Chapitre 1 : Nouvelle Vie

Les trois derniers mois que j'ai passés à Marseille n'ont pas été des plus paradisiaques. J'ai dû affronter successivement la mort de mes parents, la perte de tous mes amis et la pitié des gens. Les regard emplis de compassion qu'on me lançait à longueur de journée avaient pour don de me rendre encore plus triste que je ne l'étais déjà. Et je l'était énormément. En effet, le fait de perdre mes parents et ma seule sœur dans un accident de voiture ne m'avait pas rendu la vie facile. Endurer cela n'aurait jamais du être infligé à une jeune fille de 15 ans. Pendant les trois mois précédents, j'avais était coincée dans une tempête émotionnelle qui m'avait momentanément privée de toute capacité a ressentir quoi que ce soit, j'avais été, pour ainsi dire, morte avec mes parents. Cela avait cessé il y avait à peine quelques jours, quand Miranda Cooper, ma tante, la sœur de ma mère dont je n'avais jamais entendu parler, avait débarqué chez moi, et m'avait pressée d'empaqueter toutes mes affaires. Sur le moment, je n'avais pas compris. En même tant, lorsqu'une inconnue prétendant être votre tante débarque chez vous en plein milieu de l’après midi, votre première pensée n'est pas de la croire sur parole et d’obéir à toute ses demandes. Après coup, quand on m'avait confirmé qu'elle était véritablement la personne qu'elle disait être, j'avais paniqué. Je n'avais jamais vu cette femme de ma vie et on me demandait de quitter tout ce qui me restait de mon passé pour partir avec elle. Durant les trois mois passés, j’avais habité chez Violet Bird, une vieille amie de ma mère. Celle ci n'avait pas l’étoffe d'une mère, mais ça m’avait rassuré de pouvoir rester à proximité de mon ancien appartement. Ainsi, lorsque Miranda Cooper a surgi dans ma vie, j’ai eu le sentiment que j’allais perdre tout ce que j'avais pu construire à Marseille jusqu'à présent. J'avais donc était forcée, pas plus tard que ce matin, à embarquer dans un avion pour Cedar Key, une île perdue de Floride. On avait contacté ma tante sans m'en parler, pour qu'elle me ramène avec elle dans son trou perdu au milieu de la mer. Miranda avait eu beau conter les multiples mérites de cette île, je n’étais pas convaincue. En quoi une ville perdue au milieu des flots allait-t-elle m’apporter le moindre réconfort ? Il faudrait bien plus que ça pour que je puisse sourire à nouveau.

Je tourne la tête vers ma tante, qui me regarde depuis le siège qui se trouve à l’autre bout de la rangée. Miranda n’est peut-être pas la tante la plus attentive qui soie, mais je vois bien qu’elle se soucie de moi, et je l’apprécie pour ça. C’est une des seuls à ne pas m’avoir jetée un regard plein de pitié. Elle s’inquiète pour moi, mais quoi de plus normal, se retrouver orpheline à 15 ans, c’est dure, très dure. Je lui adresse un sourire pour la rassurer, puis me focalise sur mon film. En effet, avec onze heures de vol, j’ai de quoi faire, et je compte bien regarder une petite demi-douzaine de film. Le paysage qui défile par le hublot n’est pas très divertissant, des nuages et du ciel bleu. Très varié, j’adore.

Ce n’est pas la première fois que je prend l’avion, mais la dernière fois avait un but beaucoup plus réjouissant, mes parents avaient organisé un voyage aux Maldives pour leur vingt ans de mariage, et ma sœur et moi, pour notre plus grand bonheur, avions été conviées. Mes parent préféraient fêter leur anniversaire avec nous que sans, ils préféraientêtre en compagnie de leurs famille. Durant ce voyage, j’avais douze ans, et je n’avais pas compris ce que nos parents avaient fait pour nous, pour toute notre famille. Je ne les avais jamais remerciés. Et maintenant, j’avais quinze ans et ils n’étaient plus là. Et c’était maintenant, quand ils n’étaient plus là que je saisissais enfin l’importance d’une famille. Je n’avais plus personne, à part cette étrange tante qui débarquait dans ma vie dans un coup de vent. Je ne savais pas encore si je pouvais lui faire confiance, mais elle m’inspirait un sentiment de réconfort, sûrement dû au fait qu’elle était le seul membre de ma famille encore vivant, même si cela ne faisait que cinq jours que je l’avais rencontrée.

