À peine sorti de l’infirmerie, le visage d’Ethan se crispa de frustration : Royce l’attendait toujours dans le couloir.
— J’ai déjà promis que je ne dirais rien à personne, alors tu peux arrêter de me suivre partout, Royce ?
Ethan commençait à se demander si sa récente célébrité au lycée Harmony n’était pas due uniquement à la découverte du cadavre de Felix Hoang. Peut-être qu’elle venait aussi — en partie — de Royce. Depuis quelque temps, Royce le collait comme une ombre, le suivant quasiment partout. Peut-être voulait-il s’assurer que personne d’autre n’ait l’occasion d’interroger Ethan comme l’avait fait Andrew le Détective ce matin-là.
— Si tu continues comme ça, les gens vont finir par se méfier.
— Se méfier de quoi, mon frère ? J’fais que rentrer en classe.
(Hmph, il est insaisissable…)
Ethan se remémora le moment où il s’était tenu face au corps de Felix Hoang, baignant dans le sang. Contrairement à une personne normale, Royce n’avait montré aucun signe de peur. Au lieu de ça, il avait poussé Ethan en arrière avec désinvolture pour avoir un bon angle de prise avec son iPhone 16 Pro Max.
Puis, avec une précision presque chirurgicale, il avait avancé en veillant à ne pas perturber la moindre trace sur la scène. Une fois arrivé près du cadavre, il avait pris des gros plans de chaque détail : les plaies sur le corps de Felix, chaque angle, chaque marque.
Mais ce qui avait vraiment glacé Ethan jusqu’aux os, c’était le moment où Royce avait soulevé les lèvres du défunt pour inspecter ses dents de près, tout en mitraillant de photos.
Et ce n’était même pas le plus étrange. Royce s’était ensuite penché vers la gorge béante, l’avait reniflée longuement, comme pour s’imprégner d’une odeur particulière.
Au-delà de l’odeur métallique du sang et de la senteur marine omniprésente, il y avait une autre fragrance… Une note florale, légère mais distincte. Ethan ne savait pas dire exactement quelle fleur c’était, mais ce parfum était unique.
En voyant qu’Ethan observait chacun de ses gestes, Royce s’était redressé et l’avait rejoint rapidement. Il avait levé un doigt à ses lèvres, en silence :
— Chut.
La lumière du matin de septembre dessinait des ombres nettes sur les traits ciselés de Royce, illuminant ses pupilles en amande, félines, prédatrices. Ce contraste entre son sourire amical et ce regard inquiétant avait fait naître un profond malaise chez Ethan. Ses entrailles s’étaient tordues, ses jambes devenues molles, et il avait soudain eu l’impression de faire face à un prédateur dangereux.
Puis, sans prévenir, l’obscurité l’avait submergé.
Le monde s’était effacé.
Le cadavre, Royce, la ruelle ensanglantée… tout avait disparu dans un gouffre noir.
Quand Ethan reprit connaissance en pleine nuit, il se trouvait allongé dans ce qui ressemblait à une chambre d’hôpital privée quelque part en ville.
Il n’avait aucune idée de comment il était arrivé là.
Sa respiration était lourde, sa tête martelée comme par des coups de masse. Son corps brûlait de fièvre, et pourtant, il frissonnait jusqu’aux os. Les nuits en bord de mer étaient bien plus froides et humides que les journées torrides — si l’on n’y était pas habitué, il était facile de tomber malade.
Recroquevillé sous une couverture trop fine, Ethan grelottait. Une immense solitude l’envahit. Loin de chez lui, malade et seul, sans aucun membre de sa famille à ses côtés… Il n’aspirait qu’à une chose : rentrer à la maison.
(Y’a pas de quoi pleurnicher. Faut être fort.)
Il se répéta cette phrase, essayant d’étouffer cette détresse. Peu à peu, il replongea dans un sommeil agité, fiévreux.
Et dans cette torpeur… il rêva.
… Un rêve si vif qu’il paraissait réel.
Quelqu’un s’était approché de lui, avait délicatement posé une petite main chaude sur son front brûlant. Puis cette personne s’était glissée dans son lit, enroulant ses bras fins autour de lui, son corps doux se pressant contre son dos.
C’était si réel.
Le cerveau humain était une chose fascinante, capable de reproduire dans un rêve des sensations parfaitement crédibles. Ethan pouvait sentir la chaleur… et respirer ce parfum enivrant de lys qui flottait dans l’air.
Et puis, il avait entendu…
…une voix douce, pure, presque angélique, lui murmurer à l’oreille :
— Ce n’était qu’un cauchemar. Oublie tout ce que tu as vu ce matin.
Au réveil, Ethan s’était dit que ce n’était qu’un délire de fièvre, une illusion inventée par son esprit exténué.
Mais l’odeur de lys flottait toujours dans l’air.
Et à en juger par la manière dont Royce avait plissé légèrement le nez en entrant dans la chambre d’hôpital, avant de gérer prestement les papiers de sortie et de ramener Ethan chez lui…
… Il semblait bien qu’Ethan n’ait pas rêvé du tout.