Chapitre 22 – Éden-Lir : La Forêt Mémorielle

La lumière émeraude de la forêt enveloppait tout. Dès leur

arrivée, Nysha s’immobilisa, les sens en alerte. Un murmure ancien, presque

inaudible, vibrait dans les feuilles.

 

— «

Ce lieu n’est pas naturel… » grogna-t-elle, la main déjà sur sa lance.

 

Shaya, concentrée, traçait dans l’air des runes d’analyse.

 

— «

L’énergie ici… elle ne circule pas. Elle reste figée. Comme si la forêt

retenait sa respiration. »

 

Yvren avançait prudemment, les yeux levés vers la canopée.

 

— «

On dirait qu’elle nous observe. »

 

Le trio progressa à travers les sentiers tortueux. Chaque

racine semblait volontairement placée pour ralentir, chaque brume, pour

désorienter. Une série de pièges naturels — spores hallucinogènes, illusions

mémorielles, racines mouvantes — se déclenchèrent successivement. Mais l’équipe

les déjoua avec une coordination aiguisée.

 

Shaya scella les spores dans une bulle d’annulation. Yvren

dissipa les illusions temporelles par une onde mémorielle inversée. Nysha coupa

net les racines mouvantes avant qu’elles ne s’enroulent.

 

— «

Ils nous testent », murmura-t-elle. « Ou quelqu’un contrôle tout ça. »

 

Au cœur de la forêt, ils découvrirent un arbre immense dont

l’écorce portait des glyphes anciens — un langage oublié de la guerre des Élus.

Shaya les traduisit à haute voix :

 

— «

‘Celui qui entend les arbres porte la mémoire de ceux qu’ils ont dévorés.’

Charmant. »

 

Puis, le sol trembla. Les arbres gémirent. Et la créature

apparut.

 

Une abomination sylvestre, faite de bois noirci, d’os

entrelacés, de fleurs mortes et de lumière corrompue. Une entité de rang “S”,

fusion de magie végétale et de souvenirs piégés — le Gardien Perverti

d’Éden-Lir.

 

Il attaqua sans prévenir.

 

Yvren projeta un mur de gravité, bloquant ses ronces. Nysha

fonça, frappant les points faibles détectés. Shaya, en arrière-garde, conjura

une pluie de glyphes modificateurs pour ralentir la bête.

 

Le combat s’intensifia.

 

Le gardien mutait, absorbait les sorts. Ses bras devinrent

des lianes tranchantes, sa tête une nuée de masques anciens. Il copiait leurs

attaques, les retournait contre eux.

 

— «

Il se nourrit de nos souvenirs ! » cria Shaya.

 

Alors, l’équipe synchronisa une attaque ultime.

 

Yvren canalisa toute sa mana dans une sphère de compression

temporelle. Shaya grava dans l’air une matrice de rupture mémorielle. Nysha,

concentrée, fit jaillir la lance spirituelle offerte par Ma-Théo, renforcée par

l’énergie de leur pacte.

 

— «

Disparais. »

 

La trinité de leurs attaques frappa. L’entité hurla — un cri

empli de milliers de voix anciennes — et s’effondra, se dissolvant en spores

d’argent.

 

Essoufflés, à genoux, les trois membres de la Nébuleuse

Noire contemplèrent le silence revenu.

 

Ils pensaient être seuls.

 

Mais dans les hauteurs d’un arbre, dissimulé dans les ombres

du feuillage… il était là.

 

Le personnage en capuche. Silencieux. Invisible aux sens

même de Nysha.

 

Il les avait observés depuis leur arrivée. Il avait vu leur

coordination. Leur instinct. Leur rage maîtrisée. Et leur victoire contre

l’oubli incarné.

 

Sous sa capuche, un rictus imperceptible. De la joie. De la

fierté. Et une pensée projetée, sans voix :

 

Ø 

« Ceux-là n’auront pas besoin de moi… et c’est

mieux ainsi. »

Il disparut, tel un souvenir effacé avant de naître.