Chapitre 6 – Pensées croisées

Luca était allongé sur son lit, dans l’ombre tranquille de son petit appartement aux murs de pierre claire.

Il n’y avait plus de bruit. Plus de monstres, plus de cris, plus de tension. Juste le silence.

Recroquevillé sur lui-même, en position fœtale, il fixait le vide, les yeux ouverts mais absents. Il avait écarté ses cheveux, laissant ses cornes sombres apparaître librement, telles deux pointes d’identité qu’il ne pouvait cacher qu’en public. Ici, il n’avait pas besoin de faire semblant. Pas besoin de sourire. Pas besoin d’être fort.

Il était juste… Luca.

Et même s’il en avait l’habitude, le jugement des autres lui collait à la peau comme une vieille cicatrice. Les regards en coin, les chuchotements dans les couloirs, les rumeurs qu’on ne prend même plus la peine de démentir.

Mais ici, dans cet espace réduit, il pouvait enfin respirer.

Ses pensées dérivaient. Sur sa place dans ce monde. Sur ce qu’il était vraiment.

Et sur ce qu’il n’arrivait pas encore à devenir.

**

Pendant ce temps, Seira était accoudée à la rambarde de bois de son petit balcon privé, au dernier étage de sa maison.

La nuit était tombée sur Kael’Zar, les lanternes suspendues dans l’air magique émettaient une lueur douce, presque lunaire.

Elle tira lentement sur sa cigarette, puis relâcha un mince filet de fumée dans le ciel nocturne. Son regard fixait les étoiles sans vraiment les voir.

Elle murmura, comme à elle-même, dans un souffle mêlé de cendre et de tendresse :

— C’est stupide… mais je crois bien que je commence à avoir un p’tit faible pour mon élève.

Un sourire en coin étira ses lèvres, doux et ironique.

— Tss… c’est pas très professionnel, Seira…

Elle haussa les épaules, écrasa la clope, et resta là un moment, les bras croisés sous sa poitrine, le regard perdu. Il y avait dans ses yeux un éclat nouveau. Pas encore de l’amour, peut-être… mais quelque chose d’inévitablement en train d’éclore.

Fin du Chapitre 6.