pris le badge, secouai la tête en gage de remerciement et me dirigeai vers l’ascenseur. Traverser l’entièreté du hall semblait une éternité, j’avais l’impression d’être dans mon lycée.
D’ailleurs, comment je vais faire pour les cours ? Je ne sais pas pour combien de temps je serai ici. Et mes parents ?... Leur fils n’est pas rentré depuis 1jour, ils doivent s’inquiéter. J’aimerai leur dire que je vais bien...
Est-ce que le temps s’écoule pareil ici ? Ça se trouve, une journée ici équivaut à 1an chez moi... Je demanderai à John.
En attendant, j’étais arrivé devant les portes de l’élévateur. Celles-ci s’ouvrèrent avec un son de cloche et j’entrai. La cabine était très grande, elle pouvait accueillir jusqu’à 20personnes. Elle était bien plus grande que ma chambre...
La même voix qui m’a présenté la tour dans le hall prit la parole quand je passai mon badge sur la borne : “Direction le 30ème étage. Accrochez-vous bien.”
“Hein ? Pourq...”, n’ai-je pas eu le temps de finir. L’ascenseur allait vite, très vite. “PUTAIIIIN IL TRACE CET ASCENSEUUUUR”, criai-je en me tenant à la barre en métal. Je vis mon reflet dans le miroir : mon visage se déformait.
Arrivé à l’étage, les portes s’ouvrèrent avec le même “ding” qu’en bas. Je m’empressai d’aller vomir dans la poubelle la plus proche.
“Je savais pas qu’on était à la fête foraine...” ai-je dit avant de revomir, quand John passa à ce moment-là.
“Bonjour Ko... LA VACHE ÇA VA ? C’est l’ascenseur qui t’a mis dans cet état ?”, m’interrogea-t-il.
“Non, c’est l’alcool...”, rétorquai-je. Il alla dans les toilettes me prendre du papier. Il me les rapporta.
“Merci...”, dis-je en m’essuyant la bouche. “Je vais aller vite fait aux toilettes, histoire d’être un peu plus présentable.”
J’entrai dans les toilettes. Ceux-ci reprenaient l’esthétique globale de la tour, avec du marbre et des meubles en bois. La faible lumière orangée donnait presque un charme à une pièce qui n’en a pas forcément besoin.
Je me lavai le visage, me rinçai la bouche et me séchai le tout. J’étais tout neuf maintenant. Je ressortis des WC, un peu gêné. John m’attendait, appuyé contre un mur, regardant son téléphone.
“T’as fini, vomito ?”, me lança-t-il.
“On peut y aller.”, répondis-je, un poil énervé.
On entra dans les labos. J’étais encore traumatisé de ces pièces, à cause de ce qu’il s’est passé là-haut... J’espérais qu’il ne s’y attarde pas trop.
“Ici, c’est la partie technologique de la tour, là où je travaille en tant que patron.”, m’expliqua-t-il.
“Il ment, il est juste stagiaire.”, dit l’un des employés présents.
“Brandon, t’es viré.”, répondit John.
“Et merde...”, dit-il.
“Hum, je disais. C’est ici que sera fabriqué l’équipement que t’auras besoin.”, continua-t-il.
Pour le coup, c’était différent des labos dans la station. Les machines ici semblaient de dernier cri, et la déco était aussi moderne que le reste de la tour. Il y avait tout de même une ambiance sombre, semblable à celle des toilettes, de par la faible luminosité et aux couleurs de la pièce.
Les employés étaient concentrés dans leurs différentes tâches. Ils ne détournèrent pas le regard pour voir qui était le petit nouveau.
Je m’assis sur un tabouret pivotant, et tourna sur moi-même. John reprit la parole. “Mais avant cela, tu vas devoir t’entraîner. Suis-moi.”
Il me conduisit dans une pièce spéciale. De ce qu’il m’a dit sur la route, elle permettait de contenir les pouvoirs des failles, pour éviter les excès. Elle aurait été conçue spécialement pour les gens comme moi.
Pendant qu’on marchait jusqu’à la fameuse salle, je remarquai que l’étage était immense, un vrai labyrinthe. On a mis 5min à arriver à destination, même en prenant des raccourcis.
“C’est ici.”, dit-il en pointant du doigt les grandes portes, avant de s’en approcher et de les ouvrir. On entra. J’étais ébahi. “Pourquoi est-ce que c’est...”, il me coupa la parole pour dire “...Plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur ?”.
