Chapitre 10 — Ce que racontent les cendres

La salle de classe était baignée par la lumière d’un après-midi tranquille. Lysaria fronçait les sourcils, concentrée sur le flux instable de son sang rouge. Elle tremblait légèrement, mordant sa lèvre, les bras tendus devant elle. Mais malgré tous ses efforts, une étincelle jaillit trop brusquement, la faisant sursauter.

— "Tssk… Encore raté," maugréa-t-elle, essuyant la goutte de sueur qui perla sur sa tempe.

Dans un coin de la salle, Seira s’était assise, jambes croisées sur une table, une cigarette au bec, regard lointain.

— "Tu t’en fais trop. Ça finira par couler tout seul." Elle relâcha une bouffée de fumée vers le plafond avant de reprendre, d’un ton plus grave :

— "Mais faut que tu comprennes pourquoi t’apprends à manier ce sang rouge."

Luca releva la tête. Il s’était mis en retrait, mais ses yeux noisette observaient attentivement sa maîtresse. Elle parlait rarement sérieusement, alors il savait que ça valait la peine d’écouter.

— "Au premier siècle, on vivait tranquilles. La planète était propre. Pas de Logan, pas de corruption, rien. Juste nous, les races conscientes, et les démons... dans leur monde."

Elle fit tourner la cigarette entre ses doigts, les cendres tombant doucement.

— "Puis un jour, les Logan sont apparus. Personne sait d'où. Pas même les démons. Des créatures sans but… sans langage… juste une envie dévorante. Et un jour, paf. Un village disparu. Puis un autre. Puis un continent entier noyé dans le noir."

Elle tira longuement sur sa cigarette, ses yeux s'assombrissant.

— "À l’époque, on ne savait pas comment les combattre. Nos armes ne servaient à rien. Nos mages étaient impuissants. Il a fallu des siècles… jusqu’à ce que certains humains, désespérés, pactisent avec les démons."

Lysaria ouvrit de grands yeux. Même Luca semblait surpris d’en apprendre autant.

— "Et là, la donne a changé. Le sang rouge, la fusion, le chaos… mais au moins, c’était un chaos utile. On a enfin pu leur rendre les coups."

Seira écrasa sa cigarette sur le bord de la table.

— "Et tu veux savoir le plus drôle ?"

Elle fixa Lysaria et Luca.

— "Personne ne sait d’où viennent les Logan. Pas même les anciens. Mais tous les parents, dans toutes les races, racontent la même histoire à leurs gosses…"

Elle sourit, sans joie.

— "Qu’un jour, un Dieu, ou une entité oubliée, a ouvert une porte… Et que les Logan sont sortis en rampant, comme des vers fuyant la lumière."

Un silence s’installa. L’air dans la pièce sembla plus lourd.

Skylander, toujours invisible aux yeux des autres, laissa sa queue frôler l’épaule de Luca, chuchotant dans un souffle :

— "Et s’ils n’étaient pas venus… mais que vous les aviez appelés ?"