***La cérémonie de remise des diplômes militaires fut organisée au cœur de la région nord, dans l’enceinte officielle de l’institution , un lieu dont les portes ne s’ouvrent que pour les plus grandes occasions.
Le soleil brillait haut, et la brise matinale, douce mais chargée d’un souffle de solennité, semblait elle-même annoncer un événement hors du commun.
Dès l’aube, les préparatifs avaient commencé dans une discrétion rigoureuse. Les soldats affectés à l’organisation se déplaçaient en silence, vérifiant les derniers détails, alignant les rangées de chaises et traçant les couloirs avec une discipline implacable. Des drapeaux d’unité avaient été plantés de chaque côté, et les murs de pierre ancienne , témoins de décennies de gloire militaire ,étaient ornés de banderoles exaltant l’honneur et la loyauté.
Vers dix heures, les invités commencèrent à affluer sur l’esplanade du défilé. À leur tête, les généraux et hauts gradés, en uniforme d’apparat, leurs décorations brillant sous les rayons du matin.
Le roulement grave des tambours fut le premier signal, suivi de cris de commandement puissants : le défilé militaire s’ouvrit.
Les soldats marchaient au pas, parfaitement synchronisés, comme si le temps lui-même s’ajustait au rythme de leurs bottes. Ils passaient devant la tribune officielle, le dos droit, le regard fixe.
Ce n’était pas qu’un simple défilé , mais une démonstration de loyauté, de discipline.
Des instants suspendus, silencieux, qui racontaient l’histoire d’années de formation et de sacrifice.
Pour bâtir l’Empire, une minute de silence fut observée à la mémoire des victimes de la dernière bataille à l’ouest. Ce moment de recueillement terminé, les invités furent conviés à rejoindre la grande salle où se tiendraient les cérémonies d’investiture.
La salle, spacieuse et de style classique, était surplombée d’un plafond orné de moulures dorées.
D’immenses lustres diffusaient une lumière chaleureuse sur l’assemblée de l’élite.
Tout le monde se tenait debout, en lignes impeccables , tout semblait si précis, si ordonné, que même le temps paraissait se plier aux lois de cette rigueur.
Ils étaient presque tous jeunes, d’âges proches… sauf Damien.
Seul dans la rangée des généraux, il occupait une place habituellement réservée aux plus hauts gradés.
Damien est un jeune homme de vingt-deux ans dont la beauté attire les regards sans le moindre effort. Son visage semble sculpté avec une précision presque irréelle : des traits nets, une mâchoire carrée soigneusement dessinée, et une peau lisse d’un bronze clair teinté de rose.
Ses cheveux châtains créent un contraste subtil avec la teinte plus foncée de ses sourcils, renforçant son allure magnétique.
Mais ce qui frappe avant tout, ce sont ses yeux — d’un vert émeraude aux reflets bleutés.
Un regard perçant, ensorcelant, un mélange envoûtant de douceur et d’intensité.
Ces yeux remarquables ne sont pas le fruit du hasard ,ils sont l’héritage des Valporine.
Tous les membres de cette lignée partagent ce regard unique, comme porteurs d’un secret ancien, d’une beauté presque maudite.
La courte distance entre ses sourcils et ses yeux lui confère un charme troublant, presque irréel.
Ses sourcils, épais et finement dessinés, rappellent la lame d’une épée — ils accentuent la profondeur de son regard.
Ses lèvres, pleines et naturellement rosées, dessinent une expression sérieuse, empreinte d’une mélancolie discrète.
Son sourire, en revanche, est espiègle, chaleureux — capable d’effacer les soucis en un instant.
Et malgré sa fragilité intérieure, ses douleurs tues, il offre autour de lui une paix rassurante, comme s’il allait toujours bien. Car selon lui, personne n’est obligé de porter le poids de nos blessures , chacun a sa propre histoire cachée.
C’est l’un de ces hommes qu’on n’oublie pas , non seulement pour son apparence, mais pour cette aura mystérieuse qui l’entoure, un équilibre déroutant entre force contenue et vulnérabilité enfouie.
Et pourtant, Damien n’était pas le seul héritier des Valporine.
À ses côtés se trouvait son cousin éloigné : Élias Vespasien D’Orval, petit-fils de Louise Anna Valporine, la sœur unique de Silvère Octave, le grand-père de Damien.
