au bureau du directeur du m'dis que t'as fait marcher un type à nouveau,
que ses filles sont bénies par des dieux nordiques,
et que t'as pas pris une pause ?"
Dana hausse les épaules, debout devant le bureau.
— "Les miracles, c'est le matin. Les pauses, c'est l'après-midi."
Le directeur, un grand barbu à lunettes rondes, ricane.
— "T'as pas changé."
Il fouille dans un tiroir, en sort une feuille.
— "Prends un jour. Pour eux. Pour toi. Pour les jambes du type."
Il la lui tend, en la fixant par-dessus ses lunettes.
— "Accord signé. Randonnée demain. Transport offert par l'hôpital. Y'a même des jus pressés dans la glacière."
— "Merci, chef."
— "Et ramène des photos. C'est pour le site. Les gens aiment les héros avec des enfants. Et les docteurs avec des fruits."
— "J'te ramène que les jambes musclées du héros. Pas les fruits."
— "Marché conclu."
À l'aube, une petite navette grimpe vers les hauteurs.
À bord : Dana, Stormline (avec ses béquilles réduites à une seule), et les deux fillettes excitées.
— "C'est la montagne aux mille senteurs !" s'écrie l'une.
— "On va sentir toutes les fleurs ! Même celles qui piquent le nez !"
— "On peut courir, maman dit que c'est bon pour les jambes. Même magiques !"
Dana lève un sourcil, les bras croisés.
— "Vous allez pas courir dans la brume, hein ?"
Les deux filent un regard complice.
— "...On va trottiner vite."
Stormline sourit, assis à côté, une main posée sur sa cuisse encore raide.
— "Merci, Dana. Pour... tout ça."
Elle le regarde, puis pointe le sentier.
— "Tu marches, tu t'échauffes. Tu remercieras à l'arrivée."
Le sentier est doux, fleuri.
Les feuilles chantent sous leurs pas.
Les rochers brillent doucement, marqués de traces anciennes.
— "C'est... paisible," souffle Stormline, la voix un peu rauque.
Dana marche à côté de lui, mains dans les poches.
— "C'est vivant. Et vivant, c'est déjà un miracle."
Les filles courent un peu devant, puis reviennent en sautillant.
— "Y'a une grotte ! Une vraie !"
— "On a vu un papillon qui parle !"
— "C'était sûrement Loki déguisé !"
Dana soupire en riant.
— "Ou une hallucination de sucre."
— "Non ! Il a dit qu'il revenait avec une glace à l'orage."
— "S'il revient avec du café cosmique, je l'épouse," murmure Dana.
Après deux heures de marche, ils atteignent un petit plateau.
Panorama à couper le souffle.
Un silence doré les enveloppe.
Les filles s'installent sur une couverture et dévorent leurs sandwichs.
Stormline s'étire, jambes tendues, visage tourné vers les nuages.
Dana sort une boîte de fruits.
— "Tu crois qu'on va rester normaux, un jour ?" demande-t-il, la voix plus posée.
Elle regarde l'horizon un moment.
— "Je crois qu'il y a mille façons d'être normal.
Et encore plus de choisir lesquelles on garde."
Il hoche la tête, pensif.
— "Avant... quand je courais, j'avais l'impression d'échapper à quelque chose.
Maintenant... j'ai juste envie d'avancer."
Dana le regarde avec un sourire discret.
— "Tu viens de dire un truc digne d'une brochure de sagesse céleste."
Il se tourne vers elle.
— "Tu parles comme une déesse."
Elle sourit plus largement.
— "Je suis médecin.
C'est presque pareil."
Sur le chemin du retour, les jumelles chantent une chanson inventée.
— "Papa court, papa saute, papa mange une carotte !"
— "La montagne dit merci, les jambes sont jolies !"
Stormline les suit, les jambes solides, les mains prêtes à rattraper la plus vive.
Dana ferme la marche, une main sur la hanche, l'autre tenant une pomme.
— "On dirait une troupe d'aventuriers chaotiques."
— "On est les Éclairs du Matin !"
— "Et papa est notre héros spécial !"
Le soleil descend doucement derrière la montagne.
Une lumière douce dore les rochers, éclaire les visages.
Et dans l'air...
une présence. Lointaine. Rassurante.
Comme si Thor...
ou un autre éclat rouge
les observait, fier.
Dana, sans se retourner, murmure pour elle-même :
— "Le monde a encore un peu de place pour les miracles."
Stormline, marchant à ses côtés, chuchote :
— "Et pour ceux qui courent sans magie."
Elle lui jette un regard complice.
— "Tu crois que tu pourrais m'apprendre ?"
— "À courir ?"
— "Non. À ralentir."
Ils éclatent de rire.
Et la montagne, elle aussi, semble sourire.
Fin chapitre 15 : Marcher ensemble