*Jennifer Ortega's POV
Enfouie tout au fond de mon lit, les couvertures posées sur moi de façon à recouvrir l'entièreté de mon corps, je suis reveillée par la sonnerie stridente de mon portable posé sur la commode de mon lit. Je n'en ai pas envie, mais je me force quand bien même à décrocher.
Qui cela peut-il bien être ?
Je faufile ma main gauche hors de la couètte chaude pour atteindre l'appareil qui n'a toujours pas cesser de me crier dans les oreilles.
J'arrive finalement à l'atteindre, non sans peine et je le ramène avec à moi, sous les couvertures. J'ouvre les yeux d'un millimètre dans un dernier effort, pour finir par croiser le nom qui s'affiche à l'écran : Marylin.
Je soupire d'exaspération.
J'aurais dû m'en douter. Qu'est ce qu'elle me veut encore ?
Ça va faire une semaine maintenant que je ne me suis pas rendu au travail, une semaine que j'évite ma meilleure amie comme la peste, une semaine que je ne suis pas sortie de mon appartement tout court, une semaine que ça s'est produit...
Mon coeur se serre à la mention de cette nuit... et je sens les larmes me monter aux yeux, alors que les images de la scène datant d'il y a une semaine maintenant me reviennent toutes plus violemment en mémoire les unes que les autres.
Ça a beau déja faire sept jours, la blessure est encore bien fraîche, là dans mon coeur. D'ailleurs, je pense bien qu'il y a toujours eu des entailles dans mon coeur, c'est juste que cette fois-ci, Denis Sullivan a définitivement terminé de me le perforer de part et d'autre, après s'être acharné dessus pendant une décennie.
Je veux dire... je sais qu'il ne m'aime pas, qu'il ne m'a jamais aimé et qu'il ne m'aimera sans aucun doute jamais, surtout après ce qu'il s'est passé mais...
Était-ce vraiment nécéssaire de me traiter de la sorte ? Je suis humaine moi aussi, après tout. Je suis la fille de quelqu'un.
Je ne suis pas la seule fautive dans cette histoire en plus !
Il... Il... Je lui ai dis, qu'il regretterait !
Je savais pertinemment qu'il réagirait de la sorte. Mais... J'ai finis par être celle à me se sentir comme la personne la plus sale qui existe sur terre.
Il a dépassé les bornes !
Et pourtant, je ne regrette rien...
Même si... il est vrai que ça a fait encore plus mal que s'il m'avait tout simplement rejeté poliment.
Je ne résiste pas plus longtemps et me laisse envahir par le nouveau flot de larmes qui m'assaillie, recroquevillée sur moi même, toujours sous les couvertures.
J'ai mal ! Tellement que ça en devient suffoquant. Je suis pitoyable... et le pire, c'est que je le sais. Oui, j'en ai parfaitement conscience.
***
J'ai tellement pleuré que mon téléphone a dû sonner une bonne dizaine de fois au moins. Je n'en sais trop rien à vrai dire, j'ai fini par le mettre sur mode silencieux au bout d'un moment.
Je me rend compte qu'il s'agit encore et toujours du même numéro : celui de Marylin, lorsque je le récupère finalement, après m'être enfin calmé.
Je devrais peut-être me décider à lui répondre... non ?
Ça va faire une semaine qu'elle est sans nouvelle de moi. Elle est même déjà venue frapper à ma porte plusieurs fois mais j'ai toujours refusé de lui ouvrir. Elle doit être vraiment très inquiète à ce stade. Ça m'étonne même qu'elle n'est pas encore appelé la police, la connaissant.
... Alors j'ai finis par décrocher.
- Al... allô ? J'entonne avec hésitation.
- Allô ? Jenny ?? C'est bien toi ??? Oui, c'est bien elle Marylin, il s'agit de sa voix après tout. Je l'entends crier, puis ensuite murmurer dans le combiné du téléphone, elle se parle - sans doute encore - à elle-même.
Ça lui arrive souvent.
- Bon ! Poursuit-elle, tout de suite après. Tu peux m'expliquer ce qui t'arrive au juste ? Espèce de petite égoïste qui ne pense qu'à elle !! Pourquoi tu disparais du jour au lendemain sans donner de raison et sans rien me dire à moi qui suis supposée être ta meilleure amie ? Tu as une idée du sang d'encre que je me suis fait à ton sujet ? J'ai pensé au pire !