Après ces longues heures de vol, l’avion entame enfin sa descente pour atterrir au minuscule aéroport de Cedar Key. Nous sortons de l’avion, précédées par une dizaines de touristes. En effet, nous sommes encore en plein milieu des vacances de printemps, et dans cette zone là du globe, les températures avoisinent les 35 °C.

Le soleil est brûlant sur mon front, mais ma tante semble s’en accommoder, elle doit avoir l’habitude. C’est à ce moment que je remarque le magnifique pendentif de diamant qui pend à son cou, et qui brille sous les rayons lumineux. Il ressort sur sa peau laiteuse, fait étrange d’ailleurs, pour une habitante de Floride, ou le soleil ne s’arrête jamais de briller. Ma tante m’entraîne vers un mini van jaune poussin. Si j’avais était seule dans ce parking, entourée de toute ces voitures, je n’aurais pas pensé une seconde à ce van comme moyen de transport de Miranda Cooper. L’image que l’on se fait d’elle est plutôt celle d’une femme froide et réservée, exactement celle que je me suis faite d’elle lors de nos premiers échanges.

Nous montons donc dans le van et ma tante se met a conduire en direction des petites maison jaunes et bleues en bord de mer. Les gens d’ici respirent la joie de vivre ; on les dirait près à entamer tout de suite la plus grande fête que le pays ait jamais connu. Je suis pourtant surprise de constater que nous somme en train de dépasser cette rue pour nous diriger vers une montagne. Nous roulons pendant environ quinze minutes, puis ma tante s’arrête enfin devant un portail en fer forgé représentant des têtes de loups, ainsi que des têtes humaines, pourvues pourtant d’immenses canines. La gaîté des habitants des bungalow en bord de mer est loin d’être présente dans cette partie de l’île. Mais quand le grand portail s’ouvre enfin, je ne peux retenir une exclamation de surprise. De grandes maisons, qui ressemblent d’ailleurs plus à des manoirs qu’autres chose, surplombent une place au milieu de laquelle une fontaine majestueuse sied. Celle-ci est, à vue d’œil, en marbre noir, et trois silhouettes sont dressées sur elle : un gigantesque loup-garou, un vampire aux immenses canines et une sirène d’une beauté sans pareille.

Lorsque le portail s’ouvre, Miranda continue d’avancer et dépasse plusieurs maisons, avant de se garer devant l’une des plus grandes. Les quatre plus grandes maisons, dont celle de ma tante, se tiennent chacune dans un coin du quartier grillagé. On les voit très bien, car elle se situent chacune sur une légère colline. Je décide d’engager la conversation avec ma tante, nous ne nous sommes pas parlé depuis le début du trajet :

« Ouah, quelle maison incroyable!

-Merci June, me répond t elle, c’est l’une de mes plus grande fierté.

-Mais dans quoi tu travailles pour avoir un logement pareil ?

-Je...euh…, ma tante semble gênée de ma question pourtant banale, je suis cheffe d’une entreprise réputée, finit-elle par répondre. Mais avant, j’étais professeur au collège de Cedar Key.

-D’accord, je réponds. Et il est super chouette ton pendentif ! C’est du vrai diamant ?

-Heureusement ! lâche-t-elle, enfin, je veux dire, oui. Oui, c’est du vrai diamant. »

