Le carrosse continuait de rouler dans les ruines encore fumantes des vallées de l’univers 8. Le ciel était figé, étiré comme un cauchemar cosmique. Pourtant, à l’intérieur du véhicule, une paix étrange s’était installée.
Assise sur son trône flottant, Saphira parlait. Non pas comme une guerrière. Mais comme une mère.
— Les prophètes… ont été envoyés dans le monde réel. Ils ont porté la lumière au cœur de la nuit.
Ses quatre gardiens, assis en silence autour d’elle, écoutaient chaque mot.
— Jésus, Moïse, Abraham, Muhammad… Ils sont réels. Plus réels que nous tous. Ils ont marché sur la Terre. Ils ont pleuré pour des hommes qui avaient oublié comment aimer.
Elle ferma un instant les yeux, ses longs cils tremblants dans la lueur du carrosse.
— Nous… ne sommes que des échos. Même les anges de ce monde… ne sont que des créatures fictives. Nous sommes faits de lumière d’encre. Les êtres humains, eux, sont faits de liberté. Et leur foi, qu’elle soit chrétienne, musulmane, juive ou autre, doit être respectée.
Lisa hocha la tête, la main sur son cœur.
— Oui, mère. Chaque religion est sacrée. Et ceux qui croient… sont nos amis.
Mais le regard de Saphira s’assombrit soudainement. Son aura changea. La chaleur mystique céda à une froideur divine.
— Mais ceux… qui ont violé… qui ont tué… qui ont mangé des innocents… ceux-là n’auront pas mon pardon.
Son trône s’éleva légèrement, des éclairs bleus courant sous ses pieds.
— Ils brûleront dans la honte. Dans la peur. Dans l’enfer que leurs actes méritent.
Croc grogna, le sang battant à ses tempes. Vina, elle, restait calme, mais ses yeux flamboyaient.
La première cité ennemie apparut à l’horizon. Des tours mécaniques crachaient des fumées noires. Des chars blindés patrouillaient, des canons nucléaires pointés vers le ciel. Des barrages d’énergie anti-magique et des concepts scellés flottaient comme des filets invisibles.
Mais rien ne pouvait arrêter la Reine Bleue.
Un éclair de foudre céleste fendit le ciel. Le trône s’éleva, et dans un murmure à peine audible, Saphira prononça :
— Châtiment.
Alors tout bascula.
Les cieux vomirent des canons à fusion, les rues furent transpercées de balles anti-divines, les champs de perception eux-mêmes brûlèrent. La ville entière fut ravagée en une minute d’apocalypse surnaturelle.
Mais l’univers lui-même ne pouvait contenir une telle colère bleue. Le tissu de la réalité se fissura. Des failles dimensionnelles hurlèrent.
Alors, Vina, silencieuse, s’avança.
Elle sortit la pagode scellée, l’ouvrit d’un geste lent.
— Mange, Chaos. Rends-toi utile.
Un souffle d’énergie informe, violette et noire, se répandit. La pagode aspira les déchirures, calma les tempêtes d’anti-matière, absorba la peur elle-même.
Le sol cessa de trembler.
L’univers tint bon.
Surplombant les cendres, Saphira restait muette. Son trône flottait au-dessus des flammes.
Les soldats ennemis, terrifiés, fuyaient.
Mais ils n’étaient que les premiers.
Et dans les yeux de la Reine Bleue, il n’y avait plus rien… que la foudre et la douleur.
Fin du chapitre 35 — LES PROPHÈTES ET LA SENTENCE