Elle enchaîne reproches sur reproches, et je commence à regretter ma décision de répondre à son appel.
Tu me traites d'égoïste ?
C'est égoïste ça, de vouloir prendre du temps pour moi ? Ne me fait pas rire s'il te plait ! Pas quand j'ai toujours mis ton bonheur avant le mien. Si j'ai disparue du jour au lendemain comme tu le dis si bien, c'est parce que j'en avais besoin !
J'ai... pour la énième fois, eu le coeur brisé bon sang !! Et je ne suis pas entrain de rejeter la faute sur qui que se soit mais... je méritais bien un peu de répit loin de tout et de tous, non ? Ou alors... pour toi, ce n'est pas une raison suffisamment valable ? Je ne t'ai rien dis parce que je sais parfaitement bien que tu ne me le pardonnerais pas. Après tout j'ai...
Je préfère ne même pas y penser.
Je soupire bruyamment.
- Jenny ? Est-ce que tu es toujours là ?
- Oui, Mary, je suis toujours là. Où veux-tu que j'aille ? Je lui répond, le ton agacé, tout en me tenant l'arrête du nez.
- Alors quoi ? Tu ne vas pas me dire ce qui t'es arrivé au juste ? Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi tu ne viens plus au salon ? Pourquoi tu ne réponds ni à mes appels, ni aux messages ? Et plus que tout, pourquoi tu as disparu du jour au lendemain ??
Sa voix est un peu plus basse, trop même je dirais. On dirait bien qu'elle est triste. Se sentirait-elle, à tout hasard, coupable de quelque chose ?
Il est vrai qu'elle a merdé et que je ne lui pardonne pas. Tromper Denis ! Si ça ce n'est pas de la stupidité, je ne sais pas ce que c'est.
- Jenny... Reprend-elle sur le même ton.
- Je... Écoute Mary. C'est juste que ces derniers temps je... ne me sentais pas très bien tu vois alors j'ai décidé un peu égoïstement je l'avoue, de prendre du temps pour moi, loin de tout et de tous.
- Tu ne te sens pas bien Jenny ? Répète t-elle après moi.
- Oui, c'est ça. J'ai quelques problèmes de santé, c'est tout.
- Mais qu'est ce que tu as plus précisément ? Et pourquoi tu ne m'en parles que maintenant ??
- J'ai... fais une... intoxication alimentaire ! Et à cause de ça, je dois aller aux toilettes toutes les deux minutes donc, j'ai préférée resté à la maison. Et j'avais honte de te dire que...
- Quoi ? Que tu as la diarrhée, Jenny ??
- Mais chut !! Tu vois pourquoi je ne voulais rien te dire ? Tu ne sais pas ce que c'est, la discrétion.
- Désolé. C'est juste que... entre nous... on a pas déjà dépassé ce stade là ? Franchement ! Tu peux me parler d'absolument tout et aussi de rien, Jenny. Tu ne me verras jamais te juger. Peut-être un peu me moquer de toi mais bon... depuis le temps, tu y es habituée, non ?
- Ouais, je suppose que... ouais, tu as raison... J'acquiesce simplement.
- Une intoxication alimentaire. Et moi qui m'imaginais le pire ! Se moque t-elle.
- Ouais, c'est bon, ça va hein. Je m'agace.
Je l'entend rire aux éclats de l'autre côté du cellulaire.
- Tu devrais plus prendre soin de toi ma belle. Et à l'avenir, ne refais plus jamais l'erreur de ne pas me donner des nouvelles de toi pendant plus d'une journée !! Me dit-elle sur un ton ferme et autoritaire.
- Oui, oui... promis.
- J'ai tellement de choses à te raconter si tu savais ! Toi et moi devons absolument nous voir, je te préviens !
Laisse-moi deviner, le sujet sera toi, toi et encore et toujours toi !!
- Ah, et de quoi veux-tu que nous parlions ? Je lui demande tout de même.
- Je devine que tu en as déjà une petite idée mais il s'agit de...Tra-Travis. Je te dois des explications, je pense bien.