“Comment c’est possible ?...”, dis-je en analysant la pièce.
“Technologie extraterrestre prise dans une autre dimension. Ils sont très sophistiqués, là-bas. Tu devrais y faire un tour un jour, les environnements sont époustouflants. En espérant que les lecteurs aient la référence...”, me dit-il.
“Est-ce que tu viens encore de...”, dis-je avant qu’il ne me coupe la parole. “...Briser le 4ème mur ? Absolument. Tu sais, il n’y a pas que le perso principal qui a le droit à des avantages.”, dit-il. “Fini de rigoler, passons à ton entraînement.”, rajouta-t-il.
Il partit chercher une machine de baseball et me dit “Première chose, ton pouvoir de téléportation. Cette machine va t’envoyer des balles en hauteur, et tu vas devoir vite te téléporter de balle en balle pour les récupérer et toutes les mettre dans ce panier. Prêt ?”
“J’ai pas trop le choix je crois...”, dis-je dépité, en enlevant mon manteau.
“Parfait. Trois. Deux. Un. FEUX !”, décompta-t-il.
“Quoi-”, dis-je avant d’essayer de rejoindre la balle. Je ne maîtrisais pas mes pouvoirs, je me pris donc le mur... “Ouchhh...”, dit John, grimaçant. Il lança une autre balle.
Cette fois-ci, je réussis à me téléporter sur la balle. J’étais plutôt fier de moi. Je tenais fermement la balle en l’air en guise de trophée avant de la mettre dans le panier. Je retournai vers John.
══════════ ✦ ══════════
Point de vue de JOHN
“VOILA ! BRAVO ! On augmente la difficulté maintenant : Vitesse fois 100.”, le félicitai-je avant d’appuyer sur le bouton.
“Fois quoi-”, s’exclama-t-il quand des dizaines de balle sortirent du canon en une seconde. Il avait fermé ses yeux pour se concentrer avant de se téléporter sur chaque balle et les mettre une par une dans le panier. Il était rapide. Je n’ai réussi qu’à voir les éclairs et la trainée produit par sa vitesse. J’arrêtai le canon.
Il se téléporta vers moi et me nargue “Trop facile, ton truc.”
“J’ai jamais vu une aussi grosse facilité scénaristique de toute ma vie.”, lui avouais-je.
“Je dois prendre ça pour un compliment ?”, rétorqua-t-il.
“Plutôt oui...”, dis-je en lançant la dernière balle restante dans la machine. Mais j’eus à peine le temps d’enclencher la commande qu’il m’avait déjà ramené la boule. “Bon reflex ! Et surtout, bon toutou.”, lui dis-je en souriant.
Il me la lança à la gueule. J’ai eu mal, très très mal. J’avais oublié que toutes ses capacités physiques avaient été augmentées. Je lui tendis une barre de fer.
“Tiens, essaye de la plier.”, dis-je. Il la prit, la plia en deux et l’agita devant mes yeux. “Ah oui, effectivement... Essaye de sauter pour voir.”, répondis-je à son action.
Il prit de l’élans, sauta, et se planta droit dans le plafond avant de se re-téléporter au sol, mains sur sa tête à cause de la douleur.
“C’est bientôt fini, mais il reste encore une chose, tiens avant.”, dis-je en lui tendant une poche de glace. Il posa le froid sur son crâne, pendant que je sortis une télécommande de ma poche. Je cliquai sur le bouton du milieu, et des plateformes volantes apparurent de partout dans la pièce.
“Tu ne dois utiliser que tes capacités physiques ici, pas de triche. Mais fais attention, il y a des pièges.”, ai-je dis en m’asseyant, bras et jambes croisés. Voyons voir comment le gamin va s’en sortir.
══════════ ✦ ══════════
Point de vue de KOMA WORLD
Je dois aller sur le parcours, sans savoir à quoi m’attendre. Pourquoi dois-je compter que sur mes capacités physiques ? J’ai des pouvoirs maintenant, et là je dois m’en passer...
Je comptais une vingtaine de plateformes, toutes éloignées les unes des autres. Il y avait des aides pour passer d’un niveau à l’autre, comme des barres suspendues sur lesquelles tourner pour se propulser, des zones dites “rebondissantes” qui te font sauter plus haut pour atteindre une autre plateforme, comme celle du début, ou encore des courants d’air qui s’activent quand tu tapes assez fort avec le pied.
