Le matin s’était levé paisiblement sur Kael’Zar, et comme prévu, aucun monstre n’avait surgi de l’ombre. Pas de mission, pas de cri royal. Juste un jour banal.
Dans une salle reculée de l’académie, baignée d’une lumière pâle qui traversait les vitres teintées, Seira et Luca étaient seuls. Ce n’était pas une classe au sens traditionnel du terme : plutôt une salle d'entraînement aménagée en petit club privé. Peu de gens s’y aventuraient, et pour cause, très peu pouvaient se vanter d’avoir leur propre Master dès les premières semaines.
Seira, accoudée à une table, observait Luca qui était assis en tailleur au centre de la pièce, les yeux fermés, en train de suivre ses instructions.
— Respire profondément. Ton sang rouge, c’est pas une arme. C’est un outil. Une extension de ton instinct. Tu le sens, là ? Cette chaleur dans ta poitrine ? C’est là qu’il pulse.
Luca fronça légèrement les sourcils, concentré. Il hochait la tête lentement.
— Ouais... je crois que je le sens. Comme… un battement de tambour.
Seira esquissa un sourire, un brin fière.
— Parfait. Maintenant, apprends à lui parler. Ne le force pas. Accompagne-le.
Elle se leva, fit quelques pas autour de lui, et s’arrêta dans son dos, croisant les bras.
— Le sang rouge, c’est ta fondation. Sans lui, pas de pacte. Et sans pacte... pas de pouvoir sérieux. Quand tu seras prêt, on passera à l’étape suivante. Mais avant, faut que t’apprennes à respirer avec lui.
Luca ouvrit les yeux lentement, l’air moins crispé.
— Je pensais que pactiser, c’était juste signer un contrat avec un démon et voilà.
Seira pouffa légèrement, amusée :
— Et moi je pensais que j’allais devenir impératrice du Nord quand j’avais ton âge. Spoiler : c’est plus compliqué.
Elle reprit un ton un peu plus sérieux, mais doux :
— Tu veux pas d’un démon au hasard. Tu veux celui qui te comprend. Et pour qu’un démon accepte de te lier à lui… faut que t’arrives à faire vibrer ton sang rouge avec le sien.
Luca releva les yeux vers elle, intrigué :
— Tu l’as trouvé, toi, le tien ?
Elle se contenta de le regarder un instant, sans répondre tout de suite. Puis elle détourna le regard, un sourire discret sur les lèvres.
— Ouais… et c’est pas une histoire que je raconte aux élèves. Pas encore.
Un silence se posa, confortable.
Le reste de la journée se passa à pratiquer, à échouer, à recommencer, à apprendre. Une vraie journée d’entraînement.
Mais quelque chose avait changé. Pas dans leurs gestes, mais dans la façon dont leurs regards se croisaient. Quelque chose d’invisible, qui prenait doucement racine.