- Ouais, et pas des petites !
Travis... Sa voix est à nouveau devenue basse à la mention de ce simple prénom.
Dois-je en conclure qu'il s'agit là de son amant ?
Je ne dis rien, l'invitant à poursuivre son préambule introductif.
- Tu... Tu ne devineras jamais ce qui m'arrive en ce moment avec Denis !
Denis ? Elle a bien dit, Denis ??
- ... V-Vas-y, dis-moi tout. Je tente le coup, sur le ton le plus serein que j'ai en stock.
- Eh bien... figure-toi... que je pensais qu'après qu'il m'ait surprise au lit avec un autre il voudrait tout arrêter et qu'il couperait les ponts avec moi mais c'est tout le contraire !!
- Tout le contraire ? Je m'étonne.
- Ouais ! Durant toute la semaine où tu étais absente, il n'a pas arrêter un seul jour de venir au salon, pour tenter de tout arranger entre nous. Il a fait son show devant tout le monde, les clients et les employés, avec le bouquet de fleurs et la petite boîte de chocolat, il s'est même excusé. Pourtant, à ce que je sache, la fautive ici c'est moi ! Bref, il était vraiment ri.di.cu.le ! Oh, et j'ai failli oublier mais il m'a aussi dit vouloir poursuivre les préparatifs du mariage.
- Je te demande pardon ? Je m'horrifie.
C'est quoi cette façon de parler de lui ?
- Ouais ! Comme tu as entendu, ma belle. Tu peux y croire, toi ? Me raconte-t-elle sur un ton à la fois moqueur et dédaigneux.
Mais pourquoi rit-elle d'abord ? Je ne vois rien d'amusant là dedans, moi. Et je la savais encore moins comme ça. Depuis quand parle t-elle ainsi de son Denis ? Qu'est-ce qui a changé ? Quand les choses ont-elles changées ?
Et puis, en parlant de lui. Alors comme ça, même le fait qu'elle lui ait été infidèle et qu'il l'ait vue de ses propres yeux ne suffit pas pour le décourager ? Il n'en a vraiment rien à faire de m... Tout le reste.
Je suis bel et bien la seule qui soit restée coincée dans le passé, dirait-on...
Je sens les larmes remonter mais je fais l'effort de les contenir. Pas au téléphone avec Marylin, tout de même.
Jennifer Ortega !
Ça suffit maintenant ! Tu dois tourner la page ! Il en est plus que temps ! Encore plus maintenant, après la façon répugnante dont-il t'a traiter !! Ça commence vraiment à bien faire là !! Ça va faire dix ans maintenant, alors arrêtes de rêver et d'espérer, bon sang !
Je suis épuisée, mentalement et sentimentalement parlant aussi.
- Est ce que tu es toujours là, Jenny ?
J'emmerge hors de mes pensées au son de la voix de Marylin, de l'autre côté du combiné.
- Euh... Oui, oui, je suis toujours là. Tu sais quoi Mary ? On en discutera au salon de vive voix !
- Est ce que ça veut dire que tu comptes venir au salon là, maintenant ??
- Ouais.
- Alors... Dans ce cas, je t'attend ici mon amie et avec impatience ! Me dit-elle sur un ton tout de suite plus enjoué.
Je soupire dans le combiné de mon portable et je raccroche avant même qu'elle n'ait le temps de renchérir sur un autre sujet de conversation. Je fixe une énième fois le plafond qui se présente au dessus de moi et me lève de mon lit, que je n'aurais jamais souhaité quitter.
***
Quelques heures plus tard, je suis sur le trottoir, devant notre salon de beauté. Les mains tremblantes et le coeur battant. Peut-être de peur ou alors juste... d'appréhension ?
Allez savoir.
Je n'ai aucune idée de ce que je ressens au fond de moi en ce moment ni de comment je dois me comporter une fois devant Mary, et encore moins face à Lui.
D'ailleurs, j'espère ne pas le revoir d'aussi tôt. Mary a dit qu'il venait tous les jours ici pour... Essayer de la reconquérir.
Est ce qu'il sera là aujourd'hui aussi ? Est-ce qu'il y est déjà ??
Je soupire une dernière fois et me décide enfin à entrer dans l'enceinte de l'établissement.
