LA TROISIÈME LETTRE

Une semaine s’était écoulée depuis cette soirée étrange où Nina était réapparue. Ou peut-être avait-il rêvé ? Henri n’en était plus sûr. Il n’en avait parlé à personne, même pas dans son carnet. Il gardait ce moment intact, comme un bijou trop fragile pour être exposé.

Puis un matin, sur le pas de sa porte, entre une publicité froissée et une facture d’électricité, il trouva une enveloppe. Blanche, fine, avec son nom inscrit à la main. Pas d’adresse, pas de timbre. Juste « Henri », et cette écriture qu’il avait cru avoir oubliée.

Il resta un long moment figé, l’enveloppe entre les doigts. Il aurait pu l’ouvrir là, mais il attendit. Il prit le temps. Comme on savoure quelque chose de rare. Il s’assit sur son lit, la lumière du jour filtrant à peine par les rideaux. Il respira profondément, puis déchira délicatement le papier.

À l’intérieur, une feuille simple, pliée en deux. Peu de mots. Juste une voix, comme venue de loin : « Tu m’as vue. Tu m’as reconnue. Je ne suis pas revenue pour troubler ta vie, Henri. Je suis revenue parce que la mienne ne trouvait plus de sens sans cette page qu’on a laissée blanche ensemble. Je ne te demande rien. Juste de ne pas fuir ce qu’on n’a jamais fini d’écrire. Si tu veux parler, tu sais où me trouver. »

Il relut la lettre trois fois. Il ne pleura pas. Il ne sourit pas non plus. Il sentit simplement quelque chose se détendre dans sa poitrine. Une sorte de permission. Un droit à reprendre là où tout s’était arrêté. Henri rangea la lettre dans son carnet, entre deux pages. Puis il prit sa veste, sortit, et marcha longtemps. Il ne savait pas encore ce qu’il allait faire. Mais il savait qu’il n’était plus en fuite.