Deux reines, un clown, un peu de foudre, et un souvenir doux dans l'éternité.
Être une reine n'empêchait pas d'avoir des passions et même lorsque l'on était l'une des entités les plus redoutées du Multivers, vêtue de silence et d'éclairs bleus, on pouvait, certains soirs, désirer quelque chose de très simple très humain presque fragile ce soir-là, Saphira Noctielle, reine de la tour bleue, voulait simplement aller au cinéma avec sa sœur la destination ? Mégaplexe Dimensionnel 9 un monument cosmique en perpétuelle expansion, bâti à la jonction de soixante-deux genres cinématographiques, douze réalités alternatives et trois paradoxes temporels les affiches flottaient dans le ciel comme des étoiles publicitaires, les projecteurs dansaient autour du bâtiment en traçant des constellations d'images, et les portails affluaient d'une infinité d'univers, créant une file d'attente aussi bigarrée que le chaos narratif lui-même Saphira marchait doucement, un livre glissé sous le bras, sa poupée Élya calée contre elle ses pieds nus glissaient sur le sol en verre étoilé, dessinant à chaque pas de minuscules spirales de lumière À ses côtés, Diva, plus rapide, plus vive, plus Diva casquette rouge à l'envers, sourire prêt à casser une galaxie, elle mâchait des popcorns avant même d'être entrée elle sautillait, frétillait presque, ses éclairs rouges pétillant à chaque mot « Ça sort aujourd'hui ! ça ! de Stephen King ! » cria-t-elle, tournant sur elle-même.
Saphira hocha lentement la tête « Je veux voir ce qu'il fait de la peur du regard qu'il lui donne » Diva bondit comme un feu d'artifice d'enthousiasme pur « Moi j'veux juste voir un clown se faire exploser par une gamine. » elle claqua des doigts, et deux tickets apparurent en plein vol, gravés en lettres rouges séance privée salle rouge popcorn infinis Saphira se pencha vers Élya, comme pour se confier à elle plus qu'à sa sœur « Je crois qu'elle est plus excitée que moi »
devant l'entrée, la file d'attente se déployait dans l'espace-temps humains, extraterrestres, dieux secondaires, robots artistes, narrateurs désincarnés un bestiaire narratif infini mais lorsqu'elles approchèrent, une alarme douce mais insistante se mit à chanter dans les murs « Attention : énergie cosmique divin pure détectée » le personnel recula instinctivement puis s'inclina « Dame Saphira, dame Diva. La salle vous attend déjà. », « Heureusement », grogna Diva en bondissant dans un siège flottant «J'ai pas envie qu'un mortel me vole mon fauteuil premium » a salle rouge était digne d'elle les fauteuils étaient des nuages compressés, tièdes, douillets, silencieux un trône miniature, parfaitement taillé à la taille de Saphira, s'était matérialisé à son arrivée, recouvert d'une couverture bleue douce, un petit écran flottait juste devant Élya, installé sur un coussin d'étoiles le film commença Pennywise surgit les enfants crièrent le public se crispa mais Saphira, elle, ne broncha pas
elle croqua lentement dans une barbe à papa cosmique, ses yeux immobiles, profonds, absorbant chaque image avec une concentration infinie Diva, en revanche, éclata de rire son rire fendit le silence de la salle comme un éclair joueur « tu las vu sa tête ?! il est moche comme une dimension fracturée ! » à un moment, l'impossible se produisit.
l'image sur l'écran vacilla Pennywise regarda la salle, directement le projecteur grésilla un démon mineur, glissé dans une note de bas de page du script, tenta de traverser le quatrième mur il n'eut pas le temps Saphira leva un doigt un éclair bleu tomba du plafond, sans fracas, sans cri le démon fondit en silence et Saphira ne détourna même pas les yeux de l'écran «Regarde ton film, pas la salle », souffla-t-elle simplement le silence se remit en place le film reprit personne n'osa applaudir même les popcorns arrêtèrent de craquer à la fin du film, lorsque les lumières se rallumèrent, Diva bondit de son nuage comme une étoile filante « J'adore ce clown ! il meurt bien ! j'veux un déguisement pennywise avec des éclairs rouges ! » Saphira, elle, descendit lentement. ses yeux ne brillaient pas d'horreur, ni de joie, mais de quelque chose d'étrangement tendre « J'ai aimé sa solitude il voulait qu'on l'aime. mais il faisait peur, alors on l'a haï. » Diva s'arrêta, la regarda longtemps
Puis elle lui prit la main «Toi, t'es flippante aussi mais moi, je t'aime» et Saphira, sans sourire, sans mot, serra un peu plus fort la main de sa sœur peut-être que, dans un autre film, elles auraient été des monstres mais ce soir-là, dans cette salle rouge suspendue entre les mondes, elles étaient juste deux sœurs une reine deux éclair et un clown mortellement ridicule.
Fin du Chapitre 1 – La Sortie au Cinéma