A peine ai-je posé le pied à l'intérieur que je me retrouve assaillie par une montagne de questions et une vague de collègues ainsi que de fidèles clients qui se posent tous la même question : où étais-je donc passé toute la semaine dernière ?
Je n'ai aucune envie de leur répondre. Déjà que je ne dois rien à personne alors... Je me contente d'acquiescer de la tête à chacune de leurs intérrogations, tout en me frayant un chemin jusqu'à la sortie, c'est à dire, le bureau des chefs, Mary et moi. Et alors que je parviens à m'en sortir, je tombe nez à nez avec elle, se tenant face à moi, dans l'embrasure de la porte.
Mes yeux la fixent, attendant qu'elle fasse un geste ou quoi que se soit d'autre pour me signifier que tout va bien, qu'il ne lui a rien dit. Ma réponse ne tarde pas à se faire savoir, lorsqu'elle me prend dans ses bras sans crier gare.
Elle me serre si fort que j'ai du mal à respirer et l'espace d'un instant, j'oublie de lui rendre son étreinte.
De longues minutes s'écoulent avant que je ne réponde et à mon tour, je la serre fort dans mes bras. Je suis terriblement soulagée, il ne lui a rien dit. J'ai tout gâché avec lui mais au moins, il me reste encore Mary. Oui, je dois prendre soin de notre amitié. Elle est... Tout ce qu'il me reste après tout.
- Tu m'as tellement manqué ma belle ! Alors, tu me jures que tout va bien, hein ? Me demande-t-elle, tout en rompant notre étreinte pour me faire face.
C'est plutôt à moi de demander ça.
- Oui, je vais bien, promis. C'est comme je te l'ai dit au téléphone, c'était juste une intoxication alimentaire. Rien de très grave. Je la rassure.
- D'accord, d'accord, je te crois. Mais toi et moi devons parler ! J'ai tellement de chose à te dire mon amie ! Me dit-elle tout en m'entrainant avec elle à l'abris des regards et des oreilles, dans le bureau que nous partageons.
Comme je m'y attendais, la discussion s'articule principalement autour de l'affaire Denis-Travis.
J'en profite pour lui faire part de mon mécontentement et de ma déception quant-à son adultère - ainsi que de ma colère face à son manque de confiance en moi, qui suis son amie. Elle ne m'a rien dit au sujet de son amant, ce Travis. J'aimerai d'ailleurs le rencontrer. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de voir à quoi il ressemble la dernière fois parce que j'étais plus préoccupée par le fait de rattraper Denis et ne pas le laisser tout seul.
Elle n'arrête pas de se confondre en excuses, encore et encore. Je ne lui en veux pas vraiment. Ou du moins, plus autant qu'il y a de cela une semaine, au soir même de la découverte. Mais cela n'empêche pas que je ne lui pardonne pas son erreur. Je suis contre les adultères et elle le sait mieux que personne.
- Je ne te comprend pas ! Tu allais avoir la vie parfaite, Mary ! Un homme bon et aimant, un bonne situation familiale, financière et un avenir assuré ! Pourquoi avoir tout gâché et jeté par la fenêtre pour une aventure avec un type que tu ne connait que depuis peu ? Tu te rends compte un peu que Denis s'est mis sa mère et toute sa famille à dos juste pour tes beaux yeux ?
- J'en suis consciente et crois-moi, je suis... Plus ou moins désolé, mais...
- "Plus ou moins désolé", Mary ? Mais tu t'entends parler un peu ? En plus, ce n'est certainement pas à moi que tu dois présenter des excuses. Et puis d'abord, depuis combien de temps vous vous fréquentez, toi et ce Travis ?
- Eh bien... Oui, tu as raison. Je...
- Depuis combien de temps ?
Elle se met à rougir sans la moindre raison valable, le regard fuyant, puis me donne une réponse qui me laisse de marbre.
- Ça... va faire environ un an maintenant, si je ne me trompe pas. Tu sais que je n'ai jamais été très douée avec les chiffres.
- Quoi ? Je te demande pardon ?? Je m'offusque, en tapant du poing sur la table.
Elle sursaute un bref instant, tant disque moi je n'en crois toujours pas mes oreilles.
Est-elle sérieuse ?
À suivre...