Après cet échange assez étrange avec ma tante, je décide de rentrer dans le manoir. Je m’arrête une minute devant le perron, en admirant l’architecture ancienne, mais tout de même magnifique. Le toit est orné de multiples gargouilles, toutes différentes. Les rebords des fenêtres sont, quant à eux, décorés de cadres de bois formant des tourbillons qui alternent entre plusieurs teintes de marrons. Je détourne enfin mes yeux de la façade pour me concentrer sur la porte. Sur celle-ci se trouve un heurtoir extrêmement réaliste représentant une tête de vampire aux canines sorties. Je pousse la porte avec un léger sentiment de crainte, qui s’efface bien vite quand je pénètre dans le hall du manoir. En effet, un pièce chaleureuse me fait face, avec de lourds rideaux de velours crème, et un immense tapis assorti. De nombreux pots de fleurs de formes variées se trouvent à peu près partout dans la pièce, contre les murs de bois. Les pots sont remplis de roses noires et de lys blancs, dont le contraste génère une ambiance agréable. Ma tante apparaît soudain derrière une porte de bois clair, et m’invite à la suivre dans la cuisine. Celle-ci est vraiment très lumineuse, en raison de l’immense baie vitrée qui occupe tout un coté de la cuisine, et qui donne sur un vaste jardin. De grands arbres ombragent une partie du terrain et on aperçoit le grillage derrière la haie de thuyas bien fournie. Des statuettes de granit en forme de chauve-souris sont éparpillées un peu partout dans le jardin, comme des nains de jardin un peu gothiques. Un bruit derrière moi me fait me retourner. C’est Miranda, qui commence à sortir des ingrédients du frigo et des placards. Elle se retrouve finalement avec devant elle un paquet de pâtes, un bocal de sauce tomate et quelque brins de basilic. Je me mets à saliver, ça doit faire au moins douze heures que je n’ai pas mangé et mon estomac commence à s’impatienter. Ma tante esquisse un sourire en entendant le bruit rageur que produit mon ventre et commence à faire bouillir de l’eau. Je suis étonnée que, dans une maison pareille, il n’y ait pas un seul domestique. En plus, ma tante a l’air assez fortunée. Mais c’est sans doute un choix de sa part.

« Monte au deuxième étage, il y a une dizaine de portes. Celle qui est tout au fond, c’est celle de ma chambre, mais regarde les autres, et choisis celle que tu préfères. »

Je lui adresse un grand sourire et me dirige vers une porte qu’elle m’indique d’un mouvement du menton, ses mains étant déjà occupées à cuisiner. La pièce d’à coté n’est pas aussi grande que la cuisine mais elle l’est quand même beaucoup. En même temps, dans ce manoir gargantuesque, toute les pièces doivent être colossales. Même les toilettes doivent faire la taille de mon ancien salon. Repenser à mon ancienne vie me fait verser une larme, que j’essuie bien vite : je commence un nouveau départ, je dois repartir de zéro. Repenser au passé ne m’amènera à rien.

Je me dirige donc vers le gigantesque escalier qui me fait face, et qui doit desservir au moins trois étages. Je commence à le gravir et m’interromps pour regarder par la fenêtre, coincée entre deux étages. Une autre partie du jardin se trouve de ce coté-ci, où j’aperçois de magnifiques massifs de lys bien entretenus. Un chemin tortueux navigue entre eux, menant vers un kiosque à la peinture parfaite. Je continue mon ascension et passe un premier palier, plongé dans l’obscurité. Je frissonne et accélère le pas, désireuse de quitter au plus vite cet endroit qui me met mal à l’aise. J’atteins finalement le deuxième étage et m’arrête à ce niveau de l’escalier, qui monte bien plus haut. Je m’y aventurerai une autre fois, mais je souhaite d’abord découvrir ma chambre. J’ouvre d’abord la première porte, et tombe sur une chambre dans les tons sombres, allant du noir au gris, et parsemée de quelques touches de rouge. C’est vraiment une chambre de gothique, et je me dirige rapidement vers la seconde porte. Celle-ci me plaît beaucoup plus, avec ses couleurs pastels et son épais tapis tout doux. Je m’installe sur le lit et suis heureuse de constater qu’il est pile ce qu’il faut pour un lit, entre autres confortable, ferme, et mou à la fois.

« J’ai choisi ! je lance, même si je ne sais pas si l’autre occupante de cette maison m’entend.

-Ok ! réplique t’elle, prouvant qu’elle m’a bien comprise. Une fois que tu seras installée, descend manger ! 

-D’accord ! je réponds. »