Ça, c’étaient mes alliés. Je n’ai encore aucune info sur mes ennemis. Il y aurait des pièges invisibles ? Je m’élançai tout de même, tête haute. La zone de départ m’emmena au niveau d’après. Je courus en analysant tout ce qui pouvait être contre moi. Mon pied se posa accidentellement sur une corde tendue.
Un pilier horizontal sortit du mur à ma gauche, se dirigeant sur le haut de mon corps. Malgré ma surprise, je réussis à mettre mon dos en arrière pour l’éviter. J’ai eu chaud. Je continuai ma route, quand un pilier surgit du sol, droit dans mon ventre.
Il me projeta en l’air, à plusieurs mètres de la plateforme, ce qui me fit cracher de la salive. Je retombai sur le dos, me tordant de douleur...
“T’es sûr de ton coup John ?...”, dis-je, presque sans voix.
“Je t’ai dit de faire attention. Lève-toi.”, répondit-il. Je fis ce qu’il m’a dit. Je me suis relevé, plus motivé que jamais. Je continuai le parcours.
Arrivé à la moitié, des flammes sortirent d’au-dessus. J’eus le temps de faire une roulade pour me rendre en zone sûre.
Une plaque rebondissante m’attendait. Je me mis dessus, et celle-ci me propulsa à la plateforme suivante. Mais quand je fus en l’air, je vis des piques sortirent de là où je devais normalement atterrir. Je paniquai, je ne voulais pas finir en broche à kebab.
Je pris donc appuie sur le mur pour descendre petit à petit, et quand j’allai toucher le piège, je sautai du mur pour me lancer de l’autre côté. La suite du parcours s’est passée sans accros. Grâce à mes reflexes, je réussis à déjouer tous les pièges restants.
Sur le dernier niveau, des piliers apparurent de toute part. Mon corps étant beaucoup plus léger qu’avant, je réussis à me mouvoir sans me faire toucher.
Je franchis la ligne d’arrivée, mais le sol s’ouvra. J’étais en chute libre. J’ai paniqué et je me suis téléporté à John.
“T’as triché, recommence.”, me lança-t-il, froid comme l’hiver.
“Hors de question, j’ai franchi la ligne.”, répondis-je.
“Comme tu voudras. Fin de l’entraînement.”
Son comportement a changé. Lui qui était d’habitude gentil et souriant, est devenu quelqu’un qui agissait comme mon ennemi. Peut-être était-il fatigué ? C’est sûrement ça.
“Tu veux boire quelque chose ?”, me demanda-t-il.
“Volontiers.”, dis-je en remettant mon manteau.
On partait dans le bar de l’étage. Eh oui, ils ont un bar au travail, la chance... On s’installa au comptoir, quand le barman vient nous voir.
“Que puis-je pour vous, messieurs ?”
“Whisky pour moi.”, dit John.
“Deux, alors.”, dis-je avant de me faire dévisager par les deux adultes. “Je rigole, Virgin Mojito pour moi.”, me rattrapai-je.
L’homme partit préparer nos boissons.
“Ça va, John ? T’as pas l’air dans ton assiette.”, l’interrogeai-je.
“Je repensais à mon fils, quand il avait ton âge. La nostalgie m’a frappé, c’est tout.”, répondit-il.
“Comment il s’appelle ?”
“Il s’appelait Luke.”, dit-il, la tête baissée. Je ne savais pas qu’il avait un fils. Et encore moins que celui-ci était décédé.
“Qu’est-ce qu’il s’est passé ?”, demandai-je quand le barman apporta les boissons.
“Rien, ce n’est pas important.”, rétorqua-t-il en allant prendre son verre. Je lui attrapai l’avant-bras avant qu’il puisse l’atteindre. “Raconte.”, m’énervai-je. Je sentais qu’il se passait quelque chose à l’intérieur de moi. Il se calma, et se rassit sur le tabouret. Ça se voyait, qu’il n’était pas bien.
“Il traînait beaucoup trop avec son oncle. Il était souvent en contact avec la faille que tu portes en toi. Et peu après ses 17ans, il fut hospitalisé. Les radiations l’ont infecté intérieurement. Son corps ne l’a pas supporté, et il en est décédé... Pardon...”, raconta-t-il avant de fondre en larme.
