La légende se répandait vite, bien trop vite pour une guerre conventionnelle. Les soldats ennemis ne les voyaient pas venir.
Ils entendaient juste le bruit sourd d’un éclair lointain. Puis les cris. Puis le silence.
Saphira, assise sur son trône flottant, son voile gothique tâché de sang, avançait au cœur de la nuit. Autour d’elle, Lisa, Croc, Vina et Gideon marchaient comme des cavaliers de l’apocalypse, silencieux, déterminés.
Les corps des soldats ennemis parsemaient les routes, certains figés dans l’horreur, d’autres carbonisés, réduits à l’état de poussière.
Alors qu’ils traversaient un champ de ruines rougeoyantes, Saphira s’arrêta.
Elle leva les yeux vers le ciel, l’air paisible malgré l’odeur de brûlé.
— vous savez... un jour, j’ai rencontré une patate.
Lisa écarquilla les yeux.
— pardon ?
Saphira sourit doucement, presque comme une enfant.
— une super patate. du monde de la bande dessinée. il était jaune, bête, courageux. il a essayé de sauver des carottes. j’ai... un peu trop joué avec la réalité. maman primordiale est intervenue. et l’auteur, lui-même, a dû réécrire un monde entier.
Elle rit doucement, les éclairs bleus dans ses cheveux crépitant à son rire.
— j’espère le revoir. c’était un bon légume. mes frère et sœur me manquent aussi.
Gideon, le regard dur, hocha la tête.
— on est là, vous savez. vous êtes notre reine. notre mère.
La deuxième ville se dressait à l’horizon. Une cité faite de tours vivantes, de pulsations lumineuses, de flux d’énergie qui circulaient à travers l’air lui-même. Des capteurs mentaux balayèrent la zone.
Une vague d’énergie conceptuelle frappa Saphira de plein fouet.
Son corps humain brûla, la chair se carbonisant instantanément. Son trône vacilla un instant.
Mais Saphira ne cria pas.
Elle sourit.
— pas mal. pour des moustiques.
Pour la première fois depuis longtemps, Saphira leva la main et murmura :
— porte bleue, ouvre-toi.
Le ciel se fissura. Une faille d’un bleu si intense qu’il effaçait les couleurs du monde apparut.
Et de cette faille surgit Kun Peng.
Le Gardien Céleste, le dévoreur sacré, le titan du néant et des cieux.
Sa gueule ouverte ne laissait entendre qu’un râle ancestral. Puis, sans avertissement, il se divisa. Des milliers de mini Kun Peng, des créatures bleues, hérissées de crocs et d’éclairs, se dispersèrent.
— pas de pitié, murmura Saphira.
Son regard était glacial. Ses mains croisées.
— vous avez dévoré des innocents. violé le sens même de la vie. maintenant... goûtez à la terreur d’être mangés vivants.
Kun Peng riait. Un rire divin, sauvage, cosmique.
Des rues entières furent englouties. Des soldats furent avalés en hurlant, certains réduits à des fragments d’âme.
Les concepts d’énergie furent brisés, absorbés, recrachés sous forme de pluie bleue. La ville... cessa d’exister.
Saphira, assise sur son trône, regarda les flammes.
— la guerre... est un jardin. et aujourd’hui, je cueille les ronces.
Les gardes se prosternèrent. Même Kun Peng, revenu à sa forme originelle, inclina la tête.
Et dans le ciel... une ombre plus vaste que les autres observait.
Fin chapitre36 – LE RIRE ET LA CHASSE