Élias, lui aussi, recevait son grade ce jour-là — colonel à seulement vingt-et-un ans.
Leur relation n’était pas conflictuelle. En apparence, tout semblait cordial.
Mais une distance invisible avait toujours persisté.
***Après la mort de leurs parents, Silvère avait écarté sa sœur Louise du cercle familial, la mariant de force à un aristocrate bien plus âgé, uniquement pour renforcer son propre pouvoir.
Depuis, Louise avait gardé une amertume silencieuse — elle, qu’on connaissait pour sa beauté éclatante et son intelligence vive.
Pourtant, elle avait su s’imposer dans sa nouvelle famille, les D’Orval.
Damien était apprécié des siens, ouvert et avenant. Élias, en revanche, avait toujours gardé ses distances ,non par haine, mais par prudence.
C’était un jeune homme au regard discret, dans lequel brillait une chaleur timide, presque pudique.
Ses yeux, d’un vert doré tirant vers le miel, étaient doux mais impénétrables.
Son visage délicat, illuminé par deux fossettes discrètes, et ses cheveux châtains clairs, brillants au soleil comme de l’or pâle, lui donnaient un air à la fois noble et mélancolique.
Grand et mince, il se mouvait avec une grâce silencieuse, comme s’il avait appris à observer bien plus qu’à être vu.
En lui, un conflit profond : la fidélité à une famille éclipsée… et le désir de s’en détacher, de tracer sa propre voie , d’autant plus qu’il entretenait une relation difficile avec son père, Vespasien Liam D’Orval.
Élias (voix basse, chargée d’amertume) :
《Je déteste porter son nom. Je déteste la façon dont il me regarde… comme si j’étais brisé, comme si je ne serais jamais assez.
Ces regards m’épuisent… Je n’étais pas coupable, je n’étais pas une honte.
Mais pour eux, j’étais un fardeau, quelque chose à dissimuler.
Ils m’ont jeté ici, comme si mon existence était une faute.
Mais ce n’était pas ma faute.
C’était la sienne… c’était la leur, à tous....…》
*****
***Le regard de Damien était doux et enjoué, mais ce n’était qu’un "visage parlant" — un masque social savamment étudié.
Au fond de lui, s’agitaient des complexités innombrables, un conflit oscillant entre rejet et loyauté.
Il scrutait les visages des présents, surtout ceux des diplômés,
un visage empli d’enthousiasme,
un autre marqué par la déception,
un troisième résigné dans une soumission muette.
Chacun portait un nom, une lignée…
et chacun, tôt ou tard, serait soit immortalisé, soit effacé.
Puis son regard se figea sur Élias.
Ses traits, autrefois si apaisants, semblaient aujourd’hui illisibles — silencieux, neutres, verrouillés sur eux-mêmes.
Ce n’était plus cette bienveillance familière qu’il connaissait, mais un visage tendu vers quelque chose d’imminent…
À cet instant, leurs regards se croisèrent.
Aucun des deux ne sourit. Aucun ne fit un geste.
Aucun ne détourna les yeux.
Leurs regards restèrent liés, figés…
Comme si un aveu silencieux se murmurait entre eux, sans un mot.
***Les Héritiers Enchaînés
Ceci, c’est l’égarement… m’entends-tu, ô destin ?
Des chaînes m’étranglent dans un silence malsain.
Ils veulent m’avoir, posséder mon essence,
Et moi, je fuis, las, sans défense.
Je n’ai jamais voulu ce reflet brisé,
Ce côté en moi que j’aurais renié.
Je suis devenu vain, corrompu, dérisoire,
Une ombre sans force, sans mémoire.
Mais que puis-je faire, fils d’un sort contraint ?
Héritiers liés, sans choix, ni chemin…
Nous portons les noms d’un peuple arrogant
Qui a semé la douleur en se croyant puissant.
Ils pensent régner, vénérés dans leur orgueil,
Et tombent dans l’excès, oubliant le seuil.
Autour de nous, des pions sans âme,
Des clowns sans feu, sans flamme.
Ils prétendent briller, mais n’ont point de clarté,
Des coques vides, de fausse majesté.
Mais moi, je resterai, malgré l’abîme et le froid,
Un cœur en lutte, fidèle à ma foi.
Et si je tombe, je renaîtrai plus fort,
Créateur lucide, au-delà de la mort........