Je me rends compte que je n’ai toujours pas sorti mes valises de la voiture et je descends en hâte l’interminable escalier. Ma tante me jette un regard mais, voyant que je ne m’arrête pas, continue à remuer sa sauce tomate dans une casserole. Je me dirige vers le coffre du van et suis contente de constater qu’il n’est pas fermé. Je commence à sortir mes bagages et en monte deux d’un coup. Je fais ainsi plusieurs voyage entre ma chambre et le véhicule et, lors du dernier passage, je m’aperçois en regardant par la petite fenêtre dans l’escalier qu’il fait bientôt nuit. Ça doit être le décalage horaire, mais ça m’étonne que ce soit aussi flagrant, je ne m’y attendais pas. Je descends enfin manger, mon estomac grondant de plus belle. Miranda a mis la table pour une personne, elle doit avoir déjà mangé, car elle a passé toute la journée avec moi et n’a rien avalé. Je m’attable donc toute seule et me sers une grosse portion de pâtes à la sauce tomate. Je me mets à manger comme si je n’avais rien mangé depuis trois jours, même si le décompte n’est pas bon, c’est l’impression que la faim me donne. Ça doit être le décalage horaire. Je finis mon assiette en un temps record et ma tante revient à l’instant où je la dépose dans l’évier. Je lui adresse un sourire, auquel elle répond.

« Tu as mangé ? je lui demande.

-Oui, juste avant que tu arrives, je n’en pouvais plus ! plaisante t-elle.

-Je comprends, c’était délicieux !

-Oh, tu sais avec un paquet de pâtes et un bocal de sauce tomate, on peut tout faire ! »

Je ris, contente de m’être retrouvée avec cette tante si sévère de l’extérieur, mais si sympathique quand on commence à la connaître. Elle me parle pendant quelques minutes du lycée où j’irai bientôt. Selon elle, les profs y sont, pour la plupart, gentils et justes. Miranda m’avertit quand même à propos du bibliothécaire, qui est, apparemment, très énervant. Dans le sens où il ne veut plus vous lâcher dès qu’on lui parle de livres.

Je monte finalement me coucher, laissant ma tante en bas, à son travail. Je m’endors sans trop de difficultés, contrairement aux nuits sans sommeil dont j’ai tant souffert ces dernières semaines. Je ne rêve même pas, mais me réveille au beau milieu de la nuit, à 3h30, si j’en crois mon réveil. Je me redresse sur mon matelas et me rends compte que j’ai la gorge toute sèche. Je descends du lit, qui grince bruyamment. Je grimace : j’espère que ça ne vas pas réveiller Miranda. Je sors sur le palier et descends à la cuisine. Je me sers un verre d’eau et prends mon temps pour le finir.

Quand je remonte enfin, je fais une pause devant la petite fenêtre de l’escalier. Soudain, mon cœur menace de faire un arrêt cardiaque. Une silhouette avance en titubant dans le jardin, les habits en lambeaux. D’ici, je peux voir que c’est un homme, mais rien de plus. Sûrement un mec bourré qui a décidé de se balader dans les jardins des riches. Je ne sais pas pourquoi mais je décide d’aller le chasser, et je descends les escaliers quatre à quatre. Je traverse la cuisine, puis le hall et j’attrape ma veste en passant. Je frissonne en déboulant dans la nuit glaciale, toutefois illuminée pas la pleine lune, qui est haute dans le ciel. Je contourne la maison avec toute la discrétion dont je peux faire preuve. De l’autre coté, j’aperçois enfin celui que je cherche. Bien qu’un nuage obscurcisse légèrement la nuit, je distingue tout de même ses cheveux blonds flottant dans la légère brise qui effleure mes jambes nues. Quand je m’approche encore, je vois une tâche noire lui couvrant la moitié de la jambe. Je suis maintenant assez proche pour entrevoir son visage. Je suis surprise de constater qu’il a l’air d’avoir environ 16 ans, mon âge. Et qu’il n’a pas l’air saoul du tout. Lorsque la lune est à nouveau dégagée, la tâche sur sa jambe devient soudain carmin, et je m’aperçois avec horreur qu’il a une plaie béante au-dessus. Je ne peux retenir le cri qui sors de ma bouche. Il se tourne vers moi, et je me fige. Il reste ainsi à m’observer de ses yeux azurs, que je peux tout de même distinguer malgré la quasi obscurité pendant quelque secondes, puis se retourne et pars en courant. Il cours tellement vite qu’il met à peine un instant pour atteindre la barrière, pourtant très éloignée. J’essaie tant bien que mal de le suivre, mais m’arrête, je sais que je ne peux pas le rattraper. De toute manière, ça ne sert a rien de courir, il a déjà disparu derrière les sapins de la foret qui entoure le grand domaine. Je ne sais pas quoi faire, dois-je aller prévenir ma tante, ou tout simplement rentrer me coucher ? J’opte finalement pour cette deuxième option, je le dirais demain à Miranda.