“Je suis désolé pour toi John, sincèrement.”, dis-je en posant ma main sur son épaule droite.
“C’était il y a plus de 10ans, mais j’ai l’impression que son fantôme me hante encore, qu’il m’en veut.”. Sa voix était tremblante.
“Pourquoi t’en voudrait-il ? Ce n’est pas de ta faute John.”
“Il y a quelques années, j’avais été envoyé en mission pour tuer quelqu’un qui faisait des expériences dangereuses sur des enfants. La mission se passait bien, jusqu’à ce que je sois devant la cible, et que je découvre que c’était mon frère que je devais tuer. J’en étais incapable. J’ai rangé mon arme en lui demandant pourquoi est-ce qu’il faisait cela. Il m’a dit que c’était le chemin à suivre. Luke est mort quelques mois après. Si seulement j’avais accompli ma mission...”
“Les radiations le rongeaient déjà sûrement. Tu ne pouvais rien y faire.”
“Quand tu as mentionné StartIsland hier, l’endroit où mon frère faisait ses expériences, j’ai tout de suite prêté attention à toi. Et j’ai vu sa montre à ton poignet.”
“Pourquoi m’aider alors ? Je veux dire, je porte deux choses qui causent ton mal-être, alors pourquoi tant vouloir m’aider ?”, lui demandai-je.
“Pour éviter qu’un autre gamin ne meurt par ma faute, une nouvelle fois.”, répondit-il en prenant une gorgé d’alcool. “Je t’aiderai à maîtriser ta faille, pour ne pas qu’une autre personne n’en succombe.”, continua-t-il en séchant ses larmes. Ses mains étaient crispées.
“Merci, John.”, dis-je en bougeant la tête.
“Assez parlé de moi. J’ai des questions indiscrètes à te poser, moi aussi.”
“Je t’écoute.”
“Tu m’as dit que tu t’appelais Koma World, n’est-ce pas ? Mais tu n’as pas mentionné le ‘S.’ présent après ton prénom.”
“Le quoi- ?”, répondis-je dans l’incompréhension totale pendant qu’il me montra l’écran de sa montre.
“Regarde : Koma S. World”, dit-il en me montrant.
“Ce doit être une erreur.”
“Les ordinateurs interdimensionnels ne se trompent jamais.”
“Je suis toujours la première fois des gens, sache-le.”, finis-je.
Il me regarda bizarrement avant de retrousser sa manche puis dit “Je ne t’ai pas encore parlé des ordinateurs interdimensionnels. Ce sont des machines qui connaissent tout de chez tout. Les moindres fractions de secondes dans chaque univers. Ils ont connaissance de chaque être.”
“Et à quoi ça sert, concrètement ? C’est bien tout ça, mais ce n’est pas utile pour nous, si ?”, répondis-je. Il se redressa et mit les mains sur le bar.
“Dans chaque dimension, il y a une version alternative de nous. Les 8milliards d’humain sur cette planète sont les mêmes sur les autres. Ils sont intérieurement les mêmes, mais ne se ressemblent pas ou n’ont pas les mêmes idées. Les ordinateurs nous aident donc à retrouver les fragments de nous-mêmes. Si un jour tu réussis à rassembler la faille noire, tous ces êtres seront alors réunis en un seul, comme les dimensions.”, m’expliqua-t-il.
“Ça veut dire que si j’y arrive, je vais disparaître ?...”
“Sauf si tu es la version de base.”
Je baissai la tête. J’avais peur, maintenant.
“Encore faut-il que t’y arrive, gamin. Personne n’a réussi en presque 100 années.”, continua-t-il.
“Je compte bien le faire.”, dis-je.
“Parfait. J’ai d’autres questions. Qu’elles sont les limites de tes pouvoirs ?”
“Quand j’ai regardé ma montre, elle m’a dit que je pouvais me téléporter que dans un rayon d’un kilomètre, du moins sans améliorations de puissance. Et pour le voyage interdimensionnel, elle m’a dit qu’il fallait que je remplisse une jauge de puissance pour changer de dimension. Elle m’a aussi dit que je pouvais me téléporter dans les dimensions que j’ai déjà visitées sans avoir à remplir la jauge.”
“Intéressant... Mais ça voudrait dire que tu serais déjà venu ici ?”
