La lumière émeraude de la forêt enveloppait tout. Dès leur
arrivée, Nysha s’immobilisa, les sens en alerte. Un murmure ancien, presque
inaudible, vibrait dans les feuilles.
— «
Ce lieu n’est pas naturel… » grogna-t-elle, la main déjà sur sa lance.
Shaya, concentrée, traçait dans l’air des runes d’analyse.
— «
L’énergie ici… elle ne circule pas. Elle reste figée. Comme si la forêt
retenait sa respiration. »
Yvren avançait prudemment, les yeux levés vers la canopée.
— «
On dirait qu’elle nous observe. »
Le trio progressa à travers les sentiers tortueux. Chaque
racine semblait volontairement placée pour ralentir, chaque brume, pour
désorienter. Une série de pièges naturels — spores hallucinogènes, illusions
mémorielles, racines mouvantes — se déclenchèrent successivement. Mais l’équipe
les déjoua avec une coordination aiguisée.
Shaya scella les spores dans une bulle d’annulation. Yvren
dissipa les illusions temporelles par une onde mémorielle inversée. Nysha coupa
net les racines mouvantes avant qu’elles ne s’enroulent.
— «
Ils nous testent », murmura-t-elle. « Ou quelqu’un contrôle tout ça. »
Au cœur de la forêt, ils découvrirent un arbre immense dont
l’écorce portait des glyphes anciens — un langage oublié de la guerre des Élus.
Shaya les traduisit à haute voix :
— «
‘Celui qui entend les arbres porte la mémoire de ceux qu’ils ont dévorés.’
Charmant. »
Puis, le sol trembla. Les arbres gémirent. Et la créature
apparut.
Une abomination sylvestre, faite de bois noirci, d’os
entrelacés, de fleurs mortes et de lumière corrompue. Une entité de rang “S”,
fusion de magie végétale et de souvenirs piégés — le Gardien Perverti
d’Éden-Lir.
Il attaqua sans prévenir.
Yvren projeta un mur de gravité, bloquant ses ronces. Nysha
fonça, frappant les points faibles détectés. Shaya, en arrière-garde, conjura
une pluie de glyphes modificateurs pour ralentir la bête.
Le combat s’intensifia.
Le gardien mutait, absorbait les sorts. Ses bras devinrent
des lianes tranchantes, sa tête une nuée de masques anciens. Il copiait leurs
attaques, les retournait contre eux.
— «
Il se nourrit de nos souvenirs ! » cria Shaya.
Alors, l’équipe synchronisa une attaque ultime.
Yvren canalisa toute sa mana dans une sphère de compression
temporelle. Shaya grava dans l’air une matrice de rupture mémorielle. Nysha,
concentrée, fit jaillir la lance spirituelle offerte par Ma-Théo, renforcée par
l’énergie de leur pacte.
— «
Disparais. »
La trinité de leurs attaques frappa. L’entité hurla — un cri
empli de milliers de voix anciennes — et s’effondra, se dissolvant en spores
d’argent.
Essoufflés, à genoux, les trois membres de la Nébuleuse
Noire contemplèrent le silence revenu.
Ils pensaient être seuls.
Mais dans les hauteurs d’un arbre, dissimulé dans les ombres
du feuillage… il était là.
Le personnage en capuche. Silencieux. Invisible aux sens
même de Nysha.
Il les avait observés depuis leur arrivée. Il avait vu leur
coordination. Leur instinct. Leur rage maîtrisée. Et leur victoire contre
l’oubli incarné.
Sous sa capuche, un rictus imperceptible. De la joie. De la
fierté. Et une pensée projetée, sans voix :
Ø
« Ceux-là n’auront pas besoin de moi… et c’est
mieux ainsi. »
Il disparut, tel un souvenir effacé avant de naître.