“Aucune idée. Mais je me suis déjà fait la réflexion, effectivement. Quand je suis arrivé, j’ai eu ce sentiment de déjà-vu. J’avais l’impression que j’étais déjà venu ici.”
“Bizarre tout ça. Merci pour tes réponses. Il va être 13h, je dois bosser moi.”, conclut-il en se levant. Je fis de même, on salua le barman, et sortit de la pièce.
“Avant de te laisser, j’avais quelque chose à dire. Tu as été aperçu par des caméras dans la ville. Tu as donc été recensé. Pour éviter les soupçons sur ton identité, tu vas devoir mener la vie d’un adolescent banal. Je t’ai inscrit dans un lycée pas loin d’ici, tu commences lundi.”, dit-il.
“Putain, moi qui pensais en avoir fini avec tout ça...”, dis-je, déçu.
“Ne t’en fais pas, ça ne va durer que le temps de ton entraînement. Je te rappelle que tu vas quitter la dimension après.”
“Ça sera des mois de trop...”, me plaignis-je.
“Mais pendant que t’es là, la ville a besoin de quelqu’un sur qui compter. Le taux de criminalité à augmenter depuis quelques années. Utilise tes pouvoirs pour aider les gens, Koma. Je te laisse désormais. Va au labo pour te fabriquer un masque, un héros ne doit jamais montrer son vrai visage.”, finit-il, avant de s’en aller.
Qu’est-ce que je viens d’entendre ? Il s’est cru dans un de ces films de super-héros qui passent parfois au cinéma. Ça n’a jamais été trop mon truc. Ou peut-être que les films créés sur l’île étaient tout simplement mauvais...
Quoi qu’il en soit, ici, je dépends de lui. Il est le seul à pouvoir m’aider ici, autant l’écouter pour satisfaire son égo déjà un tant soit peu surdimensionné...
Je fis donc ce qu’il m’a dit : aller au labo. Quand je passai les portiques, ceux-ci se sont mis à sonner. L’un des laborantins s’est précipité pour venir me voir, légèrement angoisser.
“Les capteurs ont détecté une quantité anormale d’électricité dans ton corps, laisse-moi voir ça.”, me dit-il en approchant un appareil pas du tout rassurant de mon corps. Je fis un bon en arrière, surpris.
“Ne t’en fais pas, ça ne fait pas mal. C’est seulement pour trouver où se situe l’anomalie.”, essaya-t-il de me rassurer en bougeant l’objet tout autour de moi. Une fois le test terminé, il s’appuya sur le bureau derrière lui, la main sur le front.
“Tu... Tu ressens des démangeaisons qui parcourent ton corps ?... Ou d’autres choses potentiellement mortelles en toi ?”, m’interrogea-t-il, abasourdi.
“Rien ne me dérange, je vais très bien. Donnez-moi ça.”, dis-je en lui prenant son appareil. J’essayai de comprendre ce qui était inscrit, mais c’était trop dur pour moi. Je lui tendis son capteur.
“Il faut faire encore plus de test.”, me dit-il en me regardant droit dans les yeux, inquiet.
“Je suis un peu occupé pour l’instant, c’est urgent ?”
“Fais vite.”, conclu-t-il.
Je lui fis un signe de tête, et m’en alla voir leur chef. John me l’avait brièvement présenté tout à l’heure, mais étant occupé, on n’a pas pu s’y attarder. J’allais découvrir le boss de cet étage qui me fascine tant.
Je toquai à sa porte et entrai quand celui-ci m’en a autorisé. Je refermai la porte derrière moi, et posa mes yeux sur l’homme. Il devait être dans la même tranche d’âge que John, la cinquantaine je dirais. Des cheveux gris-noir mi-long plaqués en arrière, des lunettes avancées jusqu’au bout de son nez, un visage pointu touché par la vieillesse avec la présence de quelques rides, des yeux verts pétillants et une tenue différente de ceux travaillaient à cet étage.
Cole. C’était son prénom. Tout chez lui était charismatique et installait une pression à sa simple présence dans une pièce. J’avais peur de lui, ne sachant pas quel genre de personnage il était.
“Assieds-toi, gamin, je ne vais pas te manger.”, dit-il, absolument pas rassurant.
“Oui pardon.”, répondis-je en m’installant.
“Alors comme ça on pète mes appareils dès le premier jour ?”
Il doit sûrement parlé des capteurs à l'entrée. “Désolé pour le désagrément monsieur...”
“Ne t’en excuse pas, John nous a dit que tu étais spécial. Même si, sans te mentir, on ne s’attendait pas à autant. On ne croise pas souvent d’hôte dans le coin, et on leur parle encore moins. C’est un honneur de t’avoir en face de moi, Koma.”
Ne sachant pas quoi répondre, j’acquiesçai seulement, en déglutissant à chaque fin de ses phrases.
“John m’a dit que je devais passer vous voir pour me créer un accessoire. Un masque, plus précisément. Je dois être à visage couvert pour... faire certaine chose.”
“On ne va pas s’arrêter qu’à un masque, tu peux créer ce que tu veux ici, ne te brides pas.”
“Je veux juste un masque, pour l’instant. Le reste je verrai après, le moment venu.”
“Bien.”, dit-il en tournant vers moi l’ordinateur portable présent sur le bureau. “Dis-moi lequel tu préfères.”
Il y avait une dizaine de masque, tous différents les uns des autres. Je ne savais pas si je devais opter pour un design discret, ou alors extravagant. Ils me plaisaient tous. Mais il y en avait bien un qui sortait du lot : un masque noir mat, petit et minimaliste, avec deux crocs violets répartis de chaque côté de la bouche.
Alors que tous les autres recouvraient la totalité du visage, celui-ci occupe que la moitié, s’arrêtant juste au-dessus du nez, recouvrant également les oreilles. Je lui montrai mon choix.
“Excellent. Des oreillettes internes sont placées de chaque côté, afin d’être toujours au courant de tout. Pratique, n’est-ce pas ? C’est également le seul parmi la sélection qui est accompagné d’une superbe capuche, permettant de cacher le reste du visage.”, répondit-il, comme s’il essayait de me le vendre.
“Quand l’aurais-je ?”, demandai-je.
“Dès aujourd’hui. Je lance l’impression.”
“Pardon ?”, dis-je étonné de ce qu’il vient de me dire. Il me fit seulement un sourire, me laissant comprendre que je devais quitter la pièce.
Je m’exécutai donc, et sortis avec des étoiles dans les yeux. J’allais être l’un de ces justiciers masqués qui n’étaient visibles que dans les films. J’allais enfin être quelqu’un d’important.
Je fermai à nouveau la porte derrière moi, et me dirigeai vers l’homme de tout à l’heure. Quand il me vit, ses yeux s’ouvrèrent instantanément et ses sourcils se levèrent, comme s’il était content de me voir. Ou juste rassurer...
“J’ai oublié de me présenter tout à l’heure, moi c’est Greg. Je suis le responsable de ce labo. Du moins je donne les ordres que Cole me donne... Mais pas le temps de trop raconter ma vie, c’est urgent. Pour la faire courte, tu es une pile humaine.”, me dit-il.
“Je crois qu’il me faut plus d’info pour comprendre...”, répondais-je.
“Une faille contient de l’énergie électrique. Et une faille violette comme la tienne en contient énormément. Mais la tienne transforme cette énergie en pouvoir. Normalement, l’électricité reste à sa source : le cœur. Toi, elle se propage partout dans ton corps, et risque d’en déborder si tu ne la maîtrise pas correctement. Entre autres, tu peux finir par t’auto-consommer.”
Il me disait ça avec tellement de calme que ça pouvait finir par me rassurer de ma situation. Mais la tête qu’il faisait en me parlant me fit comprendre le contraire : j’étais en danger.
“Ne t’en fais pas, tu seras bien encadré ici. On t’aidera à maîtriser ce trop-plein d’énergie en toi.”, continue-t-il. C’est le minimum à faire, connard.
“Si tu veux bien me suivre, on va commencer les tests.”
On traversa tout le labo pour arriver à destination. Il s’arrêta quelques instants devant une paillasse, semblant chercher quelque chose. Quand il trouva le badge, il ne dit pas un mot, le récupéra et on repartait déjà. On s’arrêta à nouveau, mais cette fois, on était arrivé à destination.
C’était une grande bibliothèque présente au fond de la pièce. Un bip retentit, et le mur se sépara en deux de chaque côté, dévoilant la salle secrète remplit de machines en tout genre... Je sentais mon rythme cardiaque s’emballé au fur et à mesure de mes découvertes. L’odeur métallique de la pièce m